Comment vous est venue l’idée d’Echo Squad ?
Le jeu en grandeur nature est une vraie source d’inspiration pour nous qui organisons depuis des années des événements de ce type-là. Nous avons poussé assez loin en termes d’organisation et d’exigences : pour un événement d’un week-end, une dizaine de personnes travaillaient pendant de longs mois. Mais il n’y avait pas de modèle économique associé. Il y avait donc une frustration de passer énormément de temps sur quelque chose qui finalement ne pouvait pas être une source de revenus. Il y avait donc cette envie-là d’un côté. Lorsqu’il y a eu la révélation escape room, nous avons compris qu’il y avait un marché, qu’on pouvait mettre en place quelque chose car les gens étaient demandeurs et prêts à payer une certaine somme pour une aventure d’une heure. Avec mon passif technique, j’ai eu la possibilité de réaliser cette envie.
Qu’entendez-vous par « passif technique » ?
Je suis ingénieur en informatique, j’ai un DEA en intelligence artificielle et également un BTS en informatique industrielle. J’ai travaillé dans de nombreux domaines dont l’industrie aéronautique, la banque… J’ai une expérience très variée avec un feeling par rapport à beaucoup de choses. Donc j’ai pressenti des solutions techniques avant de faire des tests pour valider que ce que l’on avait en tête était bien faisable. Nous sommes vraiment dans l’idée d’une aventure comme celle qu’on va vivre dans un jeu vidéo : on va la vivre physiquement, de manière réelle et concrète avec un maximum de réalisme et d’immersion apportés par la technologie.
Quelle était la chose la plus difficile à réaliser ? Que la partie jeu vidéo s’accorde bien avec l’environnement physique ?
D’un point de vue technique, c’était effectivement un défi de faire connecter ces choses-là dans un décor très immersif. Le plus gros défi a été de dire : nous voulons que les joueurs arrivent à vivre l’aventure, comprennent ce qu’il se passe et puissent agir dessus. Nous avons choisi le sous-marin car ce contexte nous plaisait : c’est un espace clos qui parle dans l’imaginaire, à la croisée entre A la poursuite d’Octobre rouge et le Nautilus de Jules Verne. Nous sommes dans l’exploration, le mystère. Il fallait faire en sorte qu’il y ait beaucoup d’interactions entre les gens : 50% du plaisir de l’expérience vient du fait qu’on doit s’organiser et communiquer. Tout est pensé dans le sous-marin pour que chaque poste soit fonctionnel mais presque inutile tout seul. Nous nous sommes inspirés de jeux comme Overcooked où il faut faire fonctionner collectivement un restaurant.
Comment réussir à favoriser l’immersion du public ?
Il fallait que le rendu graphique soit au niveau du rendu sonore, des interfaces : il y a de nombreux voyants lumineux, des boutons… Tout devait être cohérent et réactif. Nous avons réussi à faire un simulateur dans le sens où les gens entrent dans le sous-marin et manipulent les choses sans se poser la question : « Comment ça marche derrière ? ». Lorsqu’ils appuient sur un bouton ou tournent une manette, il se passe quelque chose et c’est fluide. Lorsque le moteur cale, toutes les lumières dynamiques s’éteignent. C’est l’accumulation d’événements qui va faire que l’immersion fonctionne.
Avez-vous travaillé avec des spécialistes pour recréer l’intérieur du sous-marin ?
Absolument pas (rires). Nous nous sommes renseignés sur deux ou trois choses mais nous voulions vraiment avoir le rendu que l’on imaginait en faisant des choix plus spectaculaires et amusants. Nous avons par exemple trois grands hublots qui sont cohérents avec l’univers de Jules Verne et du Nautilus. Mais aucun sous-marin en réalité n’a ce genre de hublot. Nous avons un sonar qui fonctionne, mais le principe est repris sans aller trop loin car c’est trop technique et complexe pour les joueurs. On est sur du spectacle, du loisir. Nous avons collaboré avec le concept artist The Black Frog qui nous a proposé une vision graphique de nos émotions et de ce que l’on avait en tête.
Quel investissement avez-vous dû faire pour Echo Squad ?
Une équipe d’une dizaine de personnes a travaillé pendant deux ans à sa conception. La phase préparatoire était relativement longue : il fallait monter une entreprise, trouver des modèles, faire des tests, voir les technologies que nous pouvions mettre en œuvre… La partie la plus importante du développement a été faite en neuf mois. Le budget est assez conséquent : plusieurs centaines de milliers d’euros. Nous en avons financé une partie sur nos fonds propres, nous avons eu des aides régionales, un prêt d’honneur de 75 000 euros de Créalia qui finance l’innovation, nous avons un emprunt bancaire conséquent, nous avons fait une campagne de financement participatif… Nous n’avons pas arrêté le développement. Après les premiers playtests avec les joueurs, nous avons pu corriger quelques éléments comme certaines explications peu claires ou des choses incompréhensibles. Le taux de réussite qui était à 50% est aujourd’hui à 90%.
Echo Squad a été soutenu par le CNC dans le cadre du Fonds d’aide au jeu vidéo.