Quelle est la ligne directrice du festival sur le sujet de l’émergence ?
Fanny Barrot : Quand nous parlons de « public émergent », nous évoquons les professionnels, jeunes non pas par l’âge mais par l’expérience. L’objectif du festival de Clermont-Ferrand, qui fête cette année sa 47e édition, est d’être un accélérateur à la fois pour le film et pour le parcours des équipes, de l’auteur au réalisateur en passant par les techniciens. C’est une carte de visite qui leur donne une notoriété auprès des autres professionnels et du grand public. Par ailleurs, si nos différentes compétitions comptent de nombreux premiers films, il n'est en revanche pas obligatoire pour un cinéaste d’être sélectionné dans les sections du festival pour gagner en visibilité. En effet, tous les courts métrages qui nous sont proposés en amont des sélections sont mis à la disposition des professionnels accrédités à la vidéothèque du Marché du film. Certaines de ces œuvres sont identifiées par le label « Picks ». Celui-ci concerne des courts métrages ayant été très loin dans le processus de sélection sans être retenus en compétition pour différentes raisons. Cette labélisation permet d’indiquer aux programmateurs, distributeurs et diffuseurs qu’il s’agit d’œuvres remarquées.
Quelles actions à destination des jeunes talents déployez-vous plus précisément ?
Nous accompagnons leur professionnalisation pendant le festival et à l’année. Durant celui-ci, nous organisons des rencontres professionnelles et des ateliers sur des sujets artistiques et techniques variés. Par exemple, un débat sur les premières années comme jeune producteur, mené en partenariat avec la Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants (FJPI) le 3 février ; une master class du cinéaste Wissam Charaf le 4 février ; ou encore une discussion autour de l’intelligence artificielle dans les œuvres cinématographiques le 6 février. Certaines rencontres sont ouvertes à tous, d’autres sur inscription. C’est le cas de celle organisée autour des enjeux de la formation aux métiers du tournage, en collaboration avec le CNC, le 5 février. Elle est destinée à un public particulier : étudiants en cinéma, talents suivis par des structures d’accompagnement, formateurs et responsables pédagogiques. VFX et SFX, comment les intégrer dans le processus de création et l’économie du court métrage ? Quel taux d’employabilité dans le secteur des tournages ? Comment proposer des pédagogies innovantes ? Autant de questions abordées à cet événement. Par ailleurs, pendant cinq jours, le public émergent pourra également participer à « L’Atelier - école éphémère de cinéma », un espace collaboratif avec plateau de tournage et décors animé par des étudiants en cinéma et des professionnels. L’occasion de découvrir les métiers du 7e Art et de s’immerger dans les coulisses des films. En parallèle, nous proposons le programme Talents Connexion, un dispositif spécifique d’accompagnement des talents émergents au sein du Marché du film du festival.
Comment ce programme Talents Connexion fonctionne-t-il ?
Talents Connexion est né de la réflexion suivante après la pandémie de covid-19 : comment donner aux jeunes professionnels une place à part entière dans l’écosystème du court métrage national et international ? Comment les accompagner au mieux en dehors des temps forts professionnels et du simple accès au Marché du film ? Nous avons ainsi décidé de leur dédier un accompagnement spécifique. Talents Connexion est destiné à des talents émergents déjà accompagnés par des structures (résidences, structures régionales…). Ces délégations de jeunes professionnels viennent présenter leurs projets de courts métrages à l’Agora au sein du Marché du film. Cette année, nous accueillons 24 structures nationales et internationales contre 4 la première édition du programme en 2022, parmi lesquelles ALCA (Région Aquitaine), CICLIC Centre-Val-de-Loire, Normandie Images, Doc society, Screen Talent Europe NL, le GREC sans oublier trois programmes portés par le CNC : Talents en Court, CNC Talent et Deental.
Comment ces trois programmes s’insèrent-ils justement dans Talents Connexion ?
