La sortie des films dans les salles le mercredi est loin d’être une tradition immémoriale. Aux balbutiements du cinéma, les films arrivaient sur les écrans le vendredi, principalement pour des raisons logistiques. Les exploitants souhaitaient concentrer l’acheminement des bobines et leur vérification en fin de semaine. Cela permettait aux projectionnistes de tester le matériel et de garantir son bon fonctionnement pour les séances dominicales. Dans les années 1920, le seul jour de la semaine non travaillé était le dimanche. Cela en faisait donc la plus grosse journée de remplissage pour les salles obscures.
Les pratiques culturelles ont ensuite évolué au gré du contexte politique. Les réformes du Front populaire autour du temps de travail et des congés payés ont ainsi contribué à la croissance de la fréquentation des cinémas.
Au gré de la simplification des moyens de diffusion, le jour des sorties des films se lie étroitement au jour de repos des écoliers. Les jeunes, à la fois de gros consommateurs de films et susceptibles d’attirer leurs parents vers la toile, dictent l’agenda cinématographique. Le jour de sortie des films revient ainsi rétroactivement au jeudi après la Seconde Guerre mondiale. Cette modification tiendra jusqu’en 1972, où le repos des scolaires est ramené au mercredi. Le cinéma suivra.
Des exceptions rares
Malgré la pérennité de cette tradition, aucune loi n’encadre la date de mise à l’affiche des films. Aujourd’hui encore, des discussions persistent sur l’adoption d’un nouveau modèle. « Jérôme Seydoux défend le fait de programmer les nouveaux films le vendredi pour se calquer sur les Américains », explique Kevin Bertrand, journaliste au Film français et auteur. « Les professionnels ont choisi de conserver ce modèle, car il permet de diluer les entrées sur toute la semaine et d’éviter un ventre mou après les trois premiers jours d’exploitation. Un changement est peu plausible, car il faudrait qu’il soit unilatéral chez les professionnels de l’industrie », ajoute-t-il.
Même si cette tradition semble indéboulonnable, certains évènements peuvent motiver un jour de sortie différent. C’est le cas pour une partie des films sélectionnés au Festival de Cannes. Afin d’honorer l’invitation, ces longs métrages ne peuvent être exploités avant leur projection sur la Croisette.
Les autres raisons pouvant pousser les distributeurs à modifier le jour de sortie sont purement financières. « Cela arrive que des distributeurs choisissent de sortir leur film un jour férié pour maximiser les audiences », remarque Kevin Bertrand. Ainsi, Été 85 ou encore Divorce Club étaient sortis le mardi 14 juillet 2020. Une pratique mal vue par la majorité des professionnels du secteur et déconseillée par le médiateur du cinéma. Cette autorité chargée de réguler l’exploitation avait recommandé de ne pas s’adonner à ce genre de pratiques, susceptibles d’abréger l’exploitation de films déjà à l’affiche.