Quelle était la commande du réalisateur Sébastien Vaniček ? Que les araignées soient surtout réalistes ou bien effrayantes ?
Thierry Onillon : Le réalisme était essentiel car Sébastien sait que le côté effrayant vient surtout de la mise en scène, du montage et du son. Mais pour que ça fonctionne, il fallait qu’on puisse vraiment croire aux araignées. Les créatures sont toujours un défi. On pourrait même dire que c’est ce qu’il y a de plus complexe en matière de VFX. Cela demande beaucoup de ressources et l’œil humain est assez intraitable avec ce genre de choses. Il faut être extrêmement vigilant.
Léo Ewald : D’autant plus qu’on devait « matcher » avec des plans d’araignées réelles qui sont également dans le film. L’objectif était donc de coller au maximum aux vrais arachnides. Nous avons pris énormément de photos, qui ont été notre base de départ. C’était d’autant plus important que dans le film, les araignées grossissent et que les détails deviennent de plus en plus visibles !
Ces gros plans sur les araignées à une taille impossible dans la réalité, c’était une difficulté supplémentaire pour vous ?
L.E. : À la base, il ne devait pas y avoir de gros plans, mais une séquence a été un peu improvisée sur le tournage. Ce qui nous a forcés à être dans une précision extrême. Nous nous sommes rendu compte que ce qui rend vraiment la créature réaliste, ce sont ses petits poils sur tout le corps.
T.O. : Le souci du réalisme, c’est que tout doit être à 100 %. Pas au-delà, mais pas en dessous non plus. L’échelle de la modélisation, les matériaux, l’animation… Tout doit être parfait. Sans compter l’intégration des objets 3D dans la lumière, qui est absolument capitale. Comme le film est assez sombre, nous avions pour référence un relevé de la lumière avec des photos HDR prises sur le plateau. Ce qui nous permettait ensuite de recréer ces conditions de lumière dans nos logiciels de synthèse, et de recalculer l’objet 3D en fonction.
L.E. : Sur des plans très sombres, il y a un peu de triche pour mieux révéler l’araignée. Mais le fait qu’il y ait des poils sur la créature fait qu’elle se retrouve souvent nappée de lumière.
T.O. : Le réalisateur assumait parfaitement le fait qu’on ne devait pas tout voir. Il savait qu’il fallait aussi cacher des choses pour pouvoir générer la peur chez le spectateur.
Comment avez-vous appréhendé les mouvements des araignées, très erratiques et rapides ?
T.O. : C’était forcément difficile, d’autant que les animateurs avec qui nous collaborons travaillent aussi sur de purs films d’animation, comme ceux d’Illumination. C’est une tout autre façon d’envisager l’animation. Il a fallu un temps d’adaptation et de recherches pour trouver un vocabulaire commun avec le réalisateur sur l’esthétique des poses et des mouvements des araignées. Tout cela a pris un bon mois.
L.E. : Et les choses ont évidemment été peaufinées au fil de la production. Certaines de nos propositions de départ étaient bonnes, d’autres pas. Il fallait comprendre ce que Sébastien voulait réellement à l’écran. Il y a eu au moins trois ou quatre versions.
Vous connaissez la proportion de plans de Vermines où apparaît votre travail ?
T.O. : Nous avons 75 plans d’araignées, ce qui doit représenter environ dix à douze minutes du film.
L.E. : On a parfois assemblé plusieurs plans d’araignées réelles pour les fusionner en un seul. Grâce à ça, nous avons pu créer un effet de foule avec de vrais arachnides. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un travail de 3D mais de composition.
T.O. : À cela s’ajoute une vingtaine de plans avec des VFX divers. Il y a notamment une scène de destruction et pas mal d’effets « généraux » : il a fallu enlever certaines choses qui traînaient dans les plans, augmenter un objet qui n’était pas bien placé au moment du tournage, rendre un peu plus visible un impact de balle dans un genou, générer des étincelles sur une voiture, ajouter des cicatrices et du sang… On a également créé dans une porte un décor numérique qui a servi de raccord, afin que les spectateurs puissent bien comprendre la configuration des lieux. Au total, cela représente plus de 1 000 jours de travail juste pour les araignées, et 1 300 jours en comptant tous les autres effets. En prenant en compte les prestataires qui ont participé à la création des VFX, nous étions une cinquantaine de personnes sur le projet.
Quel a été le plan le plus compliqué à réaliser ?
L.E. : Il est à la fin la bande-annonce : celui où la caméra recule et tourne sur elle-même dans une cave, laissant découvrir des tas d’araignées et de toiles. Toute cette séquence a été travaillée d’un seul coup. On y voit 500 ou 600 araignées qui ne bougent pas, et une centaine d’autres en mouvement, toutes animées à la main. Car il fallait garder un contrôle artistique : si on utilisait les méthodes traditionnelles pour générer de la foule, alors le résultat n’allait plus du tout être le même. Dans ce cas précis, nous avons fait une post-visualisation, qui est en fait une maquette 3D que nous posons sur les plans déjà tournés. Le graphiste y inscrit déjà les premières intentions du réalisateur concernant les positions des araignées, leur taille…
T.O. : Sébastien avait une idée assez précise de ce qu’il voulait, mais il restait toujours à l’écoute de ce qu’on avait à lui proposer et n’était jamais bloqué dans sa vision.
vermines
Réalisation : Sébastien Vaniček
Scénario : Sébastien Vaniček, Florent Bernard
Effets visuels : Mac Guff (superviseurs : Thierry Onillon, Léo Ewald)
Production déléguée : My Box Films
Distribution : Tandem
Sortie en salles le 27 décembre 2023
Soutien du CNC : Aide sélective aux effets visuels numériques