« Mes jours de gloire », l’adolescence entre comédie et mélancolie

« Mes jours de gloire », l’adolescence entre comédie et mélancolie

25 février 2020
Cinéma
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Mes jours de gloire
Mes jours de gloire Iconoclast Films - Tribus P Films

Avec son premier long métrage, Antoine de Bary dresse le portrait d’un acteur enfant-star qui, la trentaine venue, se voit contraint de retourner vivre chez ses parents et peine à passer à l’âge adulte. Rencontre avec son réalisateur.


Antoine de Bary DR - Bac Films

Qu’est-ce qui donne envie de traiter de l’adulescence, de cette incapacité de certains de franchir le cap de l’âge adulte ?

Antoine de Bary : Cette thématique du passage à l’âge adulte me fascine. Et je voulais donc raconter ce moment de vie – symbolisé par un premier travail, une première histoire d’amour, un premier appartement – par le prisme d’un personnage qui, après avoir bossé très jeune, fait le chemin inverse : redevenir un enfant, forcé de retourner vivre chez ses parents puisqu’il n’a plus les moyens de se payer un appartement. Car, avec mon coscénariste Elias Belkeddar, nous avions le sentiment que ces contours d’âge sont aujourd’hui beaucoup plus flous. Qu’on se retrouve avec des adultes qui se comportent de plus en plus tard comme des enfants et des enfants qui se comportent de plus en plus tôt comme des adultes. Ce qui transforme ce fameux passage à l’âge adulte en un moment décevant de la vie qui crée de la mélancolie et de l’angoisse. Autour de moi, je vois beaucoup de jeunes gens qui, en sortant de leurs études, se retrouvent totalement perdus face à l’océan de choix qui s’offrent à eux et à la concurrence à laquelle ils sont confrontés. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, tout le monde doit avoir un business plan autour de sa personne. Savoir quelle image de soi donner et comment la donner. Or, j’ai pour ma part une attirance énorme pour ceux qui, à l’inverse, sont totalement incapables de faire ses choix. Ce sont de formidables anti-héros.

Et Adrien, votre anti-héros à vous, est donc une star de cinéma qui ne bosse plus ou presque, à l’âge de 30 ans. Cette idée est arrivée très tôt dans l’écriture ?

Dans mon adolescence, j’ai été bercé, au tout début de MySpace, par le phénomène des baby rockers. Je voyais plein de gens de mon âge monter sur scène, enregistrer des albums… J’avais l’impression que si, à 16 ans, tu n’avais pas monté ton groupe, tu avais déjà raté ta vie ! (rires) À l’époque, en allant à leurs concerts, j’avais noué des liens avec pas mal d’entre eux. Des années plus tard, j’en ai retrouvé certains pour qui tout était devenu beaucoup plus compliqué. Comme si, par rapport à ce qu’ils avaient vécu, ados, l’âge adulte se révélait terriblement décevant. Comme si les promesses d’enfance n’avaient pas été tenues. Avec Mes jours de gloire, j’ai donc eu envie de raconter cette trajectoire finalement assez dramatique, mais en ajoutant de la comédie.

Pourquoi avoir alors choisi d’en faire un comédien et pas un musicien ?

Il y a une différence majeure entre un musicien et un comédien. Un musicien seul chez lui peut toujours pratiquer son art, prendre sa guitare ou écrire une mélodie. Un comédien, lui, dépend du désir de l’autre et cela renforce sa solitude, lorsque les propositions se font de plus rares. Prendre comme personnage central un acteur permettait donc de glisser plus naturellement vers cette mélancolie que je recherchais.

Ce personnage fait parfaitement écho à Vincent Lacoste, révélé très jeune par Les Beaux Gosses. A quel moment de l’écriture du scénario avez-vous pensé à lui ?

On a écrit ce film pour lui. J’avais eu la chance de faire un court métrage avec Vincent il y a 5 ans, L’Enfance d’un chef, qui partage d’ailleurs quelques éléments avec Mes jours de gloire dont cette idée qu’il passe un casting pour incarner de Gaulle. Mais le court était plus une sorte de docufiction sur Vincent Lacoste, acteur à succès, qui se retrouvait, perdu, à emménager pour la première fois seul, alors qu’il se loupait totalement en de Gaulle, un gros biopic qui reposait sur ses épaules.

Vous évoquiez tout à l’heure l’équilibre entre rires et émotion que vous souhaitiez. Etait-il présent dès l’écriture ?

A l’écriture, la comédie était plus présente. C’est au fur et à mesure du tournage et du travail avec Vincent, que je me suis rendu compte que, par-delà l’humour des situations, on se retrouvait face à un personnage de plus en plus enfermé en lui-même. Je redoutais donc que si le film partait trop loin dans la comédie, on ne puisse jamais revenir vers l’émotion au moment où l’histoire le nécessitait et qu’on manque d’empathie avec les tourments intérieurs de ce personnage. Mon but était que le spectateur suive son point de vue et soit constamment avec lui. Qu’il se trompe avec lui, qu’il se perde avec lui, qu’il avance avec lui. Pas qu’il le juge.

Comment cela se traduit-il en termes de mise en scène ?

Avec mon directeur de la photographie Nicolas Loir, le mot d’ordre était la légèreté. Tout le film a été tourné à l’épaule et avec un minimum de lumière artificielle. Je voulais réduire au maximum le temps d’attente pour passer d’un plan à l’autre et avoir le tournage le plus organique possible, pour correspondre à cette idée de se situer toujours dans le point de vue du personnage. Ainsi, à l’image, au départ, tout semble très agité et oppressant (on ne voit ainsi jamais le moindre bout de ciel dans la ville pour la montrer comme une prison) puis au fur et à mesure qu’Adrien grandit, ces secousses se calment, le cadre s’élargit, la lumière s’adoucit. La réalisation accompagne donc organiquement son évolution. Mais ce mode opératoire très léger a le défaut de ses qualités : il nécessite de tourner énormément. Et je suis donc sorti de ce tournage avec la possibilité de faire au moins 8 films différents. Car sur le plateau, après deux ans passés à écrire ce scénario, j’étais forcément à l’affût de la moindre nouveauté !

Comment avez-vous retrouvé le fil de votre récit sur l’adulescence lors du montage ?

J’ai eu la chance de travailler avec une monteuse exceptionnelle, Joëlle Hache (Camille Claudel, La Fille sur le pont…). Je suis arrivé avec énormément de craintes. Mais très vite, j’ai compris qu’à chaque coupe qu’elle proposait, elle voyait juste et on n’y retoucherait plus. Joëlle possède cette sagesse de prendre le temps de réfléchir aux choses avant de les faire. Mais toujours au service du film et sans chercher à prendre un quelconque pouvoir.

Mes jours de gloire a reçu l’aide au développement de projets de longs métrages, l’avance sur recettes avant réalisation et l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.