Six films méconnus d’Alfred Hitchcock

Six films méconnus d’Alfred Hitchcock

03 mai 2021
Cinéma
Chantage
Chantage BIP - DR - TCD
Il y a un peu plus de 40 ans, le 29 avril 1980, disparaissait Alfred Hitchcock, après une carrière longue de près de soixante ans et riche de plus de cinquante films. On croit connaître son œuvre par cœur et pourtant, celle-ci recèle encore bien des secrets. La preuve avec cette sélection de six longs métrages méconnus signés « Hitch ».

Le Jardin du plaisirThe (Pleasure Garden, 1925)

C’est le tout premier film du réal isateur, alors âgé de seulement 26 ans. Ancien dessinateur d’intertitres devenu chef décorateur, Alfred Hitchcock se « fait la main » avec ce portrait de deux danseuses d’un cabaret londonien (le « Jardin du plaisir » du titre), qui inaugure la première période de son œuvre, que même ses admirateurs les plus fervents confessent parfois mal connaître. Tournés entre 1926 et 1929, ces films – The Mountain Eagle (mélodrame montagnard), Le passé ne meurt pas (Easy Virtue, d’après une pièce de Noël Coward) ou encore Le Masque de cuir (The Ring, sur deux boxeurs se disputant l’amour d’une femme), restent pour l’essentiel assez obscurs. Le titre le plus célèbre de cette période, Les Cheveux d’or (The Lodger, 1927), est celui où le jeune Hitchcock explore pour la première fois les thèmes et motifs qui feront sa gloire (le genre criminel, le faux coupable), couplés à une inventivité technique époustouflante.

 

 

Chantage(Blackmail, 1929)

C’est le premier film sonore de l’histoire du cinéma britannique. Chantage fut exploité en salle dans deux versions différentes, l’une muette, l’autre parlante, comme c’était souvent le cas à la fin des années 20, alors que tous les cinémas n’étaient pas encore équipés des dernières innovations techniques. Cette histoire rocambolesque autour d’un policier victime d’un maître-chanteur (le policier a fait disparaître les pièces à conviction compromettant sa fiancée qui a tué avec un couteau de cuisine l’homme qui essayait de la violer) est adaptée d’une pièce de Charles Bennett, qui deviendra le scénariste attitré d’Hitchcock à la fin des années 30, écrivant notamment l’emblématique Les 39 Marches. Le réalisateur y peaufine son art du suspense et de la mise en scène des situations les plus macabres. Une scène spectaculaire tournée au British Museum inaugure une longue tradition hitchcockienne de « climax » situés dans des lieux monumentaux, du Royal Albert Hall de L’Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much, 1956) au Mont Rushmore de La Mort aux Trousses (North by Northwest, 1959). A noter que Chantage fut coécrit par le jeune Michael Powell, futur géant du cinéma britannique (Colonel Blimp, Les Chaussons Rouges, Le Voyeur…).

 

 

Mary (1931)

Un juré, qui a jugé coupable une femme accusée de meurtre, est soudain pris de remords et décide de mener l’enquête, avant que la sentence de mort ne soit exécutée… Si vous êtes un amateur du cinéma d’Alfred Hitchcock et que ce résumé vous rappelle quelque chose, c’est normal : Mary est la version allemande de Meurtre (Murder !, 1930), du même Alfred Hitchcock. Il était en effet fréquent à l’époque que deux versions d’un même film soient tournées simultanément, dans des décors identiques mais dans des langues et avec des acteurs différents, pour ensuite être exploitées sur plusieurs territoires (L’Ange bleu est un exemple célèbre de film tourné simultanément en anglais et en allemand). Longtemps invisible, Mary a été proposé dans les années 2000 comme bonus DVD de Meurtre.

 

 

A l’est de Shanghaï(Rich and Strange, 1931)

A l’est de Shanghaï est un film méconnu, qui n’obtint pas un grand succès en salles, mais auquel Hitchcock était très attaché. En surface, cette histoire d’un couple en voyage à qui il arrive plein d’aventures extravagantes (naufrage, rencontre avec une fausse princesse d’Europe centrale, etc.) ne présente que peu d’éléments « hitchcockiens ». Pourtant, les études de la conjugalité, tour à tour tendres et cruelles, seront l’une des spécialités de l’œuvre future du cinéaste, de Soupçons (Suspicion, 1941) à Fenêtre sur Cour (Rear Window, 1954). Et l’idée d’un homme et d’une femme en goguette autour du monde résonnait de façon très intime chez un cinéaste qui chérissait, dans les années 30, ses vacances en compagnie de sa femme Alma.

 

 

La Taverne de la Jamaïque(Jamaica Inn, 1939)

Fin des années 30 : Alfred Hitchcock vient d’enchaîner une époustouflante série de films qui lui a permis d’imposer définitivement sa griffe auprès du public : L’homme qui en savait trop, Les 39 Marches, Jeune et Innocent, Une Femme disparaît… Avant de partir aux Etats-Unis travailler avec le producteur David O. Selznick, il tourne ce long métrage atypique, coproduit par sa vedette Charles Laughton : une histoire à la Robert Louis Stevenson autour d’une bande de naufrageurs sur les côtes de Cornouailles. Aujourd’hui totalement oublié, La Taverne de la Jamaïque fut néanmoins l’occasion pour le cinéaste de se familiariser avec l’œuvre de Daphné du Maurier, qu’il adaptera à nouveau dans Rebecca et Les Oiseaux.

 

 

M. et Mme Smith / Joies matrimoniales(Mr and Mrs Smith, 1941)

C’est sans doute le moins cité et le moins célébré des longs métrages tournés par Alfred Hitchcock aux Etats-Unis. Alors fraîchement débarqué de son Angleterre natale, le cinéaste signe là une "screwball comedy" dans la lignée de Howard Hawks, Preston Sturges ou George Cukor, autour d’un couple qui réapprend à se séduire. Même si la grande Carole Lombard (l’actrice de To be or not to be d' Ernst Lubitsch, qui mourra l’année suivante dans un accident d’avion) mène la danse avec énergie, il faut reconnaître qu'Hitchcock n’est pas très à l’aise avec le genre – il avouera plus tard à François Truffaut avoir réalisé le film sans beaucoup d’implication. Après ce film, « Hitch » se consacrera exclusivement au crime et au suspense.