Dans les coulisses d’« Étoile » : l’art du décor entre Paris et New York

Dans les coulisses d’« Étoile » : l’art du décor entre Paris et New York

30 avril 2025
Séries et TV
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Étoile
« Étoile » créée par Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino Amazon MGM Studios

Thierry Zemmour a supervisé la fabrication des somptueux décors parisiens et des plateaux dans les studios d’Épinay pour Étoile. Cette série américaine signée Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino est une plongée élégante dans le monde de la danse entre Paris et New York. Le chef décorateur dévoile les coulisses de cette aventure visuelle et d’un savoir-faire français.


Comment êtes-vous arrivé au métier de chef décorateur ?

J’ai commencé par faire du repérage de décors. Je travaillais surtout avec des productions américaines et dénichais pour elles des lieux de tournage au Maroc qui n’avaient pas déjà été utilisés mille fois. Je passais mon temps avec les production designers [directeurs artistiques notamment en charge des décors, ndlr]. Nous avons partagé nos centres d’intérêt, et leur passion est devenue la mienne. C’est ainsi que je suis arrivé à la décoration. Ce passage par le repérage m’a permis de développer un œil pratique – évaluer la faisabilité d’un tournage dans tel ou tel décor – tout en cultivant la vision artistique d’un chef décorateur.

Travaillez-vous uniquement avec des productions américaines ?

Oui, je n’ai jamais été contacté pour des films tournés en français. J’ai d’abord été directeur artistique, et aujourd’hui je suis supervising art director, c’est-à-dire que je travaille avec des production designers qui font appel à moi, comme pour Étoile. Bill Groom, avec qui j’avais déjà travaillé sur une saison de La Fabuleuse Madame Maisel, m’a contacté pour cette nouvelle série.

Comment avez-vous travaillé sur Étoile ?

En 2020, juste avant les confinements, Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino sont venus à Paris. Nous avons visité des écoles de danse, l’Opéra Garnier… Ce sont des endroits magnifiques, mais avec mon expérience du repérage, j’ai tout de suite vu que ce serait compliqué d’y tourner avec une équipe de 250 personnes et tout le matériel. Ce n’était pas adapté. Alors nous avons préféré nous implanter aux studios d’Épinay. Le bureau de Geneviève, incarnée par Charlotte Gainsbourg, a bien été filmé dans le 9e arrondissement, mais pour le reste, nous avions besoin d’un énorme escalier, que nous avons pu construire à Épinay. Et puis il y a le bureau de Jack (Luke Kirby), à New York. À l’écran, toutes les fenêtres donnent sur le Lincoln Center for the Performing Arts. Mais en réalité, il n’y a pas de bureaux face au Lincoln Center ! Nous avons recréé le bureau à Épinay, et avec un photographe, nous avons réalisé des perspectives, des images placées derrière les vitres du décor. Grâce à un système de rétro-éclairage, nous pouvons passer du jour à la nuit. C’est une technique française très spécifique. La production a essayé un procédé similaire sur place, à New York, mais il coûtait six fois plus cher, et le rendu n’était pas à la hauteur. Alors nous nous en sommes occupés en France. Amy et Dan (Palladino) sont des romantiques de l’image. Ce genre de techniques leur plaît.

Diriez-vous que la France détient un véritable savoir-faire en matière de décor ?

C’est une évidence. Pour reconstituer le décor de l’Opéra Garnier, nous avons posé un backdrop, une vue des toits de Paris derrière les fenêtres, pour créer une perspective qui n’existe pas en réalité. Il y a aussi un travail remarquable sur les rosaces, les colonnes… Ce que nous avons réalisé avec les sculpteurs est unique. Ce décor a une particularité : tous les murs sont sur rails. Alors, quand nous arrivons avec une grue ou du matériel encombrant pour le tournage, il n’y a qu’à déplacer les murs, puis les remettre en place. Les Américains étaient bouche bée. C’est la magie du cinéma.

 

Quels corps de métier ont été mobilisés sur Étoile ?

Nous avions des sculpteurs, des staffeurs, des menuisiers, des serruriers… Tous ces corps de métier ont été coordonnés par un chef de construction incroyable, Romain Froissart, un jeune Français avec qui je travaille depuis longtemps et que les Américains rêvent d’emmener aux États-Unis.

Où avez-vous tourné en décors réels ?

Je suis très fier de ce que nous avons pu filmer au théâtre du Châtelet. Il y a cette séquence où le personnage de Tobias (Gideon Glick) invente une chorégraphie en symbiose avec le public. C’est un lieu somptueux, et nous avons été admirablement accueillis sur place. Nous avons aussi tourné aux Puces, au Club Haussmann, avec un mur lumineux fabriqué à partir de milliers de LED plaquées sur de la pierre translucide. Et puis il y a cette séquence magnifique devant l’Opéra-Comique, en hommage aux Parapluies de Cherbourg. Finalement, nous avons beaucoup tourné en extérieur, avec cette volonté de montrer un Paris qui ne soit pas un décor de carte postale. Nous voulions montrer le Paris des Parisiens.

Comment avez-vous collaboré avec l’équipe américaine de la production ?

Je voudrais mentionner le travail du producteur français Raphaël Benoliel qui cherche toujours à mettre en valeur la France dans des projets américains. Pour moi, c’est un bonheur de travailler avec les Américains. Nous avons la même passion, nous parlons le même langage cinématographique. Nous apprenons énormément en partageant nos expériences. S’il y a un savoir-faire français, il y a aussi des choses précieuses à prendre aux États-Unis. Travailler avec Amy Sherman-Palladino et Daniel Palladino, était également formidable. Leur écriture est brillante, et tout est pensé avec un amour profond pour le monde du spectacle.
 

Étoile, saison 1 en 8 épisodes

Affiche de « Étoile »
Étoile Prime Video

Créée et réalisée par Amy Sherman-Palladino Daniel Palladino
Écrite avec Thomas Ward
Produite avec Dhana Rivera Gilbert
A voir sur Prime Video depuis le 24 avril 2025
 

Cette série a bénéficié du Crédit d'impôt international.