Qu’est-ce que l’animation interactive ?

Qu’est-ce que l’animation interactive ?

14 juin 2019
Création numérique
Asteroids
Asteroids Baobab Studios
Il a co-réalisé FourmiZ et trois Madagascar pour DreamWorks, avant de partir en 2015 fonder Baobab Studios, une société spécialisée dans les courts métrages animés en réalité virtuelle. Au Festival d'Annecy, Eric Darnell donnait une conférence au titre évocateur : « VOUS rendre important : ouvrir la voie à l'animation interactive ». Mais au fait, en quoi consiste l’animation interactive ?

Quelle serait votre définition de l'animation interactive ?

Elle peut prendre de nombreuses de formes. En ce moment, il y a beaucoup de choses intéressantes sur les plateformes de streaming, avec des séries animées qui permettent de faire un choix entre plusieurs embranchements du scénario. On est donc impliqué directement. Mais chez Baobab Studios, nous allons encore plus loin, puisque l'idée est de mettre le spectateur au cœur de l'histoire. La réalité virtuelle est par nature immersive, mais ce qui nous intéresse est de pousser le curseur encore plus loin de façon à vous immerger totalement dans une relation avec un personnage. Par exemple dans notre dernière expérience interactive, Bonfire, on rencontre un personnage qu'on doit apprendre à connaître, avec qui il faut créer des liens. C'est un peu comme quand vous voulez donner à manger à un écureuil dans un parc : au début il reste très loin, et au fur et à mesure il s'approche ! Le fantasme ultime étant qu'il finisse par se mettre sur vos genoux et qu'il mange directement dans votre main (Rires.) C'est ce genre de relation qu'on recherche à travers l'interactivité. Les personnages peuvent réagir à ce que vous faites, ce qui donne l'impression d'avoir de l'importance au sein de cet univers.

 

Le but est donc d'imiter la vie et les interactions sociales ?

Exactement. Et comme tout se déroule en temps réel, les personnages peuvent vous suivre avec leurs yeux, comme si vous aviez de l'intérêt pour eux. La réalité virtuelle traditionnelle est déjà très impressionnante en soi, parce qu'on peut regarder à 360 degrés. Mais en ajoutant des personnages qui semblent s'intéresser à vous et avec qui vous pouvez interagir, vous ne doutez plus une seconde de l'univers virtuel qui vous entoure.

Quels outils narratifs utilisez-vous ?

Chaque interaction est une petite histoire en soi. Et comme toutes les histoires, il faut un début, un milieu et une fin. Concrètement, il faut faire comprendre au spectateur qu'une action est possible, qu'il l'effectue et qu'il se passe quelque chose en conséquence. A nous ensuite de bien choisir ce que seront ces actions pour faire passer des émotions. Par ailleurs, grâce aux capteurs, on sait ce que vous faites avec vos mains et votre tête. Des choses sont déjà en développement pour savoir comment bouge votre corps, ce qui permettra d'aller encore plus loin dans l'expérience. C’est d'autant plus intéressant que dans la vraie vie, on communique certes verbalement mais aussi beaucoup par des gestes, des attitudes.

Comme la technologie ne cesse d'évoluer, diriez-vous que vous êtes encore en phase de test ?

Disons que tout ce qu'on fait est une expérience. On fait des hypothèses, on les teste et si ça ne marche pas on s'ajuste. Contrairement à un jeu vidéo, on n'a pas plusieurs heures pour faire comprendre les mécanismes d'interaction. Chaque expérience que nous développons dure environ vingt minutes.

D'ailleurs, quelle est la différence entre l'animation interactive et un jeu vidéo en réalité virtuelle ?

Dans les jeux vidéo, du moins pour la plupart d'entre eux, la finalité est de gagner. Donc ce qui vous motive à interagir avec des personnages ou le monde qui vous entoure est d'avancer au niveau suivant, ou de recevoir une forme de récompense. C'est très égoïste : vous êtes le héros, on vous défie et vous devez gagner. Maintenant imaginez une jeune fille qui pleure sur un banc. Dans un jeu vidéo, vous n'iriez lui parler que dans l'espoir d'obtenir une information ou qu'elle vous envoie réaliser une quête. Vos motivations seraient évidemment tout à fait différentes dans la vraie vie, vous seriez touché par son malheur apparent. Dans la réalité virtuelle, on peut interagir comme dans un jeu vidéo mais aussi par empathie pour le personnage. C'est ce qu'on vise : l'interaction devient un acte de compassion. Quand on réussit à faire en sorte que vous vous sentiez impliqué dans la "vie" d'un personnage virtuel, on a atteint notre objectif.

On touche presque à quelque chose de philosophique sur la nature humaine.

Tout à fait. Au cinéma ou dans les séries télé, le storytelling repose souvent sur des personnages qui doivent faire des choix sous la pression, et ces choix dévoilent qui ils sont réellement. Notre but ultime est de faire en sorte que ce soit le spectateur qui fasse ces choix. Et pas seulement pour gagner quelque chose mais pour toucher à une question bien plus profonde : quel genre de personne suis-je ? Il n'y a pas forcément de bonne réponse, mais la décision que vous prenez révèle quelque chose sur votre vraie nature. Et ça, c'est vraiment intéressant.