Comment est né ce projet de plateforme digitale dédiée à la Musique et à l’Image ?
C’est un projet auquel je réfléchis depuis un moment. Dès la création de Rouge International en 2007, j’avais à cœur de faire se rencontrer les compositeurs, qui sont les troisièmes auteurs d’un film, avec les scénaristes et les réalisateurs, qui en sont les deux autres auteurs. Venant de la musique, puisque j’étais chanteuse lyrique avant de me diriger vers le cinéma, je suis sensible au travail des compositeurs. En tant que productrice, je cherche à les mettre en relation avec les réalisateurs très tôt dans le processus créatif, dès l’écriture du projet.
Au fil du temps, j’ai constaté qu’il manquait un endroit où la musique et l’image – et pas seulement au cinéma – pouvaient dialoguer. Le métier de producteur ayant également évolué – puisqu’à présent, nous travaillons de façon beaucoup plus transversale, sur des projets multiples, qu’il s’agisse de documentaires, d’animation, de séries TV, d’œuvres immersives… –, j’ai eu envie d’imaginer un lieu dédié aux musiques dans leur pluralité et à toutes les images, du cinéma aux jeux vidéo en passant par des clips musicaux ou au design sonore, comme un trait d’union à ces deux univers indissociables et qui pourtant, sont encore trop éloignés l’un de l’autre.
Sœurs Jumelles est un projet en deux volets, avec cette plateforme mais également un événement organisé en juin 2021 à Rochefort. Pouvez-vous nous en toucher quelques mots ?
Il était important de permettre aux liens tissés autour de la plateforme de se concrétiser lors d’un rendez-vous annuel. Ce rendez-vous est donc donné en juin 2021, à Rochefort, pour la première édition de Sœurs Jumelles. A l’origine, nous souhaitions organiser cet événement cette année, pour faire écho à la création du Centre national de la musique (CNM) début 2020. La pandémie que nous avons connue ce printemps nous a contraints à reporter l’événement à l’année prochaine. Finalement, cela nous permet de créer d’abord notre communauté de façon « digitale » via la plateforme, que nous mettrons en ligne courant octobre 2020, avant d’organiser ces rencontres physiquement.
Ainsi, pendant trois jours, des compositeurs, des réalisateurs, des techniciens, des éditeurs, des concepteurs de jeux vidéo mais aussi des étudiants, ou tout simplement des passionnés pourront échanger au cours de différents évènements organisés. Au-delà des projections en présence d’artistes qui viendront mettre en lumière les œuvres, un volet professionnel permettra d’aborder les problématiques communes aux secteurs musiques et images : droits d’auteur, statuts juridiques, financement, développement technologique… seront abordés lors de débats et de tables rondes afin de donner une vision la plus complète possible de ces filières. Ces sujets seront également traités sur la plateforme en ligne.
Par ailleurs, ces trois jours, qui seront festifs, seront ponctués d’un concert quotidien, d’abord autour des nouvelles technologies, en partenariat avec Ina Sound, le premier jour, puis avec un orchestre « traditionnel » et le 3e jour, un concert de musique actuelle. Chaque concert sera accompagné d’un écran, de la même façon que chaque film projeté sera accompagné d’un orchestre qui viendra jouer sur la petite scène du cinéma L’Appolo. Avec cette rencontre, on espère rassembler autant le grand public que les professionnels. Nous organiserons également une remise de prix Sœurs Jumelles, décernés pas un jury, ainsi qu’un prix du public, qui conclura cette première édition.
Concernant la plateforme en ligne, comment est-elle conçue ?
Comme un support d’information, à la fois didactique et pédagogique. L’idée est de donner la parole aux professionnels, mais aussi aux institutions (le ministère de la Culture, le CNC, l’ADAMI…) et aux partenaires qui travaillent plus spécifiquement sur les séries, les jeux vidéo, le cinéma…, par le biais de contenus variés tels que des interviews, des reportages, des podcasts, des blind-tests et de nombreux dossiers qui mettront en avant les enjeux multiples de ces deux filières.
Mais l’ambition première reste la rencontre, celle qui se fait autour de la Musique et de l’Image. Voilà pourquoi une rubrique permettra aux compositeurs de présenter leur travail, afin d’être contactés par les réalisateurs ou les producteurs. La plateforme Sœurs Jumelles est pensée à la fois comme un outil professionnel, que l’on espère exhaustif et complet, avec des études, des statistiques dont on se fera le relais, mais aussi comme un outil de vulgarisation. Elle permettra d’expliquer par exemple de manière très simple ce qui est important de retenir de chaque étude relayée, ou de sensibiliser les jeunes, compositeurs, mixeurs ou vidéastes, à la question du droit d’auteur.
C’est l’aspect pédagogique dont je parlais plus tôt puisque nous nous adresserons également aux professionnels de demain. Nous avons d’ailleurs constaté que la musique investissait de plus en plus les écoles de cinéma. Il y a désormais un master sur le design sonore proposé à l’école des Beaux-arts, on s’intéresse davantage au rapport à la musique dans les écoles de cinéma mais aussi dans les écoles d’art. C’est donc particulièrement important d’informer ces jeunes sur tout ce qui se fait du côté de la formation, et nous avons la chance d’être accompagnés par la Sacem dans cette volonté de mettre en avant l’éducation de la musique à l’image.
Le projet Sœurs Jumelles a-t-il pour vocation l’international ?
Effectivement, l’une des raisons pour lesquelles nous avons également pensé cette plateforme digitale est de permettre à toutes celles et tous ceux qui ne pourront se rendre à Rochefort d’accéder à nos contenus, d’échanger et de réfléchir à des thématiques communes à travers le monde. D’ailleurs, cela correspond à ma vision du cinéma, que j’envisage au sein de Rouge International comme un cinéma mondial. Et puis, la musique et l’image sont un langage universel ! D’ailleurs, après la première édition, qui sera dédiée à Michel Legrand, dont le nom est indissociable des Demoiselles de Rochefort, j’aimerais que l’édition 2022 soit consacrée à une figure internationale, compositeur ou créateur. Comme David Lynch par exemple, dont la musique fait intégralement partie de son œuvre. Prenez Twin Peaks : si vous saviez le nombre d’artistes, musiciens ou cinéastes, qui ont été influencés par cette série géniale !
En parlant de Michel Legrand, pourquoi avoir choisi ce nom, Sœurs Jumelles ?
L’hommage aux Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy était une évidence ! D’abord parce que c’est une référence absolue en matière de comédie musicale – et donc en termes de musique et d’images - et parce qu’il s’agit du film le plus connu dans le monde. Ce titre, Sœurs Jumelles, vient tout de suite résonner chez le public, et c’est une jolie façon de rappeler le lien fusionnel de la Musique et de l’Image. Et puis, venir à Rochefort, où nous avons d’ailleurs la chance d’avoir un très beau studio d’enregistrement, l’Alhambra, avec un auditorium et des studios d’enregistrement et de post-production, c’est aussi une façon de mettre en avant tout ce qui se fait dans nos régions.