Les Amants de Vérone (1949)
Sur le tournage d’une adaptation de Roméo et Juliette, Angelo, jeune souffleur de verre, et Georgia, la fille d’un magistrat fasciste, se rencontrent et tombent amoureux. Mais, comme dans la pièce de Shakespeare, Georgia a été promise à un homme plus fortuné, Raffaele, qui soutient financièrement sa famille… Avant de devenir spécialiste des sujets judiciaires, André Cayatte, avec la complicité de Jacques Prévert, modernise la tragédie de Shakespeare dans un film très influencé par le réalisme poétique et sublimé par la photo d’Henri Alekan. Les amoureux sont des innocents, victimes de la noirceur de leur entourage, et l’intrigue, épurée, est d’une force intemporelle. La beauté juvénile d’Anouk Aimée et de Serge Reggiani accentue le classicisme de ce film puissamment romantique.
Nous sommes tous des assassins (1952)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le jeune René Le Guen (Mouloudji) est un tueur aux ordres de la Résistance. La guerre finie, cette machine à tuer ne peut plus s’arrêter… Capturé par la police, il est condamné à mort et croise trois autres criminels en attente de leur exécution. Au début des années 50, Cayatte travaille sur une adaptation de l’affaire Seznec que, pour des raisons légales, il ne parviendra jamais à réaliser. Il se rabat alors sur cette autre affaire criminelle. La question centrale du film est simple : la peine capitale est-elle vraiment un moyen de lutter contre la délinquance ? Les quatre meurtriers ont tué par passion, folie ou sens de l’honneur et s’il est bien coupable, Le Guen n’a jamais vraiment eu conscience de ses actes. Le film relancera un débat de société virulent (sur la peine capitale) et obtiendra le Prix spécial du Jury au Festival de Cannes en 1952.
Œil pour œil (1957)
A Beyrouth, un médecin refuse de recevoir un homme dont la femme est malade. Le lendemain, il apprend qu'elle est morte à l'hôpital. Les événements bizarres vont se multiplier. Le téléphone sonne sans que personne ne parle, et on se met à le suivre la nuit... Pour Cayatte, Œil pour Œil est un tournant. Fini les films d’affaires criminelles, le cinéaste adapte un roman de Vahé Katcha (auquel Julien Duvivier et Luis Buñuel s’étaient également intéressés), délaisse le plaidoyer et filme pour la première fois en couleurs. Ce drame de la vengeance, tourné au Liban, est une œuvre expérimentale en forme d’errance, un road movie romanesque qui analyse les mécanismes du remords et de la vengeance tout en créant un climat de peur et d’angoisse autour de la figure du médecin. Dans le rôle principal, l’acteur autrichien Curd Jürgens impose son jeu nuancé et subtil.
Le Passage du Rhin (1960)
Pendant la Seconde Guerre mondiale on suit le parcours de deux Français aux tempéraments opposés. Le premier est un journaliste qui se bat pour défendre la liberté. L’autre, un boulanger-pâtissier mobilisé, mais indifférent au désordre du monde. Tous les deux sont faits prisonniers et envoyés dans une ferme allemande. Le film reçoit le Lion d’or de Venise en 1960 mais déclenche un scandale à sa sortie : Cayatte retournait l’image classique du héros, montrait la guerre du point de vue allemand et racontait la collaboration ordinaire. Et si Le Passage du Rhin a été critiqué pour son « propos discutable », on (re)découvre aujourd’hui sa modernité et sa profonde humanité. Dans le rôle du boulanger modeste qui veut choisir sa vie, Charles Aznavour se révèle étonnant de justesse. Avec Tirez sur le Pianiste ce film contribua à montrer ses profondes qualités d’acteur.
Les Risques du métier (1967)
Quelques mois après avoir fait ses adieux à la scène et donné ses ultimes tours de chant, Jacques Brel tient le rôle principal de ce film choc. Il incarne un instituteur apprécié dans son village de Normandie, qui se retrouve accusé de pédophilie par une de ses élèves. Inspiré de plusieurs faits divers, le film est caractéristique de la méthode Cayatte avec un personnage central pris dans l'engrenage de la machine judiciaire. Le récit au présent raconte le soupçon qui va submerger le village et déclencher la folie du groupe tandis que la réalité des faits apparaît en flash-backs. Car loin du film à thèse austère, le cinéaste multiplie les idées de mise en scène (Les Risques du métier est par exemple en couleurs car Cayatte voulait utiliser le bleu des yeux des enfants : « sans la couleur je n'aurais pas fait le film ; cette couleur apporte une impression de vérité, de candeur, de pureté » expliquait-il à la sortie du film). Un an avant 1968, Les Risques du métier témoigne surtout de la sensibilité aigüe du cinéaste aux problèmes de son époque, ici le malaise dans l’Education.
Mourir d’aimer (1971)
Bien qu'André Cayatte ait jugé préférable de brouiller les pistes en modifiant les noms propres et le lieu de l'action (on passe de Marseille à Rouen), le film adapte un fait divers et raconte l’histoire aussi vraie que tragique de Gabrielle Russier, professeur de lycée qui tomba amoureuse d'un de ses élèves. Accusée de détournement de mineur, jetée en prison et soumise à différentes pressions, Russier finit par se suicider. De ce drame, Cayatte tire un film bouleversant, un mélo indigné laissant le spectateur révolté par la machination dont il est témoin. La pureté d’Annie Girardot, l’innocence de Bruno Pradal qui incarne l’élève, exacerbent cette aventure amoureuse qui reste l’un des plus grands succès de la décennie (6 millions de spectateurs) et l’un des films les plus déchirants de la filmographie d’André Cayatte.