Mikis Theodorakis, auteur de la bande originale du film « Zorba le Grec » et artiste engagé politiquement, vient de mourir

Mikis Theodorakis, auteur de la bande originale du film « Zorba le Grec » et artiste engagé politiquement, vient de mourir

02 septembre 2021
Cinéma
Mikis Theodorakis
Mikis Theodorakis Photo : Bert Verhoeff / Anefo - Dutch National Archives - 1972

Symbole de la lutte contre le régime militaire en Grèce à la fin des années 1960, auteur de bandes originales de films à succès, le compositeur avait été député puis ministre dans des gouvernements de gauche. Il est mort ce jeudi 2 septembre, à l’âge de 96 ans.


C’est un air de sirtaki enjoué, comme parfumé des embruns de la mer de Crète. Une musique qui donne envie de se lever et de danser, mais qui s’est aussi chargée, avec le temps, avec l’histoire, d’une certaine gravité. Ecoutez un instant le Thème de Zorba, la mélodie phare du film Zorba le Grec (sorti en 1964) et vous serez immédiatement transporté dans cette Grèce sous tension - malgré le soleil, malgré le bleu du ciel -, des années 1960 et 70.

C’est la bande originale de ce film, véritable hymne d’amour à son pays, qui a fait connaître planétairement le compositeur Mikis Theodorakis, né en 1925 dans une famille d'origine crétoise. Mais au delà de son travail pour le cinéma - comme la musique pour Z de Costa Gavras en 1969 -, Mikis Theodorakis était surtout un compositeur classique à l’écriture foisonnante, capable d’enchaîner opéras, cantates, oratorios et symphonies ambitieuses, avec toujours à cœur l’idée d’ancrer ce travail dans la culture populaire, pour laquelle il avait une passion - en témoigne son enthousiasme pour le rebetiko, le « blues grec» , qu’il aida à faire sortir de l’ombre.

Proche de figures politiques de la gauche depuis le début des années 1960 - dont Grigoris Lambrakis, ce député de l’EDA assassiné en novembre 1963 par l'extrême droite - le musicien engagé est lui-même élu député de l'EDA du Pirée, le port près d'Athènes. Après le coup d'état militaire de 1967, il est arrêté une première fois, puis gracié. Il prend la tête d’un mouvement clandestin et se retrouve assigné en résidence surveillée. Les colonels le jettent à nouveau en prison et interdisent son œuvre. Immédiatement, Theodorakis devient le symbole de la résistance à la dictature, une figure adorée que la junte sera contrainte de laisser partir, à Paris, sous pression de la communauté internationale. A l'effondrement de la dictature en 1974, après un retour triomphal à Athènes, il fera le choix, contre toute attente, de se ranger aux côtés de Constantin Caramanlis, l'homme d'État de droite qui orchestrera le rétablissement de la démocratie.

Se décrivant lui-même comme « grande gueule », le musicien n’était pas avare en colères et emportements excessifs, mais il faut croire que le peuple grec aimait ça, qui l’installa, dès les années 1970, en indéboulonable monument national. Il s’en amusait, revendiquant sans cesse sa liberté. « Du fait de ma taille, je n'ai jamais pu m'incliner », insistait-il… La ministre de la Culture grecque Lina Mendoni a réagi jeudi à la mort du célèbre compositeur: « Aujourd'hui nous avons perdu une partie de l'âme de la Grèce. Mikis Theodorakis, notre Mikis à tous, l'enseignant, l'intellectuel, le résistant, est parti. Celui qui a fait chanter des poètes à tous les Grecs ».

La présidente de la République Eikaterini Sakellaropoulou a quant à elle rendu hommage à « un créateur grec et en même temps universel, un atout inestimable de notre culture musicale (...) qui a dédié sa vie à la musique, aux arts, à notre pays et à ses habitants, aux idées de liberté, de justice, d'égalité, de solidarité sociale ».