Pantalon noir et chemise blanche. Tel est le code vestimentaire à suivre ce jeudi pour la carioca géante organisée, pendant le Festival de Cannes, à l’occasion du 25e anniversaire de la comédie culte. Projeté quelques heures plus tard au Cinéma de la plage en présence de ses héros et scénaristes Chantal Lauby, Alain Chabat et Dominique Farrugia, alias Les Nuls (le quatrième membre, Bruno Carette, est décédé en 1989), le film réalisé par Alain Berbérian a marqué toute une génération grâce à son humour dévastateur et ses répliques restées dans les mémoires. Retour sur les points marquants de ce film qui ressort en salles, en version restaurée, le 5 juin prochain.
Claude Berri sollicité
Pour leur premier film, Les Nuls avaient dans le viseur un célèbre réalisateur : Claude Berri. Une proposition que le cinéaste a refusée, loin d’avoir été séduit par un scénario qu’il jugeait « un peu débile » selon Alain Chabat. Le trio se tourne finalement vers Alain Berbérian, leur complice à Canal +. « J’ai commencé à monter Objectif Nul puis j'en ai eu marre. J’avais pris une année sabbatique en 1988, et en 1989 ils m'ont rappelé pour réaliser les fausses pubs et les fausses bandes annonces : ça a été un peu un coup de foudre et je suis resté avec eux », confiait le réalisateur en 1994 dans l’émission Le Cercle de minuit. La Cité de la peur sera son premier long métrage.
De nombreuses références cinématographiques
Au-delà de l’humour parfois scatologique qui a divisé les critiques et le public à sa sortie, le scénario des Nuls marque par ses nombreuses références cinématographiques. Les trois acolytes retrouvent ici l’une des clés de leur succès : les parodies de films. Ils détournent ainsi de nombreux blockbusters dont Pretty Woman de Garry Marshall, dans la scène où Odile Deray (Chantal Lauby) emmène Simon (Dominique Farrugia) choisir une nouvelle tenue, ou encore Les Incorruptibles de Brian De Palma avec la descente d’escaliers d’Odile et ses assistants. Autre scène inoubliable : la revisite de Basic Instinct de Paul Verhoeven avec l’interrogatoire d’Odile Deray par le commissaire Bialès (Gérard Darmon), pendant lequel elle joue les femmes fatales, séductrices, avant de déguster sensuellement de la choucroute. La Cité de la peur fait également un clin d’œil à Terminator de James Cameron tandis qu’apparaissent en arrière-plan, dans une autre scène, des affiches détournées de films : Les Amants du Pont-l’Evêque ou encore Blanche-Neige et les sept mercenaires. Enfin, Les Nuls ont glissé dans le générique de fin des noms rappelant certaines grandes stars hollywoodiennes, de Don Voyelle à Robert Miro en passant par Tom Crouse et Sandy Brookshield.
De gags en gags
Comédie populaire qui a rassemblé plus de 2,2 millions de spectateurs à sa sortie, La Cité de la peur est dans la lignée des sketchs imaginés par Les Nuls pour leurs émissions de Canal + : parodies, fausses publicités, détournements, répliques décalées, scènes et détails totalement absurdes – la tapette à souris géante pour attraper le tueur, la tasse à café de la veuve d’un projectionniste qui change de taille, le téléphone restant collé à l’oreille d’Odile Deray… Le trio a glissé un nombre fou de gags dans ce scénario écrit à six mains. Et ce dès la scène d’ouverture, mettant en avant la séquence finale de Red is Dead – référence à Evil Dead de Sam Raimi -, le film dont Odile Deray, attachée de presse, est chargée de faire la promotion. Selon la chaîne YouTube Calmos, cet extrait rassemble cinquante-sept gags différents en trois minutes seulement.
« Sais-tu danser la Carioca ? »
C’est LA scène culte du film. Pour faire attendre les spectateurs présents à la projection cannoise de Red is Dead, Serge Karamazov (Alain Chabat) et le commissaire Bialès (Gérard Darmon) improvisent une chorégraphie sur la musique de Carioca. Cette séquence reprend une danse née dans les années 1930 dans le film américain Flying Down To Rio (Carioca en VF) de Thornton Freeland. Fred Astaire et Ginger Rogers dansent ainsi une première fois sur l’air sans paroles imaginé par Vincent Youmans, un compositeur de Broadway. Le morceau apparaît une deuxième fois dans le film, mais cette fois-ci avec des paroles signées Gus Kahn et Edward Eliscu et chantées par Alice Gentle, Movita Castaneda et Etta Moten Barnett. Ce titre sera d’ailleurs nommé en 1935 à l’Oscar de la meilleure chanson originale de film. La même année, Tino Rossi reprend la Carioca en français. D’autres versions suivront, notamment celle instrumentale du clarinettiste américain Artie Shaw en 1939 ou celles des jazzmen Dizzy Gillespie et Chet Baker fin 1950-début 1960. Avant Les Nuls, une autre Carioca a été aperçue au cinéma dans le film Hamburger Film Sandwich (The Kentucky Fried Movie selon son titre original) de John Landis.