Revenons à la genèse de Splashteam depuis quand le studio existe-t-il ?
Nous nous sommes lancés à deux avec Richard Vatinel, un ami que je connais depuis que nous avons fait ensemble l’école de jeux vidéo Supinfogame Rubika à Valenciennes. Notre collaboration a donné vie à Splasher, un jeu de plateforme 2D sorti en 2017. Puis nous avons travaillé chacun de notre côté – j’ai notamment fait une mission de game design de quelques mois pour le studio d’Éric Chahi [Pixel Reef ndlr] sur le jeu Paper Beast. J’ai ensuite passé du temps sur des prototypes de jeux qui n’ont mené à rien. J’étais désormais seul sur Splashteam, Richard ayant continué en free-lance de son côté. Et ce n’est qu’en 2020 qu’a eu lieu ma rencontre avec Marie Marquet : je cherchais depuis longtemps un ou une partenaire pour relancer la machine, et c’est ensemble que nous avons réellement monté la société
Quelle en était l’idée de départ ? Était-ce de s’approprier les codes de Pikmin – on y pense beaucoup en jouant à Tinykin – pour les remettre au goût du jour ?
Il y a eu un peu de ça dans les débuts. En fait, l’idée vient d’une Global Game Jam de janvier 2019 : nous avions développé un jeu en un week-end, Bubble Town. Le thème de la Global Game Jam cette année-là était : « What home means to you », « Que signifie la notion de foyer pour vous ». Nous avions donc mis en place une sorte de grosse bulle, lumineuse et chaleureuse, au milieu d’une énorme carte recouverte par une forêt très sombre et menaçante, peuplée de personnages perdus. Et l’idée était de sortir de sa bulle – littéralement de sa zone de confort – pour aller chercher les personnages égarés. Seulement on ne pouvait pas rester trop longtemps à l’extérieur sous peine de mourir, donc il fallait gérer ce risque en permanence. C’était très addictif. Alors on y a placé plus d’ambitions, et le jeu s’est transformé en Sbirz. C’est là qu’on a commencé à penser à Pikmin : nous voulions garder l’idée de la foule grandissante de personnages autour de soi. « Et si Pikmin était un roguelike ? » Nous avons travaillé dessus durant quelques semaines, et nous avons abouti au concept de base de Tinykin, même si ce n’était pas du tout un jeu de plateforme en 3D à l’époque. Au bout de quelques mois, on s’est rendu compte que le jeu de survie/roguelike n’était pas trop fait pour nous… Donc nous avons en quelque sorte « rebooté » le projet courant octobre 2019. Il fallait se recentrer sur quelque chose qui nous parlait vraiment et que nous savions peut-être mieux faire. J’avais déjà travaillé sur quelques projets 3D chez Ubisoft, mais surtout des platformers 2D. À la fin de notre réflexion, nous en étions arrivés à cette idée : « Et si Pikmin était un platformer 3D ? »
Il y a dans Tinykin cette idée visuelle très amusante d’un personnage principal en 2D qui, peu importe dans quel sens il se déplace, regarde toujours vers le joueur…
En fait, cela nous permettait de composer avec les savoir-faire que nous avions dans l’équipe. Nous n’avions pas forcément les moyens de recruter beaucoup, et les employés de Splashteam étaient surtout orientés 2 D. On ne voulait pas s’embarquer dans les problématiques de personnages en 3D, car c’est une chaîne de métiers assez lourde à gérer en production. D’où l’idée de faire un platformer 3D avec des personnages en 2D. Au bout d’un moment, nous en avons fait une force artistique qui donnait au jeu une identité propre.
Les niveaux sont vastes, jouent sur des rapports d’échelle assez énormes et regorgent de passages cachés. Comment avez-vous trouvé le juste milieu pour ne pas dépasser les capacités de production de votre équipe de quinze personnes ?
Cela n’a pas été évident. Avant de travailler avec l’éditeur du jeu, tinyBuild Games, nous ne savions pas vraiment de quels moyens nous allions disposer. Donc nous avons fait une démo qui était assez représentative de ce qu’allait être Tinykin, mais un peu moins ambitieuse que le jeu final. Nous avons séduit tinyBuild Games sur la base de cette démo, eux-mêmes ne s’imaginaient pas que nous irions ensuite aussi loin ! En revanche, ils étaient prêts à nous fournir un budget qui nous permette de tenir nos ambitions. Du moment que l’on ne dépassait pas une certaine deadline ! Nous avons trouvé un équilibre entre tenir ce pari d’un revival du platformer/exploration 3D, et le fait que tinyBuild n’avait pas non plus des moyens illimités.
Les ventes du jeu sont-elles au niveau de vos espérances ?
L’inclusion du jeu dans le Game Pass a été une excellente opportunité. On peut considérer que le jeu est rentable – du moins nous avons pu rentrer dans nos frais de production – exclusivement grâce à cela. Les ventes à côté ne sont pas très élevées, que ce soit sur Steam ou sur consoles. Le Game Pass est un bon « deal », qui dépend de nombreux facteurs, mais il peut littéralement sauver un projet. Je pense qu’on aurait eu du mal à le rentabiliser autrement.
Avec le nombre de jeux indépendants qui sortent, la concurrence est rude…
Oui, d’autant plus que Tinykin est une sorte de jeu de niche aujourd’hui. C’est un genre qui était assez populaire à la fin des années 90 et au début des années 2000. Et si la recette est ici largement modernisée – nous ne sommes pas dans du Mario 64 ou du Ratchet & Clank, même si ces jeux peuvent faire partie de nos inspirations –, cela reste une vieille formule, presque un « trip » nostalgique. Et ce n’est pas forcément ce que les gens recherchent aujourd’hui.
Quel sera l’après pour Splashteam ? Travaillez-vous déjà sur un nouveau projet ?
Tout à fait, et il n’a rien à voir avec Tinykin, mais on ne le dévoilera pas avant un certain temps ! Et il n’est pas impossible que nous fassions du nouveau contenu pour Tinykin.
Tinykin
Le jeu a été soutenu par le CNC.