Agnieszka Smoczy?ska
Née en 1970, Agnieszka Smoczy?ska est diplômée de l’Université de Silésie et a suivi les cours de la prestigieuse Andrzej Wajda Master School of Film Directing. Après deux courts métrages qui firent sensation, c’est son premier long, The Lure, mélangeant comédie musicale et horreur, qui attira l’attention sur cette jeune cinéaste au style très provocateur. Dans ce film à l’esthétique flamboyante, elle revisitait La Petite Sirène d’Andersen en suivant les péripéties de deux sirènes qui, en plein milieu des années 80, échouaient dans un night-club. Très inspiré par Quentin Tarantino et David Lynch, ce récit d’initiation est une fable féministe qui triompha dans différents festivals (en France, le film connut un bel écho à l’Etrange Festival et au Festival du film fantastique de Gérardmer) après avoir reçu le Prix du Jury au Festival du Film de Sundance. Deux ans plus tard, elle est revenue sur le devant de la scène avec La Fugue, un thriller psychologique racontant le parcours d’Alicja, une femme amnésique à la suite d’un accident de voiture, qui refuse de retrouver la mémoire. Métaphore d’un pays encore groggy par les années de communisme, La Fugue était aussi une violente critique de l’oppression des femmes polonaises qui seraient, selon la réalisatrice, condamnées à tenir le rôle de gardiennes du foyer…
Tomasz Wasilewski
Né en 1980 en Pologne, diplômé de l’École nationale du cinéma de ?ód? en 2006 (section production), Tomasz Wasilewski débute comme assistant de la cinéaste Ma?gorzata Szumowska tout en travaillant sur différents projets théâtraux. A partir de 2012, il réalise successivement Dans une chambre à coucher (une femme se perd dans des relations sexuelles éphémères), Ligne d’eau (un nageur se découvre un désir homosexuel), et United States of Love (la misère affective de quatre Polonaises au moment où le mur de Berlin s’effondre). A chaque fois, Wasilewski utilise l’intime, et plus particulièrement la vie sexuelle de ses personnages, pour dénoncer la rigidité des mœurs polonaises et le puritanisme religieux de la société. Sa litanie de chairs tristes, ses ambiances sombres, et son pathos retenu (sublimé par le talentueux chef opérateur Oleg Mutu) sont devenus la signature de ce jeune cinéaste qui se revendique du cinéma de Michael Haneke, Ulrich Seidl ou Cristian Mungiu.
Jan P. Matuszynski
En 2010, Jan P. Matuszynski sort de l’autre grande école de cinéma polonaise, la Krzysztof Kie?lowski Film School - section documentaire. Après quelques courts, il se fait remarquer en 2014 grâce au documentaire Deep Love qui suit la folle histoire d’un homme passionné de plongée. Après une attaque cérébrale, celui-ci décide de réaliser son rêve, explorer le « Blue Hole » de la mer Rouge. Deux ans plus tard, le cinéaste revient avec sa première fiction, une biographie du peintre Zdzis?aw Beksinski. Mais, situé dans la Pologne des années 1970 et 1980, The Last Family s’intéresse moins à l’artiste (célèbre pour ses peintures au surréalisme macabre) qu’à sa vie familiale et à celle de son cercle proche (toutes aussi tragiques et violentes que ses toiles). La maladie de sa femme, le suicide de son fils et pour finir l’assassinat de l’artiste (le 21 février 2005) sont au cœur de ce film qui navigue entre humour noir et violence frontale. Par sa maîtrise du cinéma (science du cadre, parfait équilibre des genres), The Last Family, tragédie tendre et sombre à la fois, installait Matuszynski comme un héritier du cinéma de Wajda autant que de Kie?lowski.
