Cavalier seul
Passé par l’IDHEC après des études d’Histoire, Alain Cavalier débute comme assistant réalisateur de Louis Malle sur Ascenseur pour l’échafaud et Les Amants. Il signe ensuite un court métrage (Un Américain) avant de réaliser Le combat dans l’île (1962), son premier long métrage. En ce début des années 60, la Nouvelle Vague vient à peine d’éclore. D’un naturel discret et pudique, Cavalier refuse l’esprit de bande. Son plus proche ami dans le métier se nomme Jean-Paul Rappeneau. Le futur cinéaste de La vie de château co-écrit le scénario du Combat dans l’île avec Alain Cavalier. C’est ce film qui marque également les débuts du chef opérateur Pierre Lhomme. L’image d’un noir et blanc soyeux contraste avec la violence du propos.
Drame de la jalousie
Le Combat dans l’île sort en France le 7 septembre 1962 dans un climat particulier. Quelques mois plus tôt, la fin de la guerre d’Algérie marque l’indépendance de cette ancienne colonie française et les nombreux attentats perpétrés par l’OAS marquent encore les esprits. Si l’Organisation de l’Armée Secrète n’est jamais clairement nommée dans le scénario du Combat dans l’île, l’identité du groupe d’extrême droite auquel appartient l’un des protagonistes ne fait aucun doute. Le film suit les dérives de Clément (Jean-Louis Trintignant) et Anne (Romy Schneider), un couple de bourgeois élégants. Clément se retrouve bientôt mêlé à une tentative d’attentat sur un ministre et devient l’homme le plus recherché de France. Trahi par son complice, il part jusqu’en Argentine pour se venger, laissant Anne seule dans les bras d’un autre. Cet « autre » est incarné par Henri Serre, le futur « Jim » du célèbre film de François Truffaut, Jules et Jim.
Romy Schneider
Alain Cavalier a débuté sa carrière en dirigeant des grandes stars telles comme Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant mais aussi Alain Delon (L’insoumis) ou Catherine Deneuve (La chamade). S’il garde des souvenirs contrastés de ces diverses expériences, il a progressivement opté pour un cinéma plus confidentiel où, armé d’une petite caméra, il filme au plus près sa propre intimité. Dans le portrait consacré au cinéaste signé Jean-Pierre Limousin dans la collection Cinéma de notre temps, Alain Cavalier se souvient du tournage du Combat dans l’île : « J’arrive sur le plateau, la comédienne [Romy Schneider] est déjà là, superbe, mais je n’ose pas la regarder dans les yeux. Je débute, je suis un peu nu. Elle est parée. Elle me reproche de ne pas la regarder dans les yeux. J’ai cette impression douloureuse que nous ne faisons pas le même film. » Le cinéaste et la comédienne vont finir par s’apprivoiser l’un, l’autre. « Le matin avant le tournage, j’ai pris l’habitude d’aller la voir et de lui saisir le bras pour lui donner toute mon énergie. Elle m’en donnait en retour. C’était assez merveilleux ! »
Jean-Louis Trintignant, l’italien
En ce début des années soixante, Jean-Louis Trintignant a déjà tourné avec Valerio Zurlini (Un été violent) et vient à peine de finir le tournage du Fanfaron de Dino Risi qui va faire de lui une star. En France, il a croisé la route de Roger Vadim (Et Dieu... créa la femme, Les Liaisons dangereuses 1960) ou de Georges Franju (Pleins feux sur l’assassin) Lorsqu’il rencontre Alain Cavalier, le comédien apprécie d’emblée sa pudeur et sa discrétion qui contrastent avec son expérience récente en Italie où l’emphase semble être la règle. Cavalier va littéralement sculpter le visage de son acteur à l’écran et sublimer ses silences révélant les tempêtes intérieures de son personnage.
Le Blu-Ray, édité chez Gaumont, du film Le Combat dans l’île vient de paraître.