Comment naît l’idée d’Une Fille facile ?
L’idée d’Une fille facile est née de la lecture d’un article sur lequel je suis tombée il y a quelques années : le récit à la première personne du troc qui s’était mis en place entre deux jeunes femmes et des hommes mariés installés sur leurs yachts dans un port de la Côte d’Azur : des cadeaux, des dîners, en échange tacite de la présence à leurs côtés de ces jeunes femmes, de leurs corps et de nuits de plaisirs. Je me souviens avoir été fascinée par la manière dont elles racontaient ces relations singulières. On pouvait y lire presque du romantisme, en tout cas absolument rien de sordide. Mais je n’étais pas allée plus loin. Et ce projet avait rejoint les nombreuses idées de scénarios qui dorment dans mes tiroirs…
Qu’est-ce qui vous a incité à y replonger ?
Ma rencontre avec Zahia Dehar. Zahia m’intriguait et me plaisait depuis longtemps. Et puis, un jour, elle envoie un « Like » sur un de mes posts Instagram. Inutile de vous dire ma surprise tant j’étais à mille lieues de penser qu’elle puisse me connaître et encore plus me suivre sur les réseaux sociaux. Alors, forcément, tout de suite, je m’intéresse plus concrètement à elle, je vais regarder les vidéos sur son compte. Et, là, je suis frappée par le côté littéraire ultra-élégant qui l’entoure. J’ai l’impression de me retrouver devant un mélange improbable et assez fascinant de Kim Kardashian et Luis Buñuel. J’ai donc immédiatement envie de la filmer et de raconter avec elle cette histoire.
Le fait qu’elle n’ait jamais joué ne vous a pas inquiétée ?
Pour être honnête, je ne me suis jamais posé la question. Parce qu’une chose essentielle m’a tout de suite frappé dès notre premier rendez-vous : sa discipline de fer. Or qui dit discipline, dit écoute et engagement, deux qualités essentielles chez tout comédien. Je n’ai jamais eu le moindre doute qu’on arriverait à travailler ensemble et chaque jour de tournage m’a confortée dans cette première impression.
Votre scénario joue pleinement sur les a priori qu’on peut avoir d’une jeune femme essentiellement connue jusqu’ici à travers ce fait divers ultra-médiatisé impliquant plusieurs joueurs de l’équipe de France de football ?
Une fille facile est bel et bien une fiction. Mais j’ai pleinement conscience que le fait que Zahia en tienne un rôle central influe sur le regard des spectateurs, dans les premières minutes. Mon but est de leur dire: « Regardez mais regardez vraiment, pas avec une idée préconçue. Regardez comme le cinéma doit nous aider à regarder le monde. En bousculant nos a priori et nos certitudes. » Et mon film sera réussi si à la fin, ce regard a évolué.
Est-ce que ce corps hors norme est facile à filmer ?
Il y a d’abord et avant tout un plaisir à regarder ce corps spectaculaire. A partir de là, il ne faut pas avoir peur de le montrer pour ce qu’il est : le rendre transparent sans hypocrisie mais sans voyeurisme. Cet équilibre à trouver et à respecter tout au long du récit, sans tomber dans quelque chose de scolaire, est essentiel. Mais Zahia est tellement en contrôle de sa séduction et de sa sensualité que cela borde parfaitement les choses. Elle le dit elle-même : « J’ai eu ce corps-là par hasard. Et j’avais envie de le montrer ». Elle veut donc que tout le monde le voie. Très naturellement. Mon film raconte précisément cette aisance tout en montrant le contre-champ : la diversité des regards posés sur elle. Je revendique l’aspect féministe de ce projet mais pour que cette dimension existe, je devais aussi savoir regarder avec justesse les hommes… qui la regardent, ne pas les caricaturer. Ma responsabilité de cinéaste se situe précisément là.
Une fille facile sortira le 28 août 2019 en salles.