C’est un poste clé de la post-production d’un film. L’opérateur compositing VFX, qui peut être un graphiste ou un infographiste spécialisé, doit créer une harmonie à l’image entre ce qui a été produit en effets spéciaux et ce qui a vraiment été tourné. « Il faut récupérer les différents éléments et les assembler pour en faire un joli plan, un plan harmonisé. Nous pouvons ainsi prendre, par exemple, une séquence tournée sur fond vert et mettre un décor derrière, puis s’il y a des explosions, de la fumée récupérée auprès des personnes s’occupant de la 3D. En faisant cela, on change l’ambiance d’un plan ou d’une scène. S’il y a des cascades, il faudra nettoyer en enlevant les câbles qui soutiennent le comédien. On peut également le rajeunir, lisser ses rides, enlever ses imperfections ou effacer une poche sur son costume », explique Solen Collignon.
A la manière du mixeur dans le monde de la musique, qui réalise le meilleur morceau possible avec les enregistrements des différents instruments et de la voix, l’opérateur compositing doit « sublimer l’image » tout en la rendant « réaliste » pour que les différents effets passent inaperçus aux yeux du public. « La lecture de l’image ne doit pas accrocher l’œil. Il ne faut pas que le spectateur se pose la question : « Est-ce que le plan a été truqué ? ». C’est un art de faire croire au public qu’il n’y a jamais eu d’intervention sur l’image ». Travaillant à partir d’éléments déjà validés en amont par le réalisateur ou par le superviseur VFX, la personne en charge du compositing utilise différentes techniques numériques comme la colorimétrie, l’étalonnage (uniformisation de la lumière et de l’ambiance) la rotoscopie (retranscription animée, image par image, d’un comédien filmé en prise de vues réelles) ou le tracking vidéo (qui permet d’animer un décor fixe). « On utilisera par exemple un outil pour extraire le personnage sur fond vert avant de l’étalonner pour qu’il s’intègre le mieux possible au fond sur lequel on l’aura posé. Ensuite un mouvement de caméra permettra d’éviter que l’image soit trop statique ou donner de l’amplitude au plan ».
Un métier créatif
Si Solen Collignon utilise des éléments choisis en amont, elle garde sur certains projets une certaine liberté pour proposer des idées propres à sa sensibilité. « En général, nous partons d’un briefing qui nous donne la direction générale du projet. Certains réalisateurs savent ce qu’ils veulent au pixel près tandis que d’autres nous laissent carte blanche pour qu’on leur fasse des propositions. Certains ne vont pas voir les images avant le montage final tandis que d’autres s’impliqueront différemment et viendront voir comment ça se fabrique et valider directement ce qu’ils veulent », souligne-t-elle. Elle se rappelle ainsi avoir directement collaboré avec un réalisateur de courts métrages qui avait une idée bien précise pour l’étalonnage et la teinte d’un des éléments à intégrer dans un plan.
« En tenant compte de leur demande initiale, nous faisons des maquettes pour le réalisateur : nous n’interpréterons pas de la même manière ce qu’une personne a en tête. Certains ne sont pas dans le côté technique de l’image et ne le seront pas tant qu’ils n’auront pas vu une maquette avancée du plan. D’autres ont parfois une idée en tête qu’ils n’arrivent pas à transmettre. Il leur faut un support visuel pour que les discussions avancent. » Cet espace de liberté artistique intéresse particulièrement Solen Collignon qui aime réaliser certains effets visuels particuliers, comme imaginer un personnage qui se perd dans ses pensées. Mais elle garde toujours en tête les délais prévus, pour proposer des choses intéressantes mais techniquement possibles dans les temps impartis. « On va flouter, étalonner, pour proposer quelque chose de poétique. ».
Exemple avant/après du travail de compositing sur le film Nos femmes de Richard Berry Solen Collignon - DR - La Petite Reine - Marie Colline Films - Zack Films - TF1 Films Production - Entre Chien et Loup - DR
Des qualités essentielles
Créatif, le professionnel spécialisé en compositing doit également avoir de vraies capacités de projection pour s’adapter aux différents projets sur lesquels il travaille. D’autant plus qu’il n’a pas toujours accès au scénario pour l’aider à recréer l’ambiance attendue dans le plan. « Certains scénarios sont à portée de main, d’autres doivent être demandés, mais parfois nous n’y avons pas accès pour des raisons de confidentialité. Il faut donc travailler à l’aveugle, en interprétant le peu d’informations dont on dispose ». Et connaître les réalisations précédentes du cinéaste n’est pas toujours utile pour trouver la bonne ambiance du plan - Solen Collignon se rappelle de films de commande qui n’avaient rien à voir avec le style habituel du réalisateur.
Autre qualité essentielle dans ce métier : une grande capacité d’adaptation technique. La technologie avance rapidement, et c’est au professionnel de suivre le mouvement et de se former pour rester à la pointe des nouvelles techniques. Travaillant dans le compositing depuis 1998, Solen Collignon a ainsi vécu le passage de la « fabrication intuitive, plus artisanale, à celle de la technique pure avec des logiciels plus pointus ». « Nous faisons les mêmes images qu’avant mais avec une autre technique. Nous travaillions auparavant avec des logiciels dédiés à une tâche bien définie, et il fallait en changer pour réaliser une autre action. Aujourd’hui nous utilisons Nuke qui possède beaucoup de fonctionnalités ». Ce logiciel est venu remplacer d’autres outils, dont certains avaient même été développés en interne par les sociétés de post-production.
Graphiste de formation, Solen Collignon s’est spécialisée en compositing en suivant plusieurs formations, notamment un cursus spécialisé consacré à Nuke. « Il faut s’intéresser aux outils pour suivre les évolutions du logiciel et s’adapter. Il faut continuellement travailler », conseille-t-elle. Enfin, elle évoque l’un des changements majeurs du métier : l’essor des formats d’images comme le 4K. « Nous sommes de plus en plus amenés à travailler sur ces formats de qualité. A mes débuts, je voyais les pixels. Je ne pouvais pas faire certaines choses techniquement, ne serait-ce qu’au niveau du format. Maintenant, l’image est sublime. »