Qu’est-ce qui vous a donné envie de mettre en scène ce récit initiatique au féminin ?
Romain Laguna : Les Météorites – que j’ai commencé à écrire en sortant de la Fémis voilà 4 ans – est né d’une envie de filmer les paysages de ma région dans l’Hérault. Le récit était centré sur les personnages masculins, et Nina, devenue plus tard mon héroïne, gravitait alors simplement autour de ces bandes. Puis le film s’est modifié au fil du temps. A la fois pour des raisons personnelles liées à une rupture amoureuse mais aussi à cause des événements – en particulier les attentats – qui s’étaient déroulés en parallèle de mon écriture. Je n’avais plus envie de raconter un affrontement entre deux bandes. Je voulais toujours ancrer mon film dans une certaine réalité sociétale mais je cherchais un moyen moins frontal d’aborder les questions de racisme, de la relation à « l’autre ». Et c’est là que, petit à petit, Nina a pris une place de plus en plus prépondérante et a emmené Les Météorites vers ce récit initiatique dont vous parlez.
Comment se fait cette métamorphose ?
En dépolitisant au maximum le récit. J’ai donc décidé de suivre une ado qui découvre l’amour et la sexualité tout en s’élevant dans son rapport au monde, à l’infiniment petit comme à l’infiniment grand. Il s’agissait d’évoluer en permanence sur deux registres : naturalisme et fantastique. Sans savoir alors évidemment si cet équilibre tiendrait la route sur la longueur.
D’où cette idée de la météorite que Nina est la seule à avoir vue et symbolisant pour elle le présage d’une nouvelle vie qui débuterait par sa première grande histoire d’amour ?
Oui, au départ Nina travaillait dans un parc aquatique. Et cette idée de la météorite n’est venue que sur le tard, six mois avant le tournage, avec l’arrivée du scénariste Salvatore Lista (Mange tes morts). Sa présence m’a libéré et autorisé à injecter ouvertement des éléments plus fantastiques. J’ai alors pensé à un parc de dinosaures situé sur un site archéologique dans ma région. Et qui dit dinosaures, dit météorite !
Certains films vous ont inspiré à cette étape-là ?
Plutôt des envies contradictoires qui ressemblent à mes goûts de spectateur sur ce type de récit initiatique : j’aime autant Kechiche que Gregg Araki, tout particulièrement Nowhere, le premier film que j’ai vu au cinéma et qui m’a donné envie d’en faire. Mais bien que très attaché au genre, je pensais que Les Météorites devait rester dominé par son côté réaliste et le fait qu’on croit à ces jeunes… tout en ne laissant jamais totalement disparaître le climat fantastique injecté par le rapport à cette météorite de Nina.
Comment parvient-on à maintenir ce fragile équilibre ?
La rencontre avec Zéa Duprez, aux essais, a été déterminante. Par sa seule présence, elle offrait ce glissement vers le fantastique sans que jamais il ne paraisse artificiel. Tout en ayant les pieds sur Terre, Zéa possède ce regard presque halluciné. Auquel s’ajoute cette trace sur son visage semblable à une traînée de feu, comme si elle avait été brûlée par la météorite. Grâce à elle, le réel surgissait soudain dans la fiction.
Respecter cet équilibre a été complexe lors du montage ?
La chronologie du film n’a jamais été chamboulée. Mais il y avait une question de rythme à laquelle je tenais. Il n’y a dans Les Météorites aucune course au récit. Le film est, à l’inverse, peuplé de scènes qui le ralentissent, de moments volontairement longs passés avec Nina avec le risque assumé que le spectateur décroche. Alors, évidemment, j’ai beaucoup douté. Et tout ne fonctionne réellement que lorsqu’on finit par croire pleinement soi-même à une histoire qu’on a commencée à écrire voilà tant d’années et qui est passée par autant de métamorphoses.