Cinq bandes originales incontournables d’Ennio Morricone 

Cinq bandes originales incontournables d’Ennio Morricone 

04 juillet 2022
Cinéma
"Ennio" de Giuseppe Tornatore Le Pacte

Alors que sort sur les écrans Ennio, le documentaire de Giuseppe Tornatore consacré au célèbre compositeur italien décédé en 2020, tour d’horizon de ses bandes originales de films les plus célèbres. 


Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone (1968)

C’est la troisième collaboration d’Ennio Morricone avec Sergio Leone, après Pour une poignée de dollars (1964) et Et pour quelques dollars de plus (1965). Comme pour leur précédente collaboration, Leone a demandé au compositeur de lui fournir les musiques avant le tournage afin que les accords guident sa mise en scène. Sur le plateau, des haut-parleurs diffusaient ainsi la musique de Morricone pour rythmer les mouvements de caméra et des corps dans l’espace. L’Italien a composé un thème pour chacun des trois personnages et leur a même associé un son particulier : celui de la flûte soprano pour Blondin (le Bon), l’ocarina pour Sentenza (la Brute) et enfin le cri du coyote pour Tuco (le Truand). Quant au thème principal, reposant sur une association de quelques notes répétées à l’infini, il va devenir encore plus célèbre que le film, au point d’avoir sa propre vie. « Leone me demandait toujours des thèmes que les gens pouvaient écouter et chanter facilement, il ne voulait pas de choses trop compliquées, explique Ennio Morricone dans l’ouvrage Ma musique, ma vie (Éditions Séguier). Il les sélectionnait en m’écoutant les jouer au piano en version simplifiée, mais moi, je savais déjà à quel instrument correspondaient les notes. Et pendant les orchestrations, je n’hésitais pas à ajouter des instruments insolites en cherchant toujours à ce que les timbres se célèbrent eux-mêmes. » L’une des grandes idées de cette bande originale est de faire imiter à la chanteuse Edda Dell’Orso le cri du coyote, rendant plus étranges encore les sonorités maléfiques de cet Ouest sauvage et fantasmé.

Le Clan des Siciliens d’Henri Verneuil (1969)

Les accords sautillants de la guimbarde dès l’ouverture ne trompent pas. Depuis les plaines d’Almería où il a trouvé racine, l’instrument voyage cette fois dans le polar français. Ennio Morricone poursuit ici sa fructueuse collaboration avec Henri Verneuil, débutée avec La Bataille de San Sebastian (1968) et qui s’achèvera avec Peur sur la ville (1975). Le tema italiano qui ouvre Le Clan des Siciliens condense à lui seul tout l’art du compositeur : gimmick reposant sur deux trois accords, arrangements soyeux, mélodie aussi enveloppante que mélancolique et cette guimbarde faisant quasi office de signature. En écho à ce thème inaugural, Morricone adjoint à celui qui clôt le film, Il Clan Dei Siciliani (Finale), un sifflement, trait caractéristique de son travail. Le reste de la musique alterne une atmosphère jazzy avec une utilisation savante des cuivres (Snack Bar), des morceaux plus tonitruants, guidés par une batterie et un piano, entêtants (Tema Per Le Goff) et de belles envolées où les instruments à vent font retomber la pression tout en suggérant la tragédie (Tema Per Nazzari E Delon). Le thème principal, lui, se réinvente à l’envi et sonne comme un rappel à l’ordre. Ce Clan des Siciliens décrit un monde crépusculaire.

The Thing de John Carpenter (1982)

John Carpenter, cinéaste américain indépendant, a déjà à son actif une kyrielle de hits : Assaut (1978), Halloween, la nuit des masques (1979), The Fog (1980) et enfin New York 1997 (1981). Avec The Thing, vague remake d’un film SF de Howard Hawks, il roule cette fois pour un gros studio. Le réalisateur, qui jusqu’ici se chargeait lui-même de composer la musique de ses films, peut s’offrir un maître. Ce sera donc Ennio Morricone. « … Il m’avait même confié avoir mis la musique d’Il était une fois dans l’Ouest à son mariage… » raconte, à propos de John Carpenter, le musicien italien dans Ma musique, ma vie. Pour son premier film de studio, l’Américain avait donc laissé son synthé au garage. Morricone ne parle alors quasiment pas un mot d’anglais et le rendez-vous à Rome avec l’auteur d’Halloween, la nuit des masques est un peu manqué. « [Carpenter] s’est éclipsé lors de notre première rencontre, à la fin de la projection (...) il a pris la cassette et s’en est allé, me laissant seul dans la salle… » Ennio y voit, pourquoi pas, une forme de pudeur. Pour la musique de The Thing, le musicien a d’abord enregistré une version au synthétiseur à Rome et une autre avec orchestre, à Los Angeles. Carpenter, chantre du minimalisme sonore, ne gardera finalement que la version romaine à la grande surprise de Morricone. En fait, pas tout à fait, puisque le score intégral de The Thing possède aussi des arrangements d’anthologie. 