Nous accueillons le dispositif CNC Talent pour la deuxième année consécutive. Six créateurs du web viendront présenter leurs projets de film. L’objectif est de les accompagner dans leur professionnalisation et leur permettre de mieux comprendre l’économie du court métrage cinématographique. Les porosités sont fortes avec celle du court métrage web mais les façons de travailler sont différentes. Par ailleurs, 10 auteurs régionaux sélectionnés dans le cadre de Talents en Court, dispositif d’accompagnement de talents sur l’ensemble du territoire, pitcheront leurs projets au cours de deux sessions. Enfin, une délégation de cinq cinéastes d’Afrique subsaharienne participant au programme Deental présenteront également leurs futurs projets. Cette année, le continent africain est fortement représenté au sein du festival avec des œuvres singulières sélectionnées notamment dans le programme Regards d’Afrique. Par ailleurs, en parallèle des sessions de pitch, Talents Connexion c’est aussi des temps de rencontres spécifiques avec des professionnels, des rencontres entre talents ainsi que des ateliers en français et en anglais. Parmi eux, une étude de cas organisée avec le CNC pour la deuxième édition autour de « La fabrication d’un film », consacrée cette année au court métrage Blanche de Joanne Rakotoarisoa, ou encore des workhops sur la distribution, l’éco-responsabilité et la direction d'acteurs.
Hors festival, comment accompagnez-vous les professionnels émergents ?
Nous proposons d’une part trois résidences. La première consacrée à l’écriture de court métrage de fiction se tient pendant six semaines en immersion à Moulins. Elle s’adresse à des réalisateurs qui ont déjà présenté un film en compétition au festival. La deuxième est une résidence d’écriture de scénario de la même durée, à Clermont-Ferrand, pendant laquelle les cinéastes travaillent sur l’écriture d’un format long. La troisième est dédiée à la composition musicale de court métrage et se situe à La Chaise-Dieu. D’autre part, nous organisons des formations professionnelles telles que notre formation « De court en long » dédiée au développement de longs métrages sur la base d’un court métrage. Parmi les cinéastes passés par cette formation, citons Martin Jauvat dont le long Baise en ville est actuellement en post-production. Nous formons également un public plus émergent à travers un programme de modules pour lesquels le passage par le festival auparavant n’est pas requis. Le premier module de deux jours autour de « L’amorce scénaristique » peut être complété par d’autres sur l’écriture des personnages ou celle des dialogues, mais ce n’est pas obligatoire. Notre mission est d’épouser au mieux les besoins des jeunes professionnels en leur proposant un programme sur-mesure.
Comment envisagez-vous l’avenir sur le sujet de l’émergence ?
Nous allons pérenniser les actions déjà mises en place en faveur de ce public pendant et hors festival. Le volet formation professionnelle est un axe prioritaire à développer avec l’ambition de proposer des formations sur les différentes écritures (scénaristique, image, son…) et les différents formats du court métrage (série courte…). À l’horizon 2028, le festival accueillera la « Cité du court ». Ce sera l’opportunité de déployer un programme complet de formation professionnelle. Par ailleurs, nous allons continuer à enrichir nos actions à destination des enfants et adolescents dans le cadre de notre activité de Pôle régional d’éducation aux images. L’objectif sera de proposer un parcours global d’une part d’initiation, d’autre part de professionnalisation au court métrage. Outre les dispositifs nationaux (Lycéens et apprentis au cinéma et Passeurs d’Images) que nous gérons, nous coordonnons aussi le programme « la Cité des talents ». Depuis huit ans, il permet à des collégiens et des lycéens d’aménager leur emploi du temps en intégrant 6 heures de cinéma par semaine. Ce programme leur permet de bénéficier d’un parcours artistique et culturel basé autant sur la théorie que sur la pratique. Enfin, sur la cible du très jeune public, nous menons des ateliers de pratique artistique destinés aux tout-petits au centre Milles formes, un espace d’initiation à l’art pour les 0-6 ans situé à Clermont-Ferrand. La formation doit intervenir dès le plus jeune âge pour avoir du sens.