Quelle est la genèse du PIDS Enghien ?
Yann Marchet : Le PIDS (Paris Images Digital Summit) est né en 2015. À l’époque, c’est un événement qui a été initié par la Commission du film d’Île-de-France, en collaboration avec le Centre des arts d’Enghien-les-Bains et la ville d’Enghien-les-Bains. L’idée était d’offrir une vitrine du meilleur des effets visuels et de la création numérique, non seulement française, mais également internationale. La manifestation a été créée en lien avec les studios français, ainsi qu’avec les écoles qui, évidemment, sont très importantes dans l’écosystème. L’objectif a toujours été double : servir de vitrine, donc, à ce qui se fait de mieux en matière de création mondiale, et en même temps promouvoir et valoriser le savoir-faire français en la matière, à travers des conférences, mais également avec la création des GENIE Awards qui mettent en avant le travail de nos artistes dans différentes catégories. Des partenaires fidèles nous suivent depuis le début, qui partagent la même vision et les mêmes objectifs : la Région Île-de-France, le CNC, Cap Digital… La ville d’Enghien-les-Bains est par ailleurs très désireuse d’aller au-delà de l’événement et de créer un écosystème vertueux autour des effets visuels, comme l’a montré l’installation d’un des campus de l’école ARTFX dans la ville.
Comment la manifestation a-t-elle évolué en dix ans ?
Au rythme des évolutions du secteur. Aux débuts du PIDS, les studios étrangers venaient présenter de façon régulière leur travail sur les productions les plus attendues et les plus remarquables de l’année. Nous recevions de temps en temps de grosses productions françaises, mais celles-ci restaient quand même assez rares. Il y avait à l’époque peu de productions internationales fabriquées en France. Le crédit d’impôt international (C2i) n’était pas encore pleinement développé. Nous étions donc dans un contexte un peu différent. Nous avions l’objectif de mieux valoriser, de mieux faire connaître le savoir-faire des effets visuels auprès des producteurs et des réalisateurs français. Un autre objectif a pris forme petit à petit, surtout à partir de 2017 : attirer davantage de projets internationaux. Le CNC a joué un rôle décisif dans le développement de la filière, en lançant un grand plan en faveur des effets spéciaux cette année-là, à la suite du rapport Jean Gaillard publié en 2016. Ce plan a permis de développer des projets français plus ambitieux, ayant recours de manière plus fréquente aux effets visuels, à travers notamment les anciens dispositifs CVS CVSA [aide à la création visuelle et sonore par l’utilisation des nouvelles technologies numériques de l’image et du son, remplacée désormais par deux dispositifs distincts : une aide sélective aux effets visuels et une aide sélective aux techniques d’animation, NDLR]. D’autre part, un certain nombre de décisions ont alors été prises par l’État, notamment une revalorisation du crédit d’impôt international, en particulier à partir de 2020, avec un bonus VFX de 10 % portant le crédit d’impôt international à 40 % [taux applicable aux œuvres de fiction à forts effets visuels dont les dépenses françaises relatives à la fabrication numérique d’effets visuels sont supérieures à 2 000 000 €, NDLR]. Ce qui a boosté l’activité de manière significative. Je dirais donc pour résumer que nous avons connu une première période, entre 2015 et 2019, de croissance de l’activité et d’une montée en puissance de notre industrie, également marquée par la création de France VFX, l’association française de VFX, et la volonté des professionnels de se structurer pour avoir un dialogue plus fécond avec les pouvoirs publics. Ces initiatives ont permis à notre industrie de récupérer de plus en plus de projets internationaux, mais aussi d’avoir des projets français plus forts, plus ambitieux, fabriqués en France, alors qu’à une époque de nombreux projets français se réalisaient en Belgique ou au Canada. Tout cela a fait que l’industrie a pu croître ces dernières années, avec un boom d’activité entre 2020 et 2023 permis notamment par l’émergence de la production émanant des plateformes de streaming qui ont investi largement et de manière conséquente dans les contenus. Cette évolution a été marquée par une croissance importante en termes d’emplois et d’activités. Il en sera évidemment question lors des conférences organisées dans le cadre du PIDS Biz.
Comment qualifieriez-vous le public du festival ?
Notre public, c’est l’ensemble de la communauté des effets visuels, c’est-à-dire à la fois les artistes, ceux qui fabriquent les images, et les acteurs de l’industrie au sens pur. Nous attirons également les professionnels de l’innovation, à travers le partenariat avec Cap Digital [pôle européen qui regroupe environ 1 000 laboratoires de recherche, écoles, institutions publiques et entreprises du secteur du numérique, NDLR] avec lequel nous mettons en avant l’innovation dans différents domaines, notamment celui de l’intelligence artificielle. Nous essayons également d’attirer les donneurs d’ordre, les producteurs et les réalisateurs. Ainsi, nous avons monté il y a deux ans le PIDS Workshop Pro en collaboration avec l’école ARTFX qui, en parallèle du PIDS, propose un cycle de conférences-ateliers autour des effets visuels, afin que les producteurs puissent mieux comprendre la manière dont on peut les utiliser. C’est un des combats que nous menons depuis l’origine. Nous avons toujours voulu mettre en avant la nécessité d’intégrer les effets visuels très en amont des processus de production.
Un mot sur les GENIE Awards de cette année ?
Les GENIE Awards sont intéressants parce qu’ils témoignent du développement de nos studios français à l’international. Si nous regardons les nommés des GENIE Awards depuis 2015 et leur évolution, nous constatons qu’il y avait encore, il y a quelques années, beaucoup de productions françaises. Or, nous avons désormais de plus en plus souvent des productions étrangères, des grosses séries de plateformes, des films étrangers, qui sont présentés dans le cadre des GENIE – qui consistent, je le rappelle, à mettre en avant le travail des studios français d’effets visuels qui ont été fabriqués en France. Nous avons donc à la fois des projets français et des projets étrangers. Ce que nous remarquons aussi, c’est que depuis quelques années, le niveau de la qualité monte. Aujourd’hui, être nommé aux GENIE Awards, c’est extrêmement difficile, extrêmement concurrentiel, parce que nous sommes montés en gamme. Dans la catégorie, par exemple, de la série télévisée, nous y trouvons essentiellement des séries étrangères majeures, comme The Walking Dead ou Les Anneaux de pouvoir. Ce sont désormais ces types de projets qui sont en compétition. Nous sommes très contents également de retrouver au PIDS cette année de très belles productions nationales de haut niveau, comme Le Comte de Monte-Cristo, Sous la Seine, Emilia Perez ou The Substance, dont certaines ont été nommées ou récompensées dans des cérémonies internationales prestigieuses comme les Golden Globes ou bientôt les Oscars. C’est vraiment un motif de satisfaction. Les GENIE Awards sont un rendez-vous bien identifié auprès de la communauté. Et ils permettent à tous les professionnels du secteur de se retrouver au cours d’une soirée dédiée.
Le PIDS Enghien bénéficie du soutien du CNC.