La Guerre d'Espagne au cinéma

La Guerre d'Espagne au cinéma

01 avril 2019
Cinéma
Land and Freedom
Land and Freedom British Screen -DR - TCD
Il y a 80 ans, le 1er avril 1939, s’achevait la Guerre d’Espagne (1936-1939) qui a nourri l’imaginaire des écrivains et des cinéastes. Retour en six films marquants sur ce conflit fratricide.

Le plus immersif - ESPOIR, SIERRA TERUEL (1938)

André Malraux a conçu ce film (son seul et unique) comme une version “live” de son célèbre livre L’Espoir, paru l’année précédente et retraçant de manière romancée son engagement au sein des Brigades Internationales -regroupant des volontaires antifascistes venus du monde entier pour aider le camp des Républicains. Mélange de fiction et de réalité, avec de vrais combattants rejouant ce qu’ils ont vécu peu de temps auparavant, Espoir, Sierra Teruel multiplie les scènes de bravoure comme la descente finale le long d’une montagne, symbole d’une défaite guerrière cruelle mais d’une victoire des idées qui, Malraux en est persuadé, viendront à bout du fascisme. Cela prendra hélas plus de temps que prévu dans une Europe bientôt à feu et à sang…

 

Le plus romanesque - POUR QUI SONNE LE GLAS (1943)

Du roman viril et engagé d’Ernest Hemingway (relatif à son engagement comme journaliste auprès des Républicains, expérience qui le fera croiser Malraux), le réalisateur Sam Wood n’a conservé que les grandes lignes narratives. Un prétexte pour “glamouriser” l’aventurier américain joué par Gary Cooper et son idylle avec une résistante républicaine incarnée avec force trémolos par Ingrid Bergman. Énorme succès mondial lors de sa sortie, il offrira à l’actrice grecque, Katína Paxinoú, (qui joue une gitane, protectrice de l’héroïne), l’Oscar du meilleur second rôle féminin en 1944.

Le plus documenté - MOURIR A MADRID (1963)

Combattant dans la Légion Étrangère pendant la Seconde Guerre mondiale, entré à l’ORTF en 1952 (où il participera à la création de l’émission “Cinq colonnes à la Une”), Frédéric Rossif se spécialise, à partir des années 60, dans le documentaire animalier et d’archives. Mourir à Madrid, sorti en 1963, est sa première œuvre majeure. Grâce à un impressionnant stock d’images venues de l’Europe entière (sauf... d’Espagne, alors franquiste), Rossif parvint, 24 ans après les faits, à rendre compte de l’horreur de la Guerre d’Espagne -qui servit notamment de “laboratoire” aux Allemands, alliés de Franco. Servi par un texte magnifique, dit notamment par Suzanne Flon et Jean Vilar, Mourir à Madrid provoqua la colère du gouvernement espagnol qui tenta d’en empêcher vainement la sortie. Le film obtint le précieux Prix Jean Vigo la même année.

 

Le plus émouvant - L’ESPRIT DE LA RUCHE (1973)

Film sur les conséquences de la guerre civile sur l’imaginaire espagnol, L’esprit de la ruche commence au lendemain de la victoire de Franco, en 1940, dans un village castillan. Là, une petite fille est hantée par les images du classique américain Frankenstein, dans lequel le monstre sympathise avec une enfant. La mort rôde autour d’elle, mais aussi autour de ses proches : sa sœur aînée s’adonne à des farces morbides, sa mère pleure son amant disparu et son père, survivant du franquisme, se réfugie dans la culture des abeilles -d’où le titre. Chef d’œuvre absolu, traversé d’images poétiques inoubliables, L’esprit de la ruche contribuera à faire rentrer l’Espagne en résilience, deux ans avant la mort de Franco. Quant à Victor Erice, dont c’était le premier long métrage, il ne tournera plus que deux films anodins ensuite, comme si toute son énergie créatrice s’était concentrée sur celui-là.

Le plus engagé - LAND AND FREEDOM (1995)

Ce n’est pas le film le plus objectif de la liste. Trotskiste déclaré, Ken Loach y décrit l’affrontement plus ou moins feutré entre les différentes tendances au sein des forces républicaines. Les anarchistes et les trotskistes y sont dépeints comme les forces vives révolutionnaires les plus intègres face aux staliniens, cyniques et pragmatiques. Pas de demi-mesure, donc, mais une volonté affichée de réécrire l’histoire des luttes prolétariennes selon un prisme discutable. Il n’empêche. Land and Freedom, raconté du point d’un vue d’un jeune Anglais idéaliste amené à déchanter, est une œuvre politique sincère.

 

Le plus fantastique - L’ECHINE DU DIABLE (2001)

Nourri des visions réalisto-fantastiques de L’esprit de la ruche, L’échine du Diable est le premier film du diptyque officieux que le réalisateur mexicain Guillermo del Toro a consacré à la guerre civile et au franquisme - l’autre étant Le Labyrinthe de Pan. Située dans un orphelinat a priori à l’abri de la guerre qui fait rage à l’extérieur, l’action se concentre sur la relation entre le jeune Carlos et le fantôme de Santi, un enfant victime d’une bombe, représentation à la fois d’un danger imminent et du risque qu’il y a à grandir -les adultes de l’histoire étant tous égarés. D’un pessimisme et d’une noirceur insondables, L’échine du Diable révèle la part d’ombre d’une humanité minée par les guerres.