La première édition des Emile Awards (European Emile Awards) se déroulera le 8 décembre prochain, à Lille. A travers cette manifestation regroupant l’ensemble des acteurs du cinéma d’animation européens, la France, à l’origine de cet événement par l’intermédiaire de Didier Brunner, fondateur de la société de production Les Armateurs et instigateur du projet, inaugure une nouvelle étape dans l’évolution, l’identité culturelle et la maturité du secteur de l’animation à la fois hexagonal et européen.
A l’instar des Animation Awards américains (Annie Awards), les Emile Awards – dénommés ainsi en hommage aux deux pères (français) fondateurs de l’animation mondiale, Emile Reynaud (1844-1918) et Emile Cohl (1857-1938) - sont et seront désormais, nous l’espérons, l’événement dédié de la communauté européenne du cinéma d’animation et un événement tourné également vers le grand public.
Reynaud, du praxinoscope au Théâtre optique
Emile Reynaud fut à la fin du XIXème siècle, grâce à son travail et son génie visionnaire, la personne qui réussit à synthétiser une grande partie des inventions élaborées autour des jeux optiques et de la reconstitution du mouvement. En 1877, il breveta sa première invention, le praxinoscope : une version nettement améliorée du zootrope conçu en 1834 grâce à la mise au point d’un prisme en verre, permettant de voir pour la première fois les dessins en mouvement reflétés sur des miroirs positionnés au centre d’une couronne et non à travers les fentes d’un tambour comme pour le zootrope.
Reynaud déclina son invention jusqu’en 1888, date à laquelle il déposa de nouveau un brevet pour un Théâtre optique, machine permettant la projection sur grand écran d’images animées sur un décor fixe. Il utilisa pour cela une bande comportant non plus 8 ou 12 dessins animés en boucle dans son praxinoscope, mais plus de 500 dessins projetés en continu à partir d’une bande, véritable ancêtre de la pellicule cinématographique.
Ainsi, fin 1892, sur les grands boulevards, trois ans avant la première projection publique du Cinématographe des frères Lumière, Reynaud inaugura des projections de pantomimes lumineuses au théâtre Grévin : le public ayant au préalable payé sa place y assistait à une représentation sonore et en couleurs située à mi-chemin entre la représentation théâtrale du mime (pantomime) avec musique et bruitages, et la projection sur grand écran. Et ce, trois fois par jour, jusqu’en 1900.
Avec son spectacle, Émile Reynaud symbolise le lien entre ses deux formes artistiques mais c’est aussi l’un des pères du cinéma d’animation. C’est pour cette raison que les spectacles de pantomimes lumineuses furent inscrits au registre Mémoire du monde de l’Unesco en 2015.
Extrait de la bande Pauvre Pierrot d'Emile Reynaud
Reconstitution 35mm effectuée par Julien Pappé en 1996 avec le concours du CNC et du CNAM à partir de la bande de la pantomime lumineuse originale présentée à partir du 28 octobre 1892 au Musée Grévin
Cohl, créateur fantasmagorique
En 1907, quelques années après l’invention du Cinématographe inauguré en 1895, un caricaturiste du nom d’Emile Cohl (Emile Courtet) alors âgé de 50 ans, détourne le procédé - prévu à l’origine pour enregistrer et restituer un mouvement continu – afin de photographier image par image à l’aide de sa caméra ses dessins qui sont ensuite projetés sur un écran pour y être animés. Le 17 août 1908, Fantasmagorie, premier film tourné à l’aide de ce procédé, est présenté au public du théâtre du Gymnase à Paris. Le dessin animé cinématographique était né.
En 1913, il enseigna son art jusqu’aux États-Unis et devint ainsi l’un des fondateurs de l’animation américaine. Jusqu’en 1937, Emile Cohl réalisa plus de 300 films à l’aide de cette technique mêlant parfois prises de vues réelles, dessins animés et objets, créant ainsi un véritable univers à part entière.
Le 8 décembre 2017 sera peut-être ainsi une nouvelle date à inscrire dans le calendrier international des rendez-vous de l’animation, comme le 28 octobre qui fête aujourd’hui la journée mondiale du Cinéma d’animation - en hommage à la première projection publique de bandes animées (pantomimes lumineuses) d’Emile Reynaud au Musée Grévin -, le festival d’Annecy en juin, rendez-vous annuel incontournable ou bien encore Cartoon Forum, autre manifestation à dimension européenne, et toutes les trois soutenues par le CNC.