Alexis Michalik : « Avec "Edmond", je veux raconter les difficultés de la création »

Alexis Michalik : « Avec "Edmond", je veux raconter les difficultés de la création »

09 janvier 2019
Cinéma
Edmond
Edmond Gaumont Distribution - Légende - DR

Alexis Michalik, l’auteur du Porteur d’histoire, multi-récompensé aux Molières nous raconte la genèse de son film, Edmond, qui réinvente la naissance de la pièce Cyrano de Bergerac.


Que représente Cyrano de Bergerac pour vous ?

Tout le monde connaît Cyrano de Bergerac. Pas le poète du XVIIè siècle, mais le personnage de théâtre créé par Edmond Rostand. Le personnage de fiction a totalement dépassé son modèle. La vie de Cyrano de Bergerac, l’auteur, n’est pas du tout telle que Rostand l’a décrite. Il n’est même pas de Bergerac ! Ce qui n’a pas empêché la ville de lui ériger deux statues. Grâce à Edmond Rostand, Cyrano est devenu le héros français par excellence, romantique.

Cependant, c’est Edmond Rostand qui est le héros de votre film. Pourquoi ?

Il n’y a qu’une fois dans la littérature française où en une nuit un auteur est passé de ringard à poète national. C’est fou ! Pour autant, ma vocation n’est pas de raconter la vie de Rostand mais de montrer les difficultés qu’éprouve un créateur pour mener une histoire à son terme face à l’adversité. J’ai envisagé Edmond comme un Shakespeare in Love à la française qui raconte à la fois la pièce et ce qui fait qu’on l’aime. Un film où je mets  en abîme le romantisme du texte dans la vie de Rostand.

Vous parlez de film, mais c’est au théâtre qu’on a d’abord découvert votre Edmond…

Edmond a d’abord été un scénario destiné à être adapté au cinéma. Je suis auteur de théâtre, mais l’ampleur de cette aventure et son côté populaire la destinaient au grand écran. A l’époque je ne devais pas le réaliser, même si c’était mon rêve. On ne confie pas à un débutant un grand film populaire  en costumes, donc une production au budget conséquent. Mais personne n’a voulu le mettre en scène. Secrètement, je trouvais ça super. Je me disais : « Plus on attend, plus j’ai de chances de le réaliser un jour. »

Avez-vous cherché à acquérir de l’expérience comme réalisateur ?

Je me suis mis à faire des courts métrages. En 2015, Lexus organisait un concours et choisissait un apprenti cinéaste par continent.  J’ai été sélectionné sur un pitch de science-fiction et j’ai gagné. On m’a demandé d’être à San Francisco le samedi. Le vendredi soir, c’était les attentats du 13 novembre. Le choc pour tout le monde ! Le lendemain matin, je suis dans l’avion. Je passe trois jours là-bas, un peu groggy, et dans l’avion du retour je me dis que je ne peux pas raconter cette histoire de science-fiction. L’actualité m’a rattrapé. J’ai écrit l’histoire d’une mère américaine à Paris ce soir-là. J’avais même prévu de faire un premier long avant Edmond pour asseoir ma crédibilité. C’était une comédie de trentenaires sur deux amis qui deviennent escort boys par accident. Je l’ai écrite avec Benjamin Bellecour, mon ami et producteur au théâtre. Au moment où le projet a commencé à susciter de l’intérêt, Edmond est arrivé.

Comment Edmond est-il devenu cette pièce aux 5 Molières qui tient  l’affiche depuis plus de deux ans ?

J’ai eu un déclic, à Londres, où j’étais parti en week-end pour voir des pièces de théâtre, devant Shakespeare in Love sur scène. C’est là que je me suis dit, en fait qu’Edmond pourrait être adapté au théâtre. J’en ai parlé à mes producteurs qui m’ont donné leur accord. Le Palais-Royal a dit oui mais c’était un gros risque financier. Sans une tête d’affiche  Le passage au théâtre a été hyper bénéfique car en reprenant mon scénario, beaucoup de défauts m’ont sauté aux yeux. Ca m’a permis aussi de tout tester : les vannes, les émotions, la musique…

Ce fut ensuite une évidence de vous confier la réalisation du film…

Avec les Molières, ma notoriété s’est accrue, mais le financement restait toujours compliqué à trouver. Fort de ce parcours, quand je suis arrivé sur le tournage en janvier 2018, j’avais une grosse pression, mais j’avais l’assurance de l’expérience théâtrale. Quand j’entendais les dialogues, j’étais très directif parce que je savais exactement comment il fallait que ça sonne.

Edmond est sorti en salles mercredi 9 janvier.