Monsieur Vincent de Maurice Cloche (1949)
L’Oscar du film étranger n’existe alors que depuis un an. Et contrairement à aujourd’hui, il n’est désigné que par les seuls votes des membres du conseil d’administration de l’Académie des Oscars. Pour succéder à Sciuscia de Vittorio de Sica, ceux-ci ont donc plébiscité ce biopic de Vincent de Paul, prêtre du XVIIe siècle canonisé au XVIIIe, après avoir consacré sa vie aux pauvres. Diplômé des Beaux-Arts, Maurice Cloche est passé pour la première fois derrière une caméra en 1936. Et après-guerre, il se consacre essentiellement à des portraits de grandes figures de la charité chrétienne. Pour Monsieur Vincent, il porte à l’écran un scénario co-signé par Jean Anouilh et offre à Pierre Fresnay (primé pour son interprétation à la Mostra de Venise) le plus gros succès de sa carrière avec plus de 7 millions d’entrées. A ses côtés on découvrait à l’écran – dans le rôle d’un tuberculeux - un débutant au cinéma nommé… Michel Bouquet.
Au-delà des grilles de René Clément (1951)
Depuis son premier long métrage, La Bataille du rail, René Clément s’impose comme l’un des cinéastes les plus en vue de l’après-guerre. Et il le confirme avec ce film tourné entre Gênes et Rome, co-écrit par un trio transalpin (Cesare Zavattini, Suso Cecchi d'Amico, Alfredo Guarini) et adapté par un duo français (Jean Aurenche et Pierre Bost, qui venaient de triompher avec Le Diable au corps de Claude Autant-Lara) qui mêle le réalisme poétique français et le néoralisme italien. Jean Gabin en tient le rôle central : le meurtrier de sa maîtresse infidèle qui fuit clandestinement pour l’Italie où il tombe sous le charme d’une serveuse de restaurant (Isa Miranda, primée à Cannes), au grand dam de la très jalouse fille de cette dernière. Cette chronique profondément pessimiste sur la nature humaine vaut à son réalisateur le Prix de la mise en scène sur la Croisette avant de cartonner en salles (2 millions d’entrées) et de remporter l’Oscar du meilleur film étranger. Deux ans avant qu’il ne réalise le doublé avec Jeux interdits.
Les Dimanches de Ville-d’Avray de Serge Bourguignon (1963)
Cette adaptation d’un roman de Bernard Eschasseriaux décrit une amitié amoureuse scandaleuse entre un ancien pilote de guerre, devenu amnésique à la suite d'un accident d'avion en Indochine, et une enfant abandonnée dans un orphelinat religieux. Et quatre ans après Jacques Tati avec Mon oncle, elle permet à Serge Bourguignon d’inscrire son nom dans la prestigieuse liste des lauréats de l’Oscar du film étranger. Exploit d’autant plus remarquable qu’il s’agit là de son tout premier long métrage de fiction et… qu’il n’a failli jamais connaître de sortie dans les salles françaises. Pourtant, sa première mondiale à la Mostra de Venise suscite un enthousiasme général. Il y décroche la Mention Spéciale du Jury et un distributeur américain, pays où la critique s’emballe – « un chef d’œuvre entre Les 400 coups et les films de Renoir » écrit le New York Times – et le public suit. Et voilà que ce film jugé en France trop intello pour le grand public et trop sentimental pour les intellos finit, comme un grand coup de billard à trois bandes, par trouver des salles en France. Et réunir… plus d’1 800 000 entrées.
La Vie devant soi de Moshé Mizrahi (1978)
Les années 70 ont été fructueuses pour les Français au palmarès de l’Oscar du film étranger. Après les victoires du Charme discret de la bourgeoisie et de La Nuit américaine sous nos couleurs et celle d’A nous la victoire de Jean-Jacques Annaud… sous celles de la Côte d’Ivoire, c’est au tour de Moshé Mizrahi de triompher en outsider face aux deux favoris : Cet obscur objet du désir de Bunuel et Une Journée particulière de Scola. Le cinéaste adapte ici le roman éponyme de Romain Gary (publié sous le pseudo d’Emile Ajar), Prix Goncourt 75. Avec comme figure de proue Simone Signoret en ex-prostituée juive rescapée de la déportation qui élève, au cœur de Belleville, les enfants de ses consœurs plus jeunes et se lie d’amitié avec un jeune garçon qui la soutiendra dans la maladie et la dépendance. Ce rôle a valu le seul César de sa carrière à celle qui avait remporté un Oscar en 60 pour Les Chemins de la haute ville.
Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier (1979)
On aurait pu croire la langue et le style de Blier trop français et trop singuliers pour conquérir l’Amérique. A tort puisqu’en 1979, il triomphe bel et bien des Nouveaux Monstres pour l’Oscar du film étranger. Le cinéaste retrouvait son duo gagnant des Valseuses, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans cette histoire bien secouée. Où un homme offre à un inconnu sa femme tombée amoureuse… d’un jeune surdoué de 13 ans. Cette histoire fait écho à l’affaire Gabrielle Russier qui a secoué la France dans les années 70 : cette enseignante qui s’est suicidée après avoir été condamnée à un an de prison pour sa liaison avec un de ses élèves mineurs. Et le politiquement correct n’a donc pas encore pris le pouvoir aux Etats- Unis qui, après la France (plus d’1 300 000 entrées) plébiscitent cette comédie sardonique et décapante. Après l’Oscar, Bertrand Blier recevra plusieurs offres pour tourner outre-Atlantique, notamment de la part de Francis Ford Coppola. Mais le cinéaste n’y donnera pas suite et préfèrera rentrer en France tourner Buffet froid, dont le financement longtemps bloqué a été rendu possible grâce à cet Oscar.