Un carnet de bal de Julien Duvivier (1937)
L’histoire : Apres la mort de son mari, une jeune veuve retrouve le carnet de bal de ses seize ans. Elle se demande ce que sont devenus ses soupirants et décide de partir à leur recherche, vingt ans plus tard.
La petite histoire : Marie Bell, alors Sociétaire de la Comédie-Française dans le rôle central, Louis Jouvet, Harry Baur, Fernandel ou encore Raimu dans les rôles écrits sur mesure des ex-prétendants… Avec Un carnet de bal, le réalisateur de La Belle Equipe réunit une distribution flamboyante devant sa caméra comme à l’écriture (Henri Jeanson, Yves Mirande, Jean Sarment, Pierre Wolff , Bernard Zimmer et lui-même) pour ce qui constitue le tout premier film à sketches de l’histoire du cinéma français. Chaque scénariste se voit ici chargé d’un épisode dans cette variation sur cette notion de jeunesse enfuie derrière laquelle il semble vain de vouloir passer sa vie à courir. Car qu’ont fait ces prétendants d’autrefois si ce n’est précisément trahir leurs fiers idéaux de jeunesse ? Récompensé du Prix du meilleur film étranger au Festival de Venise 1937, il fut aussi projeté en 1940 par le Général de Gaulle à ses camarades des Forces Françaises libres à Londres pour fêter le 14 juillet.
L’Insoumise de William Wyler (1938)
L’histoire : Furieuse que son fiancé ait refusé de l’accompagner à l’essayage de sa robe, Julie décide de se rendre dans une tenue écarlate au bal des débutantes, là où toutes les filles à marier sont supposées être entièrement vêtues de blanc. Et, par ce geste, elle provoque la rupture de ses fiançailles.
La petite histoire : L’insoumise, voilà un nom de personnage qui convient à son interprète principale Bette Davis. Dans la foulée de son premier Oscar pour L’Intruse, la comédienne en veut à la Warner qui, à ses yeux, ne lui propose pas les rôles qu’elle mérite. Elle va même jusqu’à leur intenter un procès après une mise à pied de trois mois qui fait suite à ses multiples refus aux propositions du studio. Jack Warner entend alors faire la paix et achète pour elle les droits d’adaptation de la pièce Jezebel. Avec une idée derrière la tête : lui offrir un rôle digne de celui de la Scarlett O’Hara qui venait de lui passer sous le nez. Une autre riche héritière passionnée, capricieuse et déterminée au cœur du Sud des Etats-Unis. Bette Davis dit banco… mais transformer cette pièce en film apparaît comme une gageure sur laquelle nombre de scénaristes vont se casser le nez, jusqu’à ce que William Wyler ne fasse appel à un trentenaire alors quasi inconnu à Hollywood et qu’il loge dans son appartement : John Huston ! Soudain, tout s’éclaire et Jack Warner demande à ses équipes de mettre les bouchées doubles pour couper l’herbe sous le pied d’Autant en emporte le vent. Pari doublement réussi : L’Insoumise sort sur les écrans neuf mois avant le début du tournage d’Autant en emporte le vent et ce portrait de la fin d’un monde qui se meurt, étouffé par ses scléroses, reçoit 2 Oscars, dont… celui de la meilleure actrice pour Bette Davis.
On achève bien les chevaux de Sydney Pollack (1969)
L’histoire : Au début des années 1930, en Californie, les gens se pressent pour participer à l’un de ces nombreux marathons de danse organisés à travers le pays afin de gagner les primes importantes mises en jeu.
