Fiction TV : les régions sur le devant de la scène

Fiction TV : les régions sur le devant de la scène

13 septembre 2023
Séries et TV
Les Enchantés
Tournage de la fiction « Les Enchantés » dans les Hautes-Alpes Thierry Valletoux

Chaque année, les fictions audiovisuelles font leur rentrée des classes au Festival de La Rochelle. Et chaque année encore, elles font rayonner dans leur diversité les régions qui ont accueilli leurs tournages. Décryptage avec Mathilde Caillol, cheffe du service cinéma et audiovisuel de la Région Sud, et Godefroy Vujicic, directeur général de Pictanovo, la commission du film des Hauts-de-France.


France des villes, des campagnes, territoires ultramarins : la fiction TV s’ancre dans les réalités locales des territoires qu’elle tente de représenter dans leur pluralité et leur histoire. Parmi les 43 œuvres en compétition officielle cette année au Festival de la fiction de la Rochelle, qui se tient jusqu’au 17 septembre, on compte 24 productions françaises et une grande variété de régions représentées. La Nouvelle-Aquitaine avec Drone Games (Amazon Prime), le Grand Est avec Knock (13e Rue), La Réunion avec Un destin inattendu (France 2) ou encore l'Île-de-France avec La Belle étincelle (M6).

Des programmes de proximité

« Les fictions que nous accompagnons dépeignent de façon très fidèle les réalités de la Région Sud, ses contrastes, sa diversité, le quotidien de ses habitants », souligne Mathilde Caillol, cheffe du service cinéma et audiovisuel de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, territoire qui a accueilli le tournage de huit fictions sélectionnées à La Rochelle : La Fille qu’on appelle et Les Enchantés (Arte), Mère Indigne et Grand Palais Chicha Lounge (France TV Slash), Les Yeux grands fermés (TF1), Infiltré(e) (France Télévisions) ainsi que Tout cela je te donnerai et Droit de Regard (France 2).

Carte postale d’une région dans sa diversité et ses époques, la fiction TV joue un rôle de proximité entre les publics et les territoires. « Elle participe à la fois à une réappropriation du territoire par les habitants eux-mêmes, et à une attractivité touristique », constate Godefroy Vujicic, directeur général de Pictanovo, la commission du film pour les Hauts-de-France qui a accompagné le tournage des fictions Sambre (France Télévisions) et Croisement Gaza-Boulevard St-Germain (OCS) présentées à La Rochelle. Preuve en est, dans un lotissement de Wattignies, la maison en briques de Morgane (Audrey Fleurot), le personnage principal de la série HPI – succès d’audience et d’exportation – qui attire toujours plus de curieux. « HPI est très représentative de la diversité de notre territoire. C’est une série qui est désormais aux yeux du public associée à la métropole lilloise », remarque Godefroy Vujicic.

Tournage de « Croisement Gaza-Boulevard St-Germain » (OCS) dans les Hauts-de-France Noé Productions 

Même dynamique en Région Sud où le quartier pittoresque et historique du Panier à Marseille a vu sa fréquentation exploser depuis la diffusion de la série Plus belle la vie. Touristes comme locaux partent également sur les traces d’Emily in Paris dans le Vaucluse ou d’Alex Hugo sur les sentiers des Hautes-Alpes. « On note un réel engouement du public et notamment des habitants pour retrouver les emplacements et les décors des productions, confirme Mathilde Caillol. Un exemple : le succès du compte Instagram cinevoyageuses dédié aux lieux de tournage de films et de séries, créé par deux passionnées de cinéma, natives de Marseille ». Des mas provençaux aux chalets de montagne, en passant par les champs de lavande du plateau de Valensole, plus de 1 500 décors sont mis à disposition par la Région. « Nous avons une diversité de paysages qui permet de faire figurer le monde : l’Italie, le Maghreb, mais aussi le Colorado dans les Hautes-Alpes ou encore Paris avec Marseille et ses immeubles haussmanniens… ». Les équipes des Enchantés (Arte) ont ainsi pris possession des Hautes-Alpes pour 32 jours de tournage en 2022.

