Vous n’aviez que 18 ans sur le plateau de votre première réalisation. On imagine donc que l’envie de faire du cinéma est née très tôt chez vous…
Elle s’est vraiment concrétisée à 12 ans quand des amis m’ont un peu forcé – car j’avais extrêmement peur des films d’horreur – à voir Esther. Ça m’a terrorisé et… j’ai soudain pris conscience de ce que le cinéma pouvait provoquer. J’ai donc commencé à regarder de plus en plus de films.
Entre votre envie de cinéma et la concrétisation de ce rêve, il y avait un pas énorme à franchir, d’autant plus dans une famille éloignée de tout contact avec ce milieu-là. Comment avez-vous fait ?
Ne connaître personne dans ce milieu a en fait été mon atout majeur. Je n’avais aucune idée de comment cette industrie fonctionnait. Pour moi, c’était juste un art que j’aimais et que je voulais donc pratiquer. Sans me poser plus de questions. Au collège, j’ai donc vendu toutes mes consoles de jeu pour m’acheter une petite caméra. Et tous les week-ends, je tournais des courts métrages d’horreur avec mes amis. Ce qui n’a évidemment fait que renforcer mon envie de cinéma…
A quel moment décidez-vous de passer à l’écriture d’un long métrage ?
Jusqu’à mes 16 ans, je ne regardais que des films d’horreur et détestais tout autre genre. Et puis, un jour, pour la fête des mères, j’ai eu envie de faire plaisir à la mienne et lui ai proposé que l’on regarde ensemble Mommy de Xavier Dolan. Ce film m’a bouleversé, m’a incité à élargir ma cinéphilie, m’a donné envie de sortir de mes courts métrages horrifiques, de diriger des acteurs et une équipe de techniciens. C’est là que j’ai commencé à écrire Les drapeaux de papier.
Qu’est-ce qui vous a inspiré l’histoire de cette relation passionnelle frère-sœur où le premier, Vincent, vient retrouver la seconde, Charlie, après avoir passé une dizaine d’années en prison ?
J’ai commencé à écrire ce scénario à 17 ans. Soit à un an du fameux passage à la majorité, symbole de liberté qui me faisait autant peur qu’il me fascinait. J’ai donc eu envie d’écrire autour de cette notion de liberté. Et au même moment j’ai lu un article sur un prisonnier qui faisait une sortie sèche (NDLR : sans aménagement de peine). Sans pouvoir expliquer pourquoi, je me suis retrouvé dans son témoignage qui a façonné le personnage de Vincent. Et comme j’ai une sœur que j’ai toujours énormément admirée, j’ai eu envie de parler d’elle à travers le personnage de Charlie.
Une fois votre scénario achevé, comment vous débrouillez-vous pour trouver un producteur ?
J’ai regardé sur Internet le nom des sociétés de production dont j’avais aimé les films et je leur ai envoyé le scénario par mail. Puis je les rappelais toutes les semaines. Et un mois plus tard seulement, Stéphanie Drouet de Sensito Films m’a appelé pour me rencontrer. Le lendemain, je séchais les cours et j’étais à Paris ! On a beaucoup parlé, elle a regardé mes courts métrages et accepté de m’accompagner. C’est là que je me suis dit que le cinéma n’était pas réservé à une élite.
Votre productrice vous a-t-elle accompagné aussi sur le choix de vos deux comédiens principaux, Noémie Merlant et Guillaume Gouix ?
En fait, Noémie Merlant était déjà sur le projet avant que je rencontre Stéphanie. Un jour, j’étais tombé sur un article qui la présentait comme révélation de l’année. Comme je ne la connaissais pas, j’ai commencé à regarder son travail. A commencer par A tous les vents du ciel où elle est littéralement bouleversante. J’ai donc écrit Charlie en pensant à elle et je suis allé lui donner mon scénario terminé à la fin d’une avant-première du Ciel attendra. Elle a pris le temps de lire. Et un mois plus tard, elle m’a appelé pour qu’on se rencontre et m’a assuré que si je trouvais un producteur, elle tiendrait ce rôle. Quant à Guillaume, je l’ai découvert à 12 ans dans Les Revenants et il a accompagné mon imaginaire de spectateur car je le suivais à travers ses films. Mais il me paraissait totalement inaccessible et je n’avais jamais osé penser à lui. Or il se trouve que Noémie et lui ont le même agent qui a accepté de lui faire passer le scénario. Trois jours plus tard, il a voulu me rencontrer et lui aussi a accepté.
Pour ce qui constitue une grande première pour vous dans tous les domaines, comment avez-vous travaillé avec eux ?
Au départ, j’étais intimidé tout simplement parce que je les admirais. Alors je leur ai simplement demandé comment ils travaillaient habituellement puis expliqué ce que je souhaitais faire. Le fait qu’ils m’acceptent et me fassent comprendre d’emblée qu’ils me faisaient confiance a fait voler en éclat toute intimidation.
Ce fut tout aussi naturel pour vous d’être aussi le chef de l’équipe technique ? Vous n’avez pas eu peur, par votre inexpérience, que votre chef opérateur par exemple prenne à un moment les commandes du film ?
J’avais une idée très précise de ce que je voulais. Je n’ai par exemple jamais imaginé le film autrement qu’avec une dominante de gros plans. Je voulais filmer ce frère et cette sœur, pas un contexte, un décor ou une époque. Au départ, ma productrice m’avait proposé de travailler avec un directeur de la photo très expérimenté. Mais je lui ai tout de suite dit que je voulais le choisir moi. Et je ne la remercierai jamais assez d’avoir accepté. J’ai donc fait des recherches sur Internet en regardant des photos, des clips… Et je suis tombé sur le travail de Raphaël Vandenbussche, dont Les Drapeaux de papier est aussi le premier long métrage.
Pour quelle raison avez-vous choisi de monter le film vous-même ?
Là encore, ma productrice m’a fait confiance. J’ai écrit et découpé ce film avec déjà le montage en tête. Je ne pouvais pas écrire une scène si je ne la voyais pas. Et je savais que je n’arriverais pas à confier mon film à un monteur aussi brillant soit-il. Parce que j’étais incapable de lâcher mes personnages et mes acteurs qui m’ont offert quelque chose d’immense. Au montage, j’ai d’ailleurs recentré le récit sur eux et coupé tous les personnages périphériques qui ne racontaient rien sur eux.
Avec le recul, qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans toute cette aventure ?
Sans aucun doute, tenir le délai de 24 jours de tournage. Mais je retiens d’abord et avant tout le bonheur infini de l’avoir fait. Je mesure mon privilège, croyez-moi.
Les Drapeaux de papier de Nathan Ambrosioni sort en salles le 13 février et a bénéficié d’une avance sur recettes avant réalisation et de l’aide sélective à la distribution (aide au programme).