C’est une ancienne fortification militaire aux murs épais, entourée de verdure, à deux pas de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines). A une petite demi-heure de route de Paris, ce lieu construit à la fin du XIXème siècle s’étendant sur plus de 5 hectares abrite aujourd’hui la direction du patrimoine cinématographique du CNC. Plus d’un million de « boîtes » pour près de 140.000 films, français mais aussi étrangers, des documents, ouvrages, et du matériel y sont conservés. Tout un pan de la mémoire du 7eme art rassemblé, inventorié, choyé.
Lorsque, dans les années 1960, le projet de transformer la batterie militaire de Bois-d’Arcy en lieu d’archive du film voit le jour, aucune cinémathèque en France n’a encore de politique scientifique pour la conservation des films. Encore faut-il, alors, choisir entre la création d’une collection ou, simplement, l’organisation d’un lieu de conservation alimenté par des dépôts provenant d’autres lieux (laboratoires) ou de sociétés privées (producteurs, distributeurs…). Finalement, plusieurs éléments militent en faveur d’une politique nationale qui prenne en compte l’ensemble des intervenants de l’industrie du cinéma français.
Le ministère des Affaires culturelles, via le CNC, donne au service des archives du film, officiellement créé en 1969, les moyens de contribuer à l’enrichissement du patrimoine français, lui assurant une certaine autonomie quant à l’organisation de ses collections. Celles-ci sont alors entièrement à bâtir puisque la Cinémathèque française, sous la conduite de son fondateur Henri Langlois, la Cinémathèque de Toulouse et les autres institutions nationales ou régionales possèdent déjà leurs collections en propre.
Jusqu’alors, comment sont conservés les films qui se trouvent en France ? De deux façons. D’une part, les producteurs, les distributeurs et les laboratoires détiennent dans leurs réserves des négatifs et des positifs. Mais ces réserves se situent dans des endroits souvent exigus et inappropriés. D’autre part, en-dehors de ces stockages plus ou moins adaptés, existent déjà à Bois-d’Arcy des casemates et des souterrains mis dans les années 1950 à disposition du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts par l’administration militaire. Le ministère les avait alors prêtés à la Cinémathèque française. Bien que vastes, ces locaux sont inadaptés au dépôt de films : mauvaises conditions de conservation, manque de sécurité, accès incommode, consultations extrêmement difficiles…
En 1966, il est décidé de conserver les dispositions de l’ouvrage militaire de la batterie de Bois-d’Arcy, qui présente un intérêt architectural manifeste, afin d’y installer un lieu de conservation des films. L’année suivante, l’Etat y entreprend la construction de bâtiments modernes de conservation des films. Le premier, composé de quatre étages et mis à la disposition de la Cinémathèque française, abritera des rayonnages destinés à l’archivage des films sur support de sécurité acétate. Ces bâtiments sont conçus sur le principe de l’isothermie, avec une structure en double paroi, le revêtement métallique extérieur protégeant les locaux contre les effets du rayonnement solaire. Les conditions de conservation sont prévues par distribution d’air conditionné : environ 10°C, et une hygrométrie de 35 à 45%.
Des études sont par ailleurs menées en vue de l’implantation dans les fossés de la batterie d’une série de structures pour la conservation de films nitrate, dits « films flamme », particulièrement fragiles et inflammables. La construction d’un premier ensemble de six bâtiments comportant chacun dix cellules est mise en œuvre. D’autres bâtiments et « cellules nitrate » seront construits en 1974, 1977 et 1980.
En 1969, après les remous, l’année précédente, de « L’affaire Langlois », est créé officiellement au sein du CNC le service des archives du film, à l’initiative d’André Malraux. Installé, donc, à Bois-d’Arcy, et placé sous la responsabilité de Jean Vivié, il est également doté d’un laboratoire de chimie, pour la restauration des films, et d’un service d’inventaire. En 1971, la constitution de collections muséographiques d’appareils, d’affiches de cinéma, de photographies, d’archives papier (scénarios, archives de producteurs, cinéastes, techniciens…) est entamée par acquisitions et dépôts, tandis qu’une bibliothèque associée aux activités de l’archive voit le jour. La nouvelle vie de l’ancienne batterie militaire commence alors.