Du côté des Hauts-de-France, les productions disposent de plus de 1 200 décors pour leurs tournages, des plages du nord aux châteaux du sud, en passant par les cités minières et les corons. Les équipes de Croisement Gaza-Boulevard St-Germain (OCS) ont pu poser leurs caméras dans un ancien tunnel de la Première Guerre mondiale, qui venait tout juste d’être découvert et qui a dû être démilitarisé pour l'occasion. Quant au tournage de Sambre (France Télévisions), il s'est déroulé à Roubaix dans l'enceinte des Archives nationales du monde du travail, mais également dans les villes de Dunkerque, Bailleul ou encore Thumeries.

Une politique de soutien ambitieuse

Pour attirer les productions sur leur territoire, les régions proposent des soutiens à l’écriture, au développement et à la production des œuvres. Chaque année, les Hauts-de-France investissent 8,6 millions d’euros dans le soutien à la création. « Il y a une forte volonté politique d’accueillir des projets. C’est pourquoi nous avons doublé les fonds de soutien depuis 2017 », explique Godefroy Vujicic alors que la Région a lancé un nouveau fonds en juillet 2023 en faveur de longs métrages, unitaires et séries, en prise de vue réelles et en animation, à forte valeur ajoutée pour le territoire. En Région Sud, le Fonds d’aide à la création audiovisuelle et cinéma est passé de 6 à 7,25 millions en 2020. Parmi les huit fictions présentées à La Rochelle et tournées sur le territoire, cinq ont bénéficié de cet accompagnement (La Fille qu’on appelle ; Mère indigne ; Grand Palais Chicha Lounge ; Les Enchantés ; Les Yeux grands fermés). Un montant qui avait déjà augmenté de 30 % à l’arrivée de la mandature actuelle en 2017. « Il y avait très tôt l’intention de s’emparer de ces enjeux avec l’ambition de faire de la Région non seulement une terre de tournages, mais aussi une terre de création. De manière à structurer et à faire évoluer la filière locale, précise Mathilde Caillol. À titre d’exemples, nous disposons de 2 000 techniciens actifs sur le territoire et sommes la deuxième région de France en nombre de producteurs délégués après l’Île-de-France. »

La formation aux métiers de l’image est l’un des grands enjeux de « La Grande Fabrique de l’image », le volet du plan de relance France 2030 dédié aux studios de tournage, aux studios de production numérique et à la formation professionnelle. Plusieurs projets implantés dans les Hauts-de-France et en Région Sud ont par ailleurs été labellisés.

Locomotive économique

La fiction est le genre de programmes le plus consommé à la télévision. Et à l’international, la création française cartonne puisqu’en 2022 ses ventes ont atteint leur plus haut niveau historique avec 80,7 millions d'euros soit une augmentation de 40,9 % par rapport à 2021. La fiction est devenue le premier genre à l'export pour la première fois depuis 1999. Une aubaine pour les régions, comme la Région Sud qui a attiré 1731 jours de tournage pour la fiction audiovisuelle (télévision et plateformes) en 2022. La venue d’équipes de tournage sur un territoire contribue à son développement économique à travers, notamment, le recours à l’hôtellerie locale, à la restauration et aux prestataires de transports. La fiction TV – en particulier les séries – joue un rôle d’autant plus fort qu’elle génère de nombreux jours de tournage. « Forcément quand vous tournez un 6 ou 8 x 52 minutes, vous restez plus longtemps sur place avec des équipes plus nombreuses que pour un long métrage de deux heures », appuie Godefroy Vujicic. Les tournages permettent de recruter des professionnels locaux (techniciens, comédiens…). Ce fut le cas pour la série HPI qui a permis d’employer 48 personnes des Hauts-de-France sur les saisons 3 et 4 ou encore de Sambre sur laquelle ont travaillé 35 techniciens de la région. Un atout important qui permet aussi de fidéliser les tournages. « Quand les productions sont satisfaites de l’accueil et du travail de la filière locale, elles reviennent », témoigne Godefroy Vujicic.