3e scène : la plateforme de l’Opéra de Paris à la croisée des arts

3e scène : la plateforme de l’Opéra de Paris à la croisée des arts

06 décembre 2018
Création numérique
L’Entretien d’Ugo Bienvenu et Félix De Givry
"L’Entretien" d’Ugo Bienvenu et Félix De Givry OnP / Les Films Pelléas

3e scène, la plateforme numérique de l’Opéra de Paris dédiée à la création, jette un pont entre l’opéra et les autres formes artistiques. Philippe Martin, son directeur, nous la fait découvrir.


Quel rapport y a-t-il entre les réalisateurs Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Cemetery of Splendour) et Bertrand Bonello (L’Apollonide : Souvenir de la maison close, Saint Laurent), les acteurs-réalisateurs Mathieu Amalric (Tournée, Barbara), Valérie Donzelli (La Guerre est déclarée) et Fanny Ardant (Le Divan de Staline), les écrivains Éric Reinhardt (Cendrillon, L’Amour et les forêts) et Bret Easton Ellis (American Psycho), l’animateur-illustrateur Glen Keane (La Petite Sirène, Aladdin, Pocahontas, Tarzan), le chorégraphe Benjamin Millepied et le rappeur Abd Al Malik ? Ils ont tous participé à 3e scène !

Plateforme numérique de l’Opéra de Paris créée en 2015, à l’arrivée de Stéphane Lissner à la direction, 3e scène est un projet unique qui convoque tous les arts. « L’idée est d’inviter des artistes que l’Opéra de Paris n’invite a priori pas, afin de créer des œuvres à destination d’un public qui ne fréquente pas l’opéra », explique Philippe Martin, le directeur de la plateforme. « Il s’agit d’ouvrir le monde de l’opéra à une famille d’artistes et à un public qui n’ont aucun lien avec lui. »

La plateforme propose à des artistes venant d’horizons divers - cinéma, art contemporain, danse, musique, littérature, etc. - de réaliser des vidéos et des courts métrages dont la seule contrainte est d’« avoir un rapport, proche ou lointain, avec l’univers de l’opéra et ses formes d’expression, comme la danse, le chant et la musique », précise Philippe Martin. De la fiction (Médée, De longs discours dans vos cheveux) au documentaire (De la joie dans ce combat, Ne me regarde pas), en passant par l’animation (Nephtali, Vibrato), l’art contemporain (Metamorphosis, Blue) et la performance (Les Indes galantes, Alignigung, Patterns of life), toutes les formes artistiques sont les bienvenues.

Une plateforme gratuite

Passionné par l’art, Philippe Martin, directeur de la société de production Les Films Pelléas, n’a pas hésité à prendre la direction de la plateforme en septembre 2016. « Je me suis toujours intéressé au rapport entre musique et images, confie-t-il. J’ai produit plusieurs documentaires musicaux, notamment sur la mise en scène de Pelléas et Mélisande par Olivier Py à Moscou (Pelléas et Mélisande : le chant des aveugles) et celle de la Traviata par Jean-François Sivadier à Aix-en-Provence (Traviata et nous), ainsi que deux autres sur les coulisses de l’Opéra de Paris (L’Opéra de Jean-Stéphane Bron) et le compositeur Henri Dutilleux (Ainsi la nuit, un portrait d’Henri Dutilleux). L’idée m’a plu, c’était l’occasion de conduire des expériences de création que je n’avais pas l’occasion de mener dans mon travail de producteur de longs métrages. »

Gratuite et accessible dans le monde entier, la plateforme proposée par 3ème scène est unique en son genre. « Il y a quelque chose de très noble dans cette plateforme, où toutes les formes d’expression se rencontrent - ce que peu de lieux permettent. Il s’agit de faire quelque chose qui soit à la fois ambitieux et accessible pour tout le monde, explique Philippe Martin. J’ai été séduit par ce projet réalisable qui touchait à l’éducation artistique et la démocratisation de la culture. » Et ça marche ! La plupart des films sont non seulement vus par des personnes n’ayant pas de lien avec l’opéra mais, plus encore, ils sont vus dans leur intégralité une fois sur deux, « ce qui pour internet est tout à fait exceptionnel », précise Philippe Martin.

Pour que chaque film crée la surprise

Loin de se limiter à l’art lyrique ou au ballet classique, 3ème scène propose une grande diversité de vidéos, pour tous les goûts et tous les publics. « Nous essayons de faire à chaque fois des choses très variées, afin que chaque film crée la surprise », indique Philippe Martin. Il n’y a en effet pas grand-chose à voir entre la dispute mère-fils de Nathalie Baye et Vincent Dedienne (Médée), des danseurs urbains qui improvisent une chorégraphie sur du Rameau (Les Indes galantes) ou les images mystérieuses d’Apichatpong Weerasethakul (Blue). « Nous n’essayons pas d’être tout le temps arty et pointu, ou tout le temps accessible et populaire. Cela dépend de la direction dans laquelle chacun des artistes veut nous emmener. »

Certains des projets de 3ème scène débouchent parfois même sur de fructueuses collaborations avec l’Opéra de Paris. Clément Cogitore, à qui l’on doit la vidéo Les Indes galantes, mettra en scène l’opéra-ballet de Rameau en septembre 2019. Le plasticien Claude Lévêque réalisera quant à lui deux installations pour célébrer l’anniversaire de Garnier et Bastille, qui vont fêter respectivement leurs 150 et 30 ans.

Nouvelle vitrine numérique de l’Opéra de Paris, 3ème scène offre aux artistes d’aujourd’hui la possibilité de s’emparer d’une tradition centenaire tout en permettant à un nouveau public de découvrir l’une des institutions les plus prestigieuses de Paris.