La petite histoire : Le bal comme une mise en abyme cruelle d’une société où l’argent devient le centre de tout et fait imploser le vivre ensemble. Tel est le sujet du roman écrit par Horace McCoy en 1935, dans la foulée de la Grande Dépression. Charlie Chaplin, Joseph Losey et François Truffaut ambitionnèrent tour à tour de l’adapter mais sans jamais aller au bout. Jusqu’à ce que, plus de trente ans après sa parution et dans la foulée d’Un château en enfer, Sidney Pollack parvienne à le porter à l’écran avec l’idée de dresser un parallèle entre les dérives américaines des années 30 et celles de la fin des années 60. Il se fait même visionnaire : ce bal en huis clos oppressant, façon jeux du cirque, préfigure à sa manière ce que sera plus tard la télé-réalité façon Loft Story et consorts. Pollack n’était cependant pas le réalisateur prévu pour ce projet. Le scénariste James Poe (La Chatte sur un toit brûlant) entendait en faire son premier film de metteur en scène avec un budget modeste et un casting dépourvu de stars. Mais le projet prit vite une autre ampleur. Exit alors James Poe, place à Bob Fosse qui décline puis donc à Sydney Pollack qui réécrit le scénario de James Poe pour encore gagner en claustrophobie. Devant sa caméra, Warren Beatty et Robert Redford d’un côté, et Julie Christie et Barbra Streisand de l’autre, sont envisagés avant que Michael Sarrazin (Une sacrée fripouille) et Jane Fonda ne remportent la mise. La critique est enthousiaste, On achève bien les chevaux se retrouve neuf fois nommé aux Oscars mais étrangement pas dans la catégorie meilleur film. Et il ne repart qu’avec une seule statuette : Gig Young en second rôle. Donnée ultra-favorite, Jane Fonda doit s’incliner devant la Maggie Smith des Plus belles années de miss Brodie. Son activisme pro-Indiens et des rumeurs sur sa prétendue vie dissolue (drogue, adultère…) lui auraient coûté le prix. Mais l’essentiel est ailleurs : ce film l’impose comme une star internationale. Et elle remportera l’Oscar deux ans plus tard pour Klute.
Le Bal d’Ettore Scola (1983)
L’histoire : Dans une salle de bal, redéfile l'histoire de la France, des années 20 aux années 80, au gré des musiques qui ont rythmé ces décennies : le jazz, le rock'n'roll, le disco…
La petite histoire : C’est en découvrant à Antony Le Bal, la pièce collective du Théâtre du Campagnol dirigé par Jean-Claude Penchenat – et née des improvisations de sa troupe -, qu’Ettore Scola a l’envie immédiate d’en faire un film. Il pense même le tourner à Paris jusqu’à ce qu’un infarctus manque de le terrasser. Rapatrié à Rome, le cinéaste va cependant vite se remettre sur pied et entamer cette adaptation avec l’aide de Jean-Claude Penchenat et en dirigeant les membres de sa troupe dans un long métrage produit par Mohammed Lakhdar- Hamina, le réalisateur palmé de Chronique des années de braise. Deux heures sans dialogue comme un exercice de style où la musique composée par Vladimir Cosma tient évidemment un rôle central. Cette BO apportera au Bal l’un de ses trois César avec ceux du meilleur réalisateur et du meilleur film, ex-aequo avec A nos amours de Maurice Pialat. Des prix qui s’ajoutent à celui de la meilleure réalisation, reçu par l’Italien à la Berlinale en 1984.
Le Grand bal de Laetitia Carton (2018)
L’histoire : Une plongée dans le Grand Bal de l'Europe, qui attire chaque été, pendant sept jours et huit nuits, plusieurs milliers de participants à Gennetines, dans l’Allier.
La petite histoire : C’est en se rendant elle-même régulièrement à ce Grand Bal de l’Europe depuis 2003 que Laetitia Carton a vite acquis la certitude qu’il y avait dans ce rendez-vous annuel matière à documentaire. A un gros détail près : les caméras n’y sont a priori pas les bienvenues pour protéger un espace qu’elle-même n’a pas non plus envie d’abîmer. Mais voilà qu’en 2015, les organisateurs du Grand Bal autorisent une équipe de journalistes à filmer. La cinéaste, présente aussi cette année-là, constate que la caméra est parfaitement acceptée et, avec l’accord du créateur de l’événement Bernard Coclet, décide de faire de son rêve une réalité. L’année suivante, elle saura se faire aussi discrète que persuasive puisque sur les deux mille cinq cents présents, seuls onze refuseront d’être filmés. Elle convainc aussi la chanteuse Camille, son amie qui a elle-même participé au Grand Bal à plusieurs reprises, de signer la chanson du générique. Une fois terminé, Le Grand bal décroche une sélection au Festival de Cannes où il est projeté dans le cadre du Cinéma de la plage. Une séance suivie… d’un vrai bal réunissant des centaines d’habitués du Grand bal venus des quatre coins de l’Europe.