L’exotisme et l’action de James Bond
« A l’origine, Spycies est un projet chinois. C’est Lux Populi, un studio de VFX qui m’a proposé de réaliser un de leurs scripts. Ils m’ont fait lire plusieurs projets dont un, L’Hôpital des animaux, qui était une série au pitch mince, mais très séduisant. Ils ont réécrit le scénario et l’ont fait évoluer vers un long métrage d’action et d’aventure. Très vite, je me suis dit que je pouvais m’y attaquer si j’arrivais à opérer le croisement entre une parabole SF écolo et… James Bond. J’adore le cinéma des années 70 ! Et particulièrement la série des Bond. Le premier que j’ai vu c’était Rien que pour vos yeux et pour le gamin que j’étais, ces films ouvraient de nouveaux horizons. Les gadgets, les méchants, le héros… Il y avait de l’ampleur et de l’humour, c’était spectaculaire et ça parlait toujours de l’époque. C’était le meilleur divertissement possible, imaginé par la crème des techniciens. Je m’en suis évidemment beaucoup inspiré à la fois pour la caractérisation de mon héros très « smart » et dangereux (Vladimir), mais aussi pour le feeling d’évasion et d’aventure que j’ai essayé d’impulser au récit. »
Le génie de Miyazaki
« C’est évidemment le plus grand. J’ai découvert Le Roi Leo et l’animation japonaise à 5 ans, avec mon père. Et puis un peu après je suis devenu fou de Goldorak. Cette influence est visible dans tout mon travail - beaucoup plus que l’animation américaine que j’aime aussi par ailleurs. Au-delà des thèmes, la mise en scène des anime m’intéresse plus parce qu’elle est plus proche du live en termes de cadrage et de découpage. Beaucoup plus que les films Disney par exemple. J’en ai beaucoup regardé, mais dans le genre, Miyazaki reste hors compétition. Il gravite à un autre niveau. Son sens du rythme, la beauté de sa mise en scène, l’émotion de ses cadrages… C’est fou ! C’est Moebius qui me l’a fait découvrir. Alors que je travaillais avec lui sur le story-board de StarWatcher (un projet qui ne verra jamais le jour), il m’a pris à part et m’a mis devant un film. Je ne savais pas ce que c’était, mais ça m’a fasciné. C’était Le Château dans le ciel et ça a changé ma vie. Pour être tout à fait franc, quand on m’a parlé d’un dessin animé avec des animaux anthropomorphisés, j’ai pensé au Sherlock Holmes de Miyazaki et à son Lupin. Mais quoi que je fasse, Miyazaki est toujours dans un coin de ma tête. »
La musique de Cowboy Bebop
« J’adore cet anime pour la manière dont l’intrigue et les courses poursuites mélangent western et SF pure. Les embardées interstellaires, les visions rétro-futuristes, les flashs de violence… c’est un cocktail dingue ! Mais j’avoue que c’est surtout la musique, très dynamique et très mélangée (avec du jazz, du rock progressif ou du métal) qui m’a frappé quand j’ai découvert cette série. C’est osé ! La musique est l’élément qui vient en premier dans mes films. Je suis obsédé par le funk et la soul des 70’s, mais je peux écouter toutes sortes de musiques. Quoi qu’il en soit, ça vient chez moi avant tout. Même avant le dessin. Avant de me lancer dans mon premier story-board je pense musique. J’ai une énorme bibliothèque musicale et je commence toujours à piocher des sons en fonction des scènes que j’ai en tête. Une fois que cette playlist est terminée, alors je me mets à dessiner et je conçois mon story-board sur cette bande-son.
Les personnages de L’Arme fatale
« Dans le premier script que j’ai eu entre les mains, les personnages étaient trop lisses et les deux héros trop semblables. Il fallait, pour la force du récit, les différencier un peu plus. Trouver une dynamique plus amusante et imaginer une relation contrastée entre les deux héros. Je me suis alors inspiré de L’Arme fatale qui est pour moi, le meilleur buddy movie. Il y a d’un côté le flic fou, sombre, dur (joué par Mel Gibson) et le personnage plus vieux, plus réticent (incarné par Danny Glover). Cette référence m’a permis de développer les caractérisations de Vladimir et Hector. J’adore les polars et les buddy movies, mais si L’Arme fatale est une réussite c’est surtout grâce au mélange des genres. Il y a de l’humour et beaucoup de noirceur. Et j’ai toujours aimé ce mélange. Cela dit pour l’humour de Spycies, je me suis beaucoup servi des soaps chinois. C’est totalement étranger à notre culture, et globalement, leur humour n’a pas grand-chose à voir avec le nôtre. Mais coproduit par la Chine, il fallait que Spycies parle aux deux cultures. »
Tout Ōtomo
« Katsuhiro Ōtomo, le créateur d’Akira, est une référence ultime pour moi. Ses mangas comme ses films. Steamboy, c’est fabuleux, mais Akira a, je crois, traumatisé tous les gamins de ma génération. Trente ans plus tard, sa modernité reste toujours aussi puissante. Aucun animateur ne peut travailler sans se mesurer à ce totem. Les images hypnotiques, les visions de métal en fusion, de chair en ébullition ou en décomposition, les enfants aux visages de vieillards et aux mains tatouées, les poursuites à moto le long des rubans d’asphalte, le surgissement de la ville… C’est immense. Une fois qu’on a vu ça on ne peut plus jamais effacer ces images de son cerveau. Evidemment, Spycies boxe dans une autre catégorie et s’adresse à un public beaucoup plus familial et je ne prétends pas me comparer à ce génie (rires). Mais c’est comme pour Miyazaki, ce sont des films et des personnalités qui ne cessent de me nourrir. »
Spycies, qui sort mercredi 26 août, a reçu l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.