La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman (1975)
Après l’enlèvement de Pamina, la fille de la Reine de la nuit, le prince Tamino part à sa recherche, protégé par deux talismans offerts par la reine : un carillon magique et une flûte enchantée… Créé en 1791 à Vienne, cet opéra de Mozart connaît sa toute première adaptation sur grand écran grâce à Ingmar Bergman qui vient de terminer Scènes de la vie conjugale. Pas moins de deux ans de préparation et neuf mois de tournage seront nécessaires pour mener ce projet à son terme dans le cadre du théâtre de Drottningholm, édifice suédois du XVIIe siècle. Entièrement chanté en suédois, ce film constitue un véritable aboutissement pour Bergman qui, dès son enfance, s’amusait à monter La Flûte enchantée avec ses sœurs et ses amis sur la scène de leur théâtre de poupées. En 1965, il aurait dû la mettre en scène pour l’Opéra de Hambourg, mais y renonça pour des raisons de santé. Aussi, quand, dix ans plus tard, Sveriges Radio (l’équivalent de Radio France en Suède) lança cette idée d’adaptation pour une diffusion à la télévision le 1er janvier 1975, Bergman sauta sur l’occasion en choisissant comme interprètes des comédiens jeunes – proches de l’âge des rôles – aussi à l’aise dans le jeu que dans le chant. La musique fut, elle, enregistrée en amont du tournage, par l’orchestre de la radio publique suédoise. Le film obtint une nomination au premier César du film étranger où il fut battu par Parfum de femme de Dino Risi. Trente et un ans plus tard, Kenneth Branagh en proposa sa version en langue anglaise.
Don Giovanni de Joseph Losey (1979)
Coureur de jupons infidèle, Don Giovanni essaie de séduire la belle Anna. Mais le père de la jeune femme les surprend et provoque le séducteur dans un duel où il va perdre la vie. Anna va alors tout faire pour se venger… Créé à Prague en 1787, cet opéra de Mozart est considéré comme celui qui a eu le plus d’influence sur les compositeurs romantiques. Le film de Joseph Losey est de son côté l’occasion d’une triple première : première adaptation de Don Giovanni sur grand écran ; première incursion dans le domaine de l’opéra pour Losey qui s’attaquera dans la foulée à Boris Godounov (pour la télévision) ; et premier film d’opéra produit par Daniel Toscan du Plantier (alors directeur général de Gaumont). Celui-ci initiera par la suite Carmen de Francesco Rosi, La Bohême de Luigi Commencini, Madame Butterfly de Frédéric Mitterrand et Tosca de Benoît Jacquot. Mais l’idée d’adapter Don Giovanni au cinéma ne naît ni du cinéaste ni du producteur. On la doit à Rolf Liebermann, compositeur, chef d’orchestre et directeur de l’Opéra de Paris. Daniel Toscan du Plantier reprend la balle au bond en souhaitant aller au-delà d’une simple captation, tandis que Liebermann coécrit le scénario. Patrice Chéreau, qui fait de la mise en scène d’opéra depuis dix ans, et vient de tourner son deuxième long métrage Judith Therpauve, est le premier réalisateur envisagé pour le réaliser mais il décline, ne s’estimant pas capable de mener à son terme un tel projet. Le réalisateur de Monsieur Klein prend alors le relais. Ruggero Raimondi reprend le rôle-titre qu’il tenait déjà sur scène. La bande-son est enregistrée à la cathédrale Notre-Dame-du-Liban à Paris avec les chœurs de l’Opéra de Paris dirigés par Lorin Maazel. Et le tournage se déroule en Vénétie où les arias sont jouées en play-back, mais tous les récitatifs et les parties au clavecin interprétés sur le plateau. D’une durée de 3 heures, Don Giovanni réunit plus d’un million de spectateurs et décroche deux César, pour le montage de Reginald Beck et les décors d’Alexandre Trauner.
