Audrey Diwan (« Mais vous êtes fous ») : « Mon idée était de mélanger les genres »

Audrey Diwan (« Mais vous êtes fous ») : « Mon idée était de mélanger les genres »

19 avril 2019
Cinéma
Mais vous êtes fous
Mais vous êtes fous 2018 Wild Bunch - Manuel Moutier

Coscénariste de La French, Audrey Diwan signe son premier film, Mais vous êtes fous en salles le 24 avril, une plongée dans l’enfer de la drogue et des dommages familiaux qu’elle occasionne.


Comment est né Mais vous êtes fous, cette histoire d’un père qui intoxique son épouse et ses enfants par sa consommation excessive de cocaïne ?

J’ai rencontré la femme dont c’est l’histoire par l’entremise hasardeuse d’une amie commune. Elle s’est livrée à moi, un jour, sans me connaître. Elle était au beau milieu de cette tragédie, hébétée. Elle me disait que jusque-là, elle menait une existence “normale”, formule qui m’avait interpelée. À l’époque de notre rencontre, personne ne savait par quel biais la famille avait été intoxiquée. J’ai donc pris des nouvelles ensuite jusqu’à ce que j’apprenne comment ça s’était réellement passé. À ma demande, cette femme et son mari m’ont accompagnée durant le processus de réflexion. Ma formation journalistique m’invite toujours à aller sur le terrain, au devant des gens -pour La French, on a rencontré les protagonistes à Marseille et, de manière plus large, des autochtones qui pouvaient nous inspirer l’époque, un quartier, etc. Pour en revenir à mon film, cette idée du “plus je t’aime, plus je te fais des câlins, plus je te contamine” était en soi une idée bouleversante. L’écriture en elle-même m’a ensuite pris pas mal de temps car j’étais un peu prisonnière de la réalité. Il fallait me détacher de la réalité pour faire un pas fort vers la fiction. En définitive, pas mal de choses ont évolué, mon idée étant un peu de mélanger les genres : je voulais parler d’amour en y mêlant une sorte de suspense intime. Si je devais évoquer mes influences, ce serait autant César et Rosalie et Kramer contre Kramer que Hitchcock en général ou Take Shelter de Jeff Nichols.

Avez-vous écrit pour Pio Marmaï et Céline Sallette, qui portent à bout de bras cette histoire ?

Pour Céline, oui. Nous nous sommes rencontrées il y a sept ans et sommes devenues très proches. Pour moi, c’est la plus grande actrice française, avec une capacité de jeu inouïe. Quand j’écrivais le scénario, je lui promettais que si j’y arrivais, le rôle serait pour elle. Si elle était d’accord, bien sûr ! (rires) Pour le rôle du mari, ça a été un chemin plus long. Je voulais une nature survoltée, un acteur qui, à l’instar de l’homme qui a inspiré le personnage, dégage quelque chose d’éminemment sympathique, qu’il ne soit pas dans un archétype un peu trop signifiant. Pio, c’était marrant, il sortait du Salvadori (En liberté !), d’un truc un peu burlesque, et, moi, je lui demandais de tout rentrer, de jouer en dedans. Il est formidable dans le rôle en définitive.

Le film a-t-il été facile à monter ?

Pas vraiment... Dès que tu touches à ce genre de sujet, il faut s’apprêter à gravir une montagne, surtout s’agissant d’un premier film. Je n’avais pas non plus réalisé de court métrage avant. C’était un peu un acte de foi de la part de mon producteur Édouard Weil, à qui j’ai envoyé un traitement de dix pages et qui m’a dit banco une semaine de plus tard. On a lancé la préparation grâce à l’avance sur recettes du CNC et Canal+ mais sans avoir tout le budget. C’était un peu risqué. Heureusement, on a ensuite obtenu l’aide de la Région Île-de-France.

La chanson de Benny B qui donne son titre au film vous est-elle venue avant, pendant ou après l’écriture ?

C’est parti comme une blague. Je cherchais des titres de rap pour une scène et j’en ai parlé à un ami très pointu en la matière, qui me liste cinq titres. Dedans il y avait “Mais vous êtes fous” dont le texte rentrait en résonance avec la scène en question. Quand cet ami m’a ensuite avoué que c’était une blague de mettre ce titre, méprisé par les rappeurs, je lui ai dit que non seulement c’était trop tard parce que la scène était écrite mais que je l’avais gardé comme titre du film !

En salles le 24 avril, Mais vous êtes fous a bénéficié de l’avance sur recettes avant réalisation du CNC.