Les cinémas français à l’heure du développement durable

Les cinémas français à l’heure du développement durable

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À la tête de l'entreprise Benoit Ciné Distribution depuis près de trente ans, Patrice Benoit essaye de pousser le développement durable dans les cinémas français. Il a même inventé une machine pour ça !


C'est une petite machine qui pourrait bien donner un gros coup de pouce au développement durable dans les salles de cinéma. À la tête la société Benoit Ciné Distribution, qui fournit du pop-corn et autres confiseries à de nombreux exploitants en France, Patrice Benoit a mis au point une machine qui récupère les déchets recyclables des salles obscures et les concassent façon puzzle, pour mieux les transporter.

Une astucieuse idée de ce chef d'entreprise, inventeur à ses heures perdues, qui travaille dans le milieu du pop-corn depuis les années 1990 : « Mon père avait une grosse entreprise de fruits secs, qu’il vendait dans la grande distribution. En 1983, un fournisseur américain basé en Californie lui a suggéré de faire du pop-corn. Mais à cette époque, le pop-corn n'était pas connu dans les cinémas en France. Alors mon père n'a pas voulu se lancer. Cependant, il a gardé l'idée en tête et un peu plus tard, il s'est dit que ça pourrait finalement marcher. Je ne travaillais pas avec lui à l'époque et je lui ai proposé de m’en occuper. C’est comme ça que j'ai créé cette société. »

Aujourd'hui, Benoit Ciné Distribution, qui emploie 44 salariés, est le leader du marché en France et distribue ses produits dans 85% des cinémas du territoire. Mais l'entreprise continue d'innover et cherche toujours à moderniser les salles  : « À la base, je suis un inventeur. J'ai une formation de génie mécanicien et j'aime innover. J'ai notamment inventé la plus grosse machine à pop-corn au monde », reprend Patrice Benoit. « J'avais aussi créé le distributeur automatique de pop-corn. J'ai inventé un présentoir pour Mars, un distributeur pour Nestlé et là, je bosse sur un distributeur de yaourts pour Danone ! Un jour, en discutant avec Coca-Cola, j'ai réalisé qu'il ne fallait peut-être pas trop se désintéresser de ce qui arrive aux bouteilles plastiques qu'on vend dans les cinémas. Parce qu'à San Francisco, par exemple, ils les ont carrément interdites et ils ne vendent plus que des bouteilles en verre. Autant vous dire que si le marché venait à se transformer en bouteilles en verre, je ne serais pas très heureux ! »

Transporter des bouteilles plastiques, cela veut dire transporter beaucoup d'air... »
 

En effet, cela signifierait la mise en place de consignes, pour récupérer le verre, « et ça coûterait une fortune. Et puis ça ouvrirait le marché principalement aux locaux, car ils sont mieux placés pour reprendre les consignes, cela génère moins de transport pour eux. Alors, pour être sûr que les cinémas en France continuent d'utiliser les bouteilles plastiques, je me suis dit qu'il fallait mettre au point la filière. C'est-à-dire récupérer le plastique, pour que ça redevienne du plastique. »

Le circuit a été assez évident à penser, mais un obstacle de taille est venu entraver la bonne marche de Patrice Benoit : « Transporter des bouteilles plastiques, cela veut dire transporter beaucoup d'air. Près d'un demi-litre d'air à chaque bouteille. En la concassant, au mieux, on réduit ce demi-litre au quart ! L'idéal, c'était donc d'en faire des petites miettes ! J'ai mis au point une machine qui réduit le volume par 9 ! Je fournis un gros conteneur de stockage pour les cinémas qui sont équipés de mes machines et tous les deux mois, quand je viens livrer la marchandise, je récupère un gros paquet de miettes de PET (plastique), que j'accumule chez moi, dans le Rhône, dans des bennes. Quand elles sont pleines, je livre toutes ces miettes à une usine de Beaune qui les recyclent, pour que ça redevienne du PET. »

Les gens y vont, ils adorent le concept  »
Patrice Benoit
Dirigeant de la société Benoit Ciné Distribution

