Plus de 80 autorités publiques, organisations professionnelles du cinéma et particuliers ont soumis des contributions dans le cadre de la consultation publique sur les aides d’Etat au cinéma et à l’audiovisuel, lancée le 30 avril dernier par la Commission européenne.
Une très grande part de ces contributions s'est centrée sur le projet de la Commission de limiter drastiquement le lien entre les aides publiques et le territoire de l’autorité nationale ou locale qui les octroie.
En effet, alors que les règles actuelles (« Communication cinéma » de 2001) permettent à un Etat membre d’exiger du producteur bénéficiaire de l’aide que jusqu’à 80 % du budget total du film concerné soit dépensé sur son territoire, le nouveau projet, s’il était adopté, d’une part réduirait considérablement cette possibilité, d’autre part, la viderait presque entièrement de sa substance puisqu’il ne permettrait plus de conditionner l’aide à l’utilisation des filières de production locale.
Cette nouvelle orientation de la Commission s’avère disproportionnée. Elle empêcherait les Etats membres de poursuivre leurs objectifs de politique culturelle et méconnaît le fait qu’en vue de réaliser ces objectifs, le Traité (et l’interprétation qu’en a donnée la Cour de justice de l’Union européenne), permet de soustraire le secteur de la création audiovisuelle à une stricte application des règles de la concurrence et du marché intérieur.
Les conséquences de ces nouvelles règles seraient très négatives pour l’ensemble de l’industrie cinématographique et audiovisuelle européenne, qui est soutenue dans les Etats membres par des dispositifs d’aide publique décisifs pour assurer le financement et la diversité de la création.
L’Allemagne estime ainsi dans sa contribution que les propositions de la Commission en matière de territorialisation sont inadaptées, qu’elles sont incompatibles avec l’aide fiscale qu’elle met en œuvre et qui a été autorisée à plusieurs reprises par la Commission et qu’elles constituent une ingérence inacceptable dans le droit des Etats membres de déterminer eux-mêmes les moyens de réaliser leurs objectifs de politique culturelle. Elle demande à la Commission de trouver un meilleur équilibre entre les règles du marché intérieur et la « dérogation culturelle » prévue par le Traité afin de prendre en compte les spécificités du secteur de la création audiovisuelle.
La Belgique indique quant à elle que si le « retour sur investissement » n’est plus assuré pour les pouvoirs publics, ces derniers soit se désengageront du financement du secteur, soit mettront en place des clauses de « territorialisation implicite » qui iront à l’encontre des objectifs de transparence et de sécurité juridique recherchés par la Commission européenne et nécessaires à la profession.
Le British Film Institute (Royaume-Uni) souligne pour sa part le risque d’affaiblir le secteur audiovisuel sur le continent et par contrecoup au Royaume-Uni en raison de l’impact négatif qu’auraient les nouvelles règles sur les coproductions intra-européennes. Il est favorable à l’application du principe de subsidiarité plutôt qu’à l’imposition d’une règle unique par la Commission. Surtout, le Royaume-Uni regrette l’absence « d’étude d’impact de la Commission modélisant l’effet de ses propositions sur le nombre, la portée et la valeur de la production européenne et de l’emploi qui lui est associé, et sur la diversité culturelle en Europe. »
Plus globalement, ce sont l’ensemble des centres nationaux du cinéma en Europe qui sont unanimes dans leur critique de ces propositions et requièrent la possibilité de mettre en œuvre un lien effectif entre l'aide et le territoire d'octroi.
Enfin, les Coalitions européennes pour la diversité culturelle considèrent que la Commission ne prend pas suffisamment en compte la spécificité du secteur audiovisuel, pourtant reconnue tant par la Convention UNESCO du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (ratifiée par l’Union européenne et tous ses Etats-membres), que par les articles 167.4 et 107.3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Les inquiétudes sont donc fortes et généralisées sur les incidences négatives d’une telle réforme. De nombreuses contributions soulignent que les mécanismes aujourd’hui en vigueur ne nuisent en rien à la dynamique du secteur cinématographique et audiovisuel en Europe et demandent qu’en l’absence d’une évaluation solide de l’impact du changement proposé, les règles du jeu mises en œuvre depuis 12 ans ne soient pas modifiées.
Vives inquiétudes de l’industrie cinématographique européenne sur le projet de « communication cinéma » de la Commission européenne
31 juillet 2013