L’adaptation d’un roman de Paul Guimard
On connaît l’histoire… Au volant de sa voiture, un architecte, Pierre, est victime d'un accident de la route. Ejecté du véhicule, il gît inconscient au bord de la route et se remémore son passé. Sa vie avec Hélène, une jeune femme qu'il voulait quitter, les souvenirs de sa femme Catherine et de son fils, tout se télescope. Avant de devenir un film, Les Choses de la vie a été un roman, écrit par Paul Guimard en 1967. Une œuvre que son auteur – qui vient alors de cosigner avec Antoine Blondin les dialogues d’A nous deux Paris ! de Jean-Jacques Vierne – rêve de voir adapté sur grand écran. Il contacte donc le scénariste Jean-Loup Dabadie et le duo se met au travail jusqu’à obtenir une première version du script. Dabadie commence à faire le tour des producteurs avec ce scénario et… tous déclinent. Il se tourne alors vers le seul réalisateur qu’il connaît dans le métier, un certain Claude Sautet. Il lui envoie le scénario avec ce petit mot comme une bouteille à la mer : « Je cherche un metteur en scène, et il n’y a que toi qui puisse me conseiller. »
Le retour de Claude Sautet au cinéma après 5 ans d’absence
Claude Sautet connaissait à ce moment-là un creux dans sa carrière. L’échec en 1965 de son polar L’Arme à gauche l’a éloigné des plateaux de tournage. Il se consacre uniquement à jouer les « script doctors » auprès d’amis cinéastes (Alain Cavalier pour La Chamade, Philippe de Broca pour Le Diable par la queue). Il reçoit des dizaines de propositions de scénarios à réaliser, mais il dit non à tout. Jusqu’à ce que sa femme Graziella lui fasse passer cette adaptation des Choses de la vie que Dabadie avait glissée sous la porte de leur appartement parisien. 70 pages lues d’abord par son épouse qui lui assure qu’il y a un film pour lui. Une seule lecture suffit à Sautet pour en être convaincu, attiré tout particulièrement par la scène d’accident et la manière dont il allait pouvoir la mettre en scène.
Yves Montand et Annie Girardot le premier couple envisagé
Quand Claude Sautet signe son contrat pour réaliser Les Choses de la vie, le casting des deux rôles principaux semble déjà acté. Ce seront Yves Montand et Annie Girardot. Mais Sautet hésite. Il ne veut pas trop clairement évoquer Vivre pour vivre de Lelouch, dont ce duo constituait déjà les têtes d’affiche. Alors il va se battre pour imposer deux nouveaux acteurs. Pour le rôle de Pierre, il réussit à imposer un comédien dont il a admiré la composition dans Le Doulos de Jean-Pierre Melville, huit ans plus tôt : Michel Piccoli. Sautet envisage d’ailleurs Piccoli comme une sorte de prolongement de lui-même à l’écran et il le dirigera par la suite dans Max et les ferrailleurs, Vincent, François, Paul... et les autres, et Mado tout en lui confiant la voix du narrateur de César et Rosalie. Pour le rôle de l’épouse, Catherine, il fait appel à une comédienne à laquelle il avait déjà pensé pour Classe tous risques et L’Arme à gauche : Léa Massari, qui sera dans la foulée l’héroïne du film-scandale de Louis Malle, Le Souffle au cœur.
La rencontre Claude Sautet-Romy Schneider
Pour le rôle d’Hélène, Claude Sautet sèche. Il pense à toutes les actrices françaises sans jamais être convaincu. C’est son ami Jacques Deray qui lui glisse le nom de Romy Schneider qu’il vient de diriger dans La Piscine. Comme Sautet, la comédienne est alors dans un creux de sa carrière, après avoir décidé de s’éloigner des plateaux suite à la naissance de son fils David. Sautet qui ne la voit toujours que comme l’héroïne de Sissi ne l’imagine pas une seconde dans le rôle d’Hélène. A l’invitation de Deray, il va la rencontrer aux studios de Boulogne où se déroule la post-synchronisation des versions anglaise et allemande de La Piscine. C’est là, dans l’ombre d’un couloir, que la simple vision de sa nuque et de son chignon le bouleverse. Au point de ne même pas pouvoir lui adresser la parole. Il l’appellera le lendemain pour qu’ils se rencontrent pour un déjeuner, à l’issue duquel il a non seulement trouvé son Hélène mais une muse. Celle qui le poussera à créer de véritables personnages féminins dans ses films et qu’il dirigera à quatre autres reprises : Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Mado et Une histoire simple.
La première B.O. de Philippe Sarde
En cette fin des années 60, Philippe Sarde vient de fêter son vingtième anniversaire. Et il ne sait pas encore très précisément de quoi sera faite sa vie, tiraillé entre deux passions : le cinéma et la musique. Il vient d’ailleurs de terminer un court métrage en noir et blanc et a demandé à Vladimir Cosma de l’aider à l’orchestrer. Pour la musique des Choses de la vie, Claude Sautet a prévu de faire appel à Georges Delerue qui avait déjà signé la BO de son Classe tous risques. Mais en cette année 69 celui-ci est indisponible car accaparé sur la production de 6 films : Le Cerveau de Gérard Oury, Le Diable par la queue de Philippe de Broca, Hibernatus d’Edouard Molinaro, Promenade avec l’amour et la mort de John Huston, Anne des mille jours de Charles Jarrott et Love de Ken Russell. Grâce à l’un des producteurs des Choses de la vie qui connaît le père de Sarde, Sautet se tourne vers ce tout jeune compositeur qui va signer sa première BO de film. Les Choses de la vie est déjà tourné et pré-monté, mais Sarde connaît l’histoire pour avoir lu le roman. Avant le premier rendez-vous avec Sautet, il écrit donc plusieurs morceaux, dont ce qui deviendra le thème des Choses de la vie. Il les joue au cinéaste qui fond immédiatement en larmes. Sautet lui organise une projection du film le lendemain et l’aventure peut commencer. Philippe Sarde enregistrera cette bande originale avec un orchestre symphonique de 70 musiciens. Ainsi naît la première étape d’une collaboration de 25 ans : Sarde signera les BO de tous les films de Claude Sautet jusqu’à son ultime long métrage, Nelly et Monsieur Arnaud.