Mission de Roland Joffé (1986)

Le maestro aimait à répéter que, trop impressionné par la tâche qui s’offrait à lui, il avait d’abord refusé de composer la musique de Mission. Cette fresque raconte le retrait forcé des jésuites d’Amérique du Sud au milieu du XVIIIe siècle, et ce, afin que l’Espagne et le Portugal se partagent le vaste territoire. Au cœur de ces missions jésuites, la musique occupait alors une place centrale dans l’évangélisation des esprits. Morricone, on le sait, ne se fera pas prier bien longtemps et va signer l’une des musiques les plus singulières de son répertoire. Le hautbois devient ici la voix et la conscience religieuse de l’ensemble. Il épouse à la fois les mouvements du cœur du frère Gabriel (Jeremy Irons) et accompagne spirituellement la résistance face à l’armée portugaise. L’instrument vole ainsi au-dessus des orchestrations volontairement lyriques. Les cinq notes inaugurales du Gabriel’s Oboe vont même devenir un gimmick, voire un thème à part entière. Il sera reproduit à divers endroits d’une partition qui mêle musique ethnique et sacrée. La bande originale de Mission reste l’un des plus gros succès du compositeur italien. Nommé à l’Oscar, Morricone devra s’incliner face à Herbie Hancock pour son travail sur Autour de minuit de Bertrand Tavernier. À propos du caractère forcément religieux de son travail, le compositeur expliquait en 2009 dans une interview reprise par le site Cinezik.org : « Si je dois écrire une pièce de musique religieuse, ma foi m’aide indiscutablement. En tant que croyant, cette foi est probablement toujours là, mais c’est à d’autres de s’en rendre compte, aux musicologues et à ceux qui ne se contentent pas d’analyser les morceaux de musique, mais qui ont aussi une compréhension de ma nature, comme aussi du sacré et du mystique. »

Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (2016)

Quentin Tarantino avait plusieurs fois cité Ennio Morricone dans ses BO-playlists. Ainsi, en 2004, dans Kill Bill : Volume 2, on pouvait entendre L’Arena (Le Mercenaire), Il Tramonto (Le Bon, la Brute et le Truand) et A Silhouette of Doom (Navajo Joe). Trois musiques tirées de westerns spaghettis que l’Américain vénère. Lorsque Tarantino s’attelle à son propre western enneigé, il décide de rompre avec ses habitudes et de travailler pour la première fois avec un compositeur. Le nom d’Ennio Morricone paraît logique. La neige qui envahit l’écran dès les premières minutes des Huit Salopards renvoie à celle qui recouvrait les plaines de l’Antarctique dans The Thing. Morricone s’inspirera de son travail avec Carpenter et certaines orchestrations laissées de côté par l’auteur d’Halloween, la nuit des masques refont surface trente-quatre ans après dans le film de Tarantino. Le compositeur laisse parler sa fougue et enrobe ses mélodies entêtantes d’un lyrisme décomplexé. Par opposition, il alterne avec des moments tout en tension contenue. Ainsi, la progression du morceau qui ouvre le film, L’Ultima Diligenza di Red Rock, est l’une des pièces maîtresses de l’œuvre pourtant déjà impressionnante du musicien. Cette fois, Morricone ne passe pas à côté de l’or hollywoodien et reçoit le seul Oscar de sa longue carrière (excepté une statuette d’honneur en 2007). Ce sera l’un de ses derniers faits d’armes. Il décède le 6 juillet 2020 à l’âge de 91 ans.

Ennio

Écrit et réalisé par : Giuseppe Tornatore
Image : Fabio Zamarion et Giancarlo Leggeri
Musique : Ennio Morricone
Production : Piano B Productions 
Distribution : Le Pacte

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