Dracula, chef-d'œuvre gothique de Bram Stoker a inspiré son lot d'adaptations, dont certaines un peu farfelues. Dracula au Pakistan, film rare de 1967 réalisé par Khwaja Sarfraz, tombe définitivement dans cette catégorie. Disponible sur Arte.tv jusqu'au 20 mai prochain, ce long métrage se penche sur la figure du professeur Tabani, métamorphosé en vampire après avoir ingurgité ce qu'il pensait être un élixir de jeunesse. Semant la terreur dans les rues pakistanaises en compagnie de son assistante, le vampire reçoit chez lui un confrère, le jeune médecin Aqil Harker, susceptible de menacer son entreprise diabolique. La particularité de cette relecture - très - libre du récit transylvanien de B. Stoker se loge dans son mélange des genres, entre le classicisme du cinéma muet, les emprunts visuels aux productions de la Hammer et les interludes musicaux dans la pure tradition bollywoodienne. On retrouve notamment l'empreinte de la série de films Dracula portée par Christopher Lee et réalisée par Terence Fisher (Le Cauchemar de Dracula, Dracula, prince des ténèbres...) dans le jeu théâtral du comte - interprété par le comédien Rehan -, sans oublier le recours aux violons stridents pour amplifier l'effroi du spectateur.
Outre ses mouvements de caméra baroques, ses jeux de clairs-obscurs expressionnistes et ses décors volontairement surdimensionnés, Dracula au Pakistan s'inscrit dans le genre Lollywoodien (dit des productions cinématographiques basées à Lahore) grâce à ses entractes musicaux déroutants, dont une sur l'air de La Cucaracha. Des scènes chantées et dansées qui ponctuent cette transposition excentrique du mythe de Dracula dans la Pakistan des années 60, autorisée de justesse à sa sortie par le bureau de la censure. Un aval qui fera également office de précédent : il sera ensuite interdit aux maisons de production pakistanaises de tourner d'autres films de vampires. Cette prohibition soudaine fait de Dracula au Pakistan une véritable relique, une fenêtre pour imaginer ce qu'aurait pu devenir le cinéma d’horreur lollywoodien.