Parsifal de Hans-Jürgen Syberberg (1982)
Écarté de l’ordre des chevaliers, Klingsor blesse le roi Amfortas à l’aide de la lance sacrée du Graal. Le jeune Parsifal, innocent et fougueux, part à la recherche de l’objet sacré, qui, seul, peut sauver le souverain… Créé en 1888 lors du Festival de Bayreuth, Parsifal est le dernier opéra composé par Richard Wagner. Thomas Edison avait été le premier à s’en emparer en 1904 à travers un film projeté dans son théâtre-roulotte, avec un récitant et des chœurs placés derrière l’écran. Soixante-dix-huit ans plus tard, l’Allemand Hans-Jürgen Syberberg s’y emploie à son tour, comme une apothéose de son travail autour de l’œuvre et de la figure de Wagner qui avait déjà donné lieu à trois films : Ludwig, requiem pour un roi vierge (1972), le documentaire Winifred Wagner und die Geschichte des Hauses Wahnfried (1975) et Hitler : un film d’Allemagne (1977). Mais les héritiers de Wagner vont lui mettre des bâtons dans les roues : mécontents de son Winifred Wagner, ils lui refusent l’autorisation d’utiliser le moindre enregistrement de Parsifal. Syberberg le réengistre donc spécialement pour son film qu’il tourne ensuite entièrement en studio à Munich en seulement trente-cinq jours. Œuvre monumentale de 4 h 40, Parsifal fut sélectionné hors compétition au Festival de Cannes 1982.
Carmen de Francesco Rosi (1984)
À Séville, Carmen séduit le brigadier Don José, qui déserte pour la rejoindre avant qu’il ne découvre, à son grand désespoir, qu’elle s’est éprise d’un torero, Escamillo… Créé en 1875 à l’Opéra Comique de Paris, le Carmen de Georges Bizet est l’un des opéras français les plus joués mais aussi les plus adaptés de tous les temps. Au cinéma, à partir de 1909, Cecil B. de Mille, Raoul Walsh, Christian-Jaque, Carlos Saura et tant d’autres s’y sont employés. Mais le réalisateur de Main basse sur la ville propose ici de l’inédit : la première version sur grand écran de Carmen mêlant numéros musicaux et répliques parlées. Entièrement tourné en décors naturels sur les lieux mêmes de l’action en Espagne, le Carmen de Rosi réunit le trio Placido Domingo, Ruggero Raimondi et Julia Migenes Johnson que ce film va propulser au rang de star. Daniel Toscan du Plantier a su réunir un budget imposant pour ce qui constituera un vrai succès public (plus de 2 millions d’entrées en France) avant de crouler sous les récompenses : un César du son, un prix du meilleur film étranger aux Bafta Awards et six David Di Donatello (film, réalisateur, photographie, montage, décors et costumes).
Indes galantes de Philippe Béziat (2021)
Des répétitions aux représentations publiques, l’aventure de la création du spectacle où le metteur en scène Clément Cogitore et le chorégraphe Bintou Dembélé réinventent Les Indes galantes à l’Opéra Bastille en mêlant artistes lyriques et 30 danseurs de hip-hop, krump, break, voguing… Premier des six opéras-ballets de Philippe Rameau, Les Indes galantes a été créé en 1735. En 2017, quand Philippe Béziat apprend que Clément Cogitore s’apprête à le monter à l’Opéra Bastille, il décide de suivre cette aventure avec sa caméra, poursuivant ainsi un travail entamé avec Pelléas et Mélisande, le chant des aveugles (2008) et Traviata et nous (2012). Le tournage de ce documentaire s’étale sur deux ans – d’octobre 2017 à octobre 2019 – avec comme fil conducteur les danseurs de hip-hop, de voguing et de krump que Cogitore a choisi d’entraîner dans ce projet comme un choc de deux mondes a priori aux antipodes mais parfaitement complémentaires. Bézieux filme les répétitions, la générale, la première… en y incorporant les vidéos filmées par les danseurs eux-mêmes pour leurs réseaux sociaux. Le premier montage de 6 h 40 s’affinera au fil des neuf mois de montage. Prévu pour une sortie en novembre dernier, Indes galantes devrait trouver le chemin des salles dès leur réouverture.