Dans quelle optique avez-vous fondé Floréal Films ?
J’ai été chargé de production, chez Orange Studio entre autres, et j’ai toujours eu la volonté d’accompagner des artistes dans l’accomplissement d’une envie, d’une idée ou d’un rêve. Je souhaite toujours que cette idée devienne quelque chose de plus fort et de plus grand que ce qu’ils avaient imaginé grâce à des moyens ou des réflexions que nous leur apportons. Nous voulons offrir l’excellence, pour amener les projets vers quelque chose de très ambitieux. Un peu comme de la haute couture ! J’ai pour boussoles, des sociétés de production indépendantes comme Annapurna Pictures ou A24 Films. Je considère aussi Claude Berri comme un mentor. J’ai, au départ, fondé ma société pour développer des courts métrages.
Pourquoi Floréal ?
Ça veut dire beaucoup de choses. Le Floréal était un cinéma à Belleville qui a été détruit à la fin des années 1960. C’est le quartier où j’ai grandi, où j’ai vécu. Dans les années 60, il y avait dans ce quartier plus de cinémas que n’importe où ailleurs dans Paris. Floréal, c’est aussi le mois de création de ma société dans le calendrier révolutionnaire. Elle a été créée en Floréal 2014 ! C’est aussi un symbole pour faire éclore des artistes.
Pourquoi avez-vous opéré une diversification vers la VR ?
Par une rencontre… La première fois que j’ai visionné un contenu VR avec un casque, ça m’a fasciné ; je me suis dit que cela répondait à l’objectif de tout réalisateur qui est de faire entrer le spectateur dans son monde, dans son univers. La réalité virtuelle permet de connecter directement le spectateur avec la proposition artistique qui lui est faite. C’est le médium idéal. En 2017, j’ai produit Sergent James d’Alexandre Perez. Depuis 2018, Katayoun Dibamehr, programmatrice au Festival du nouveau cinéma de Montréal, m’a rejoint dans la société pour pousser la production des œuvres immersives beaucoup plus loin.
Comment fonctionnez-vous ?
Aujourd’hui, Floréal propose aux artistes de les accompagner aussi bien sur des nouveaux médias que sur le cinéma. Et parfois nous fusionnons tout ! Notre désir est de rencontrer et de soutenir des artistes que l’on n’a pas l’habitude de croiser. J’aime avoir un premier contact avec l’artiste très en amont. Quand j’ai lu le scénario, j’ai le sentiment que c’est déjà trop tard. Notre façon de travailler c’est d’aller au-devant des créateurs - soit parce qu’on a vu un précédent projet, soit parce qu’on a été séduits par une rencontre dans un marché. On cherche des regards forts et on veut soutenir l’artiste en respectant son ADN.
Comment avez-vous élaboré le projet The Hangman at Home primé à la 77e Mostra de Venise ?
Katayoun Dibamehr avait programmé Nothing Happens, la précédente œuvre de Michelle et Uri Kranot au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Ils avaient déjà en tête un projet beaucoup plus ambitieux autour d’un poème de Carl Sandburg - The Hangman at Home - daté de 1922, sur la vie d’un bourreau. A quoi un bourreau pense-t-il quand il rentre chez lui après une dure journée de travail ? C’est à travers une expérience animée interactive que les réalisateurs essayent de dessiner une réponse. Leur œuvre se décline en trois parties : une œuvre en VR pour un utilisateur - présentée au Festival de Venise -, une œuvre VR multi-utilisateurs pour 4 spectateurs minimum intitulée We are at Home, et un court métrage d’animation traditionnel.
Parlez-nous de la genèse de Minimum Mass dont le sujet - la fausse couche - est très peu abordé au cinéma, et encore moins en animation.
Le projet est né de l’expérience personnelle du couple de réalisateurs, Raqi Syed et Areito Echevarria, des animateurs qui travaillaient en Nouvelle-Zélande pour WETA, une des plus grosses sociétés d’effets digitaux au monde. Ils ont été sélectionnés pour participer au Lab du Sundance Institute. Puis ils ont développé le film en partenariat avec l’Université de Victoria à Wellington où ils enseignent les effets numériques. Katayoun Dibamehr les a repérés à Los Angeles, au DevLab, un incubateur de projets VR. C’est une histoire sur le deuil et l’amour qui nous a touchés. L’immersion nous permet d’entrer dans le fantasme psychologique des parents qui n’arrivent pas à avoir d’enfants et qui pensent que leurs enfants sont dans des mondes parallèles, dans des trous noirs... Le film a été sélectionné à Tribeca, à Annecy - où il a remporté le Cristal de la meilleure œuvre en réalité virtuelle -, et au Festival de Venise.
Comment travaillez-vous du côté de la fiction traditionnelle ?
Nous avons plusieurs longs et courts métrages en développement. Nous accompagnons des jeunes cinéastes qui font leurs premières œuvres en fiction en fusionnant les talents. Par exemple, Gaëtan Vassart est accompagné pour son premier film, Cécile et l’épicier, par Jean-Claude Carrière. Après six documentaires très remarqués, Renaud Barret passe à la fiction. Il sera épaulé sur La Nouvelle Jérusalem par Boris Lojkine (Camille) qui en est à son deuxième long métrage de fiction. Anissa Allali coécrit son premier court métrage, Ya Benti, avec Clémence Madeleine-Perdrillat, scénariste confirmée. On essaye en permanence d’agréger les talents. Faire un film, c’est un travail d’équipe avant tout.
Comment équilibrez-vous vos productions entre VR et non VR ?
Nous n’avons pas de préférences. Aujourd’hui, on nous parle beaucoup de la VR parce que nous avons ces œuvres qui ont été présentées au Festival de Venise. Mais on veut surtout ne pas s’enfermer dans un médium. La VR et le cinéma « traditionnel » se fortifient, se complètent. La force de notre société est de pouvoir suivre des nouveaux systèmes de production et de diffusion dans les années qui arrivent.