Un projet vieux de dix ans
L’histoire de Miracle à Milan débute en 1939, date à laquelle Cesare Zavattini, le futur scénariste de Rome, Ville ouverte, vient parler à Vittorio De Sica d’un scénario tout juste terminé : Donnons à tout le monde un cheval à bascule. Comédien depuis une quinzaine d’années avec une trentaine de films à son actif, De Sica, enthousiaste, y voit l’histoire idéale pour ses premiers pas derrière la caméra. Le duo se met donc au travail, mais la censure italienne met son veto au film en raison d’une fin jugée trop négative. Vittorio De Sica rebondit et en propose une autre, plus optimiste, mais le début de la Seconde Guerre mondiale aura finalement raison du projet. Vittorio De Sica passera à la réalisation quelques mois plus tard avec Roses écarlates, un long métrage cosigné par Giuseppe Amato. En parallèle, Cesare Zavattini décide de transformer son Donnons à tout le monde un cheval à bascule en un roman qui paraît en 1943 sous le titre de Toto il buono. C’est de ce livre que le duo De Sica-Zavattini repartira pour coécrire Miracle à Milan au tout début des années 1950. L’histoire de Toto qui, à sa sortie de l’orphelinat, rejoint les clochards d’un bidonville qu’il essaie d’aménager au mieux dans la bonne humeur avant qu’un homme d’affaires, ayant découvert un gisement de pétrole sous leur terrain, ne les menace d’expulsion. Vittorio De Sica a enfin l’occasion de parler d’un thème qui l’obsède depuis des années : l’indifférence des humains à l’égard des besoins d’autrui. Il choisira d’aborder Miracle à Milan par le prisme de la fable.
Une période en or pour De Sica
Lorsque Vittorio De Sica se lance dans Miracle à Milan, il vit la plus belle période de sa carrière de cinéaste. Ce fils de magistrat élevé entre Naples et Rome a déjà mis en scène deux chefs-d’œuvre du cinéma italien : Sciuscià et Le Voleur de bicyclette, notamment coécrits avec son inséparable complice Cesare Zavattini. Dans le premier, il a posé les bases du néoréalisme qu’il a porté véritablement à l’état de dogme dans le second avant donc de les transcender et de les dépasser dans Miracle à Milan. Dans ce troisième film, De Sica part d’une réalité très rude pour tendre vers le conte, et par là même, pervertit les règles de base qu’il a contribué à installer.
Un film sous influences
Pour Miracle à Milan, Vittorio De Sica et Cesare Zavattini se sont inspirés de deux auteurs capables comme peu de mêler quotidien et insolite et de tourner le tragique en dérision : René Clair et Charlie Chaplin.
Une sortie mouvementée
En offrant une vision de la vie plus positive qu’à son habitude, Vittorio De Sica a surpris et déstabilisé. La critique italienne a majoritairement descendu en flammes ce qu’elle considérait comme une trahison impardonnable du néoréalisme dont il était donc jusque-là l’un des fers de lance. La même violence que connaîtra, deux ans plus tard, Luigi Comencini avec sa comédie Pain, Amour et Fantaisie. Mais la presse ne fut pas la seule à condamner ce Miracle à Milan. Le Vatican, très influent, le condamna pour « matérialisme » en raison d’une scène où l’on voit des enfants naître dans les choux !
Primé à Cannes
S’il n’a donc pas été immédiatement prophète en son pays, Miracle à Milan a cependant reçu un accueil enthousiaste hors de ses frontières. Le New York Film Critics Circle lui accorda ainsi son trophée du meilleur film étranger en 1951. Quelques mois plus tôt, le film avait été présenté au festival de Cannes. Face à une concurrence de haut niveau incluant notamment Eve de Joseph L. Mankiewicz, Los Olvidados de Luis Bunuel, Les Contes d’Hoffmann de Michael Powell et Emeric Pressburger, L’Ombre d’un homme d’Anthony Asquith ou encore Juliette ou la Clef des songes de Marcel Carné, le film de Vittorio De Sica a remporté le Grand Prix, ex-aequo avec Mademoiselle Julie d’Alf Sjöberg.
Miracle à Milan ressort en version restaurée le 20 novembre 2019.