Concrètement, la machine broie tout ce qui est plastique d'un côté et tout ce qui est carton de l'autre. Elle ne fait pas le tri, c'est le spectateur qui s’en charge en quittant la salle. « On lui a montré un film publicitaire durant la séance pour lui expliquer. Ainsi, à la sortie, il tombe sur la machine. Là, il y a une fente pour jeter le gobelet de pop-corn. Parce que c'est essentiellement pour ça en fait. Et puis il y a un orifice rond pour mettre la bouteille. C'est transparent, comme ça le spectateur peut voir que ça déchiquette et qu'il a participé activement en faisant l'effort d'aller jeter ses déchets recyclables dans la machine. » Et les premiers tests sont concluants : « Les gens y vont, ils adorent le concept. Les cinémas trouvent ça très bien parce que ça réduit aussi considérablement la taille de leurs poubelles. Finies les grosses poubelles qui débordent dans le hall le samedi ! Et ils peuvent même réaliser une petite économie sur l'enlèvement de leurs déchets quotidiens. »

Benoit Station Benoit CIné Distribution

Une mise en pratique concrète et efficace du développement durable dans les cinémas. Mais qui peine encore à s'installer, notamment parce que la crise sanitaire a tout ralenti. « Ça se met en route à l'heure actuelle. J'ai trois machines installées pour le moment  : deux dans le Rhône et une au Havre à l'essai pour Pathé. Parce que la machine coûte un peu cher et que je suis le seul à avoir investi dedans pour l'instant. Les cinémas ne sont pas encore prêts à dépenser de l'argent pour installer ce circuit et ces machines. »

Le chef d'entreprise confesse que l'année qui vient de s'écouler, « très dure financièrement et moralement », n'a pas aidé  : « La crise du Covid a tout stoppé. Le groupe CGR qui est à fond dans le greenwashing, est très intéressé pour tester notre machine. Mais pour le moment, cela n'aurait pas de sens. Parce qu'ils n'ont personne dans leurs halls ! Maintenant, la vie reprend doucement... Les salles vont rouvrir et les cinémas pensent que le pire est derrière eux. Après, leur priorité aujourd'hui, ce n'est pas le développement durable mais simplement la reconquête des spectateurs et c'est bien normal. »

Les cinémas pourraient consacrer une partie de leurs marges conséquentes pour faire du développement durable  »
Patrice Benoit
Dirigeant de la société Benoit Ciné Distribution

Cela n'empêche pas qu'il y a toute une filière en la matière à instaurer chez les exploitants de France, et Patrice Benoit espère qu'ils n'hésiteront pas à investir : « Le modèle économique est encore assez coûteux. En revendant mes miettes de PET à l'usine de Beaune, ça couvre les frais de transport, mais ça ne rembourse pas totalement le coût des machines. Elles doivent se financer sur le long terme et ce financement ne peut malheureusement pas vraiment venir de moi et de ma société. Les cinémas pourraient consacrer une partie de leurs marges pour financer la machine et faire du développement durable. Ils ne se sentent pas concernés à l'heure actuelle par la loi des 5 flux (Depuis juillet 2016, les professionnels ont l'obligation de trier 5 types de déchets : papier/carton, métal, plastique, verre et bois dans des poubelles dédiées. C'est ce qu'on appelle la loi des  5 flux -NDLR). Mais un jour, ça va les rattraper ! Et ils seront obligés de trier. »

En attendant de pouvoir installer ses machines chez un maximum de ses partenaires, Patrice Benoit continue d'innover et travaille sur un autre projet  : le développement des portillons automatiques dans les cinémas. « Ce n'est pas mon invention. Je ne fais qu'apporter des modifications pour les rendre compatibles avec le cahier des charges des cinémas. On a commencé à en vendre quelques-uns. Au CGR de Nanterre, par exemple. Vous pouvez prendre votre billet en ligne, scanner votre téléphone comme dans un aéroport et rentrer dans la salle, sans avoir vu personne. Je ne prône pas forcément le tout automatique, mais cela permet de fluidifier. C'est dommage de payer quelqu'un pour bêtement biper un bout de code QR. Mieux vaut utiliser son personnel différemment et dispatcher les contrôleurs de billets à la confiserie ou à l'accueil où ils pourront avoir un rôle prescripteur et conseiller les gens. »