Pawel Pawlikowski
Né en 1957 à Varsovie, mais ayant passé son adolescence en Angleterre, il garde de son enfance polonaise des impressions et des sensations qu’il va chercher à retrouver dans ses films : les gens et les paysages de son pays, les lumières et les chansons… On sent dans ses œuvres la nostalgie pour l’époque du dégel qui a permis à son pays d’origine de connaître un fantastique essor culturel - au cinéma (notamment Andrzej Wajda) au théâtre (Kantor, Grotowski) en passant par la littérature (Stanislaw Lem) ou la musique ; et c’est ce dont Pawlikowski veut être le héraut. Après une poignée de documentaires remarqués, il signe des films anglais ou français qui ne ressemblent à rien d’autre (Transit Palace, My Summer of Love, La Femme du Veme). Mais c’est avec Ida, film sur le parcours d’une nonne polonaise qui découvre ses origines juives, qu’il se fait un nom. Réalisé dans un format carré, en noir et blanc, et laissant ses personnages constamment à la limite du cadre, c’est un film retenu, contraint, un peu à l’image de ce passé polonais qui décidément ne passe pas. Oscar du meilleur film étranger en 2015, Ida n’a cessé de gagner des prix et des admirateurs depuis sa présentation aux festivals de Toronto et de Telluride (Etats-Unis). Cold War, deux ans plus tard, aura quasiment le même parcours. Cette fois-ci, derrière le destin d’un couple (une chanteuse traditionnelle et un musicien classique) raconté sur des décennies, c’est le portrait de son pays sur cinquante ans que narre Pawlikowski. Virtuosité sans ostentation, économie et clarté : le cinéaste convoque le meilleur de la fameuse école de l’Est.
Ma?gorzata Szumowska
Ma?gorzata Szumowska est l'une des figures clés du nouveau cinéma polonais, une réalisatrice dont le succès est autant local qu’international. Elle a ainsi remporté l'Ours d'argent (à Berlin en 2015 pour Body) et fut sacrée la même année "Femme de Cinéma" au Festival de cinéma européen des Arcs. Née le 26 mars 1973 à Cracovie, elle a suivi les cours de l’École de Cinéma de ?ód?. Son premier court métrage Le Silence obtient de nombreux prix dans les festivals internationaux et à 25 ans, elle réalise son premier long métrage Happy Man récompensé par le prix artistique du Festival de Thessalonique – elle concourt la même année au Festival de Sundance. En 2005, elle entame sa collaboration durable avec Zentropa, le studio de Lars von Trier dont elle devient une productrice associée. En 2009, le scénario d’Elles (avec Juliette Binoche et Anaïs Demoustier), son quatrième long métrage, est présenté à l'Atelier du Festival de Cannes et elle remporte le grand prix du Jury pour son film Mug (Twarz) à Berlin en 2018. Très intéressée par les questions du genre et les problématiques liées aux conditions de la femme, Ma?gorzata Szumowska s’attaque régulièrement à des sujets délicats (la prostitution dans Elles, l’emprise du catholicisme dans Mug) dans des films subtils qui réfutent tout dogmatisme pour rendre compte du désarroi existentiel de l’homme, de son pays et du monde en général.
Jan Komasa
Né d’un père acteur et d’une mère chanteuse, c’est en voyant son père jouer sous la direction de Spielberg dans La Liste de Schindler que Jan Komasa décide de devenir cinéaste. Diplômé de l’école de cinéma de ?ód?, Komasa signe son premier court métrage, Nice to See You, en 2004, recevant pour ce film le prix de la Cinéfondation. Il réalise dans la foulée un segment du film à sketches Ode to Joy et enchaîne les pubs et les vidéoclips. Attiré par toutes les formes modernes du cinéma (animation, hybridation des formes et des textures), Komasa s’impose rapidement comme un franc-tireur du cinéma polonais. Ce n’est qu’en 2009 qu’il signe son premier long métrage de fiction, La Chambre des suicidés présenté à la Berlinale en 2011. Le film se focalise sur Dominik, un fils de bonne famille qui trompe son ennui et son désarroi sur une plateforme web mettant en contact ceux qui veulent se suicider. A la frontière entre le réel et le virtuel, mélangeant animation et drame en live, cette satire du monde moderne étonne par sa maîtrise formelle et par sa capacité à épouser les tourments de son héros adolescent. Deux ans plus tard, il signe un film de guerre qui devient un énorme succès dans son pays. Insurrection (Miasto 44) relate par le détail le soulèvement (raté) de l’armée polonaise et des Varsoviens contre les forces d’occupation allemandes en août 44. Ultra-documenté, ce projet hybride obtient un succès d’estime aux Etats-Unis. Il réalise ensuite La Communion qui concourrait en décembre dernier à l’Oscar du meilleur film étranger. On y suit un jeune délinquant qui se fait passer pour prêtre et va jusqu’à prendre la tête de la paroisse de la ville où il était venu se réinsérer. Le cinéaste transforme cette réflexion autour de la foi qui résiste à tout (même aux mensonges), en un récit sous haute tension.
La Communion, qui sort mercredi 4 mars 2020, a reçu l’aide aux cinémas du monde (aide à la production) et l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.