Focus sur le jeu « Tchia » du studio français Awaceb

Focus sur le jeu « Tchia » du studio français Awaceb

30 mai 2023
Jeu vidéo
Tchia s'inspire des paysages néo-calédoniens pour son univers
Tchia s'inspire des paysages néo-calédoniens pour son univers Awaceb/Kepler Interactive

Fort de son succès sur PS4 et PS5 depuis sa sortie sur le PlayStation Plus, Tchia invite à l’aventure dans un monde ouvert largement inspiré par la Nouvelle-Calédonie, d’où sont originaires ses développeurs. Son game director Phil Crifo, aussi cofondateur du studio Awaceb, en raconte les enjeux.


L’univers de Tchia est inspiré par la Nouvelle-Calédonie. À quel point était-il important de rendre hommage à l’endroit où vous êtes né et avez grandi ?

Phil Crifo : Nous nous sommes rendu compte très tôt que cet héritage culturel était une force créative pour nous, on a donc fait ce choix dès le départ du projet. Au début, on n’envisageait pas de faire un jeu aussi ambitieux et qui aurait un rayonnement aussi fort. Le choix de s’inspirer d’une culture assez méconnue s’accordait avec nos ambitions. Lorsque le jeu a commencé à prendre de l’ampleur, on s’est demandé si ces choix (parler d’une culture étrangère à la plupart des joueurs, enregistrer des dialogues en langues locales…) n’étaient pas des freins au potentiel du jeu. Or, nous avons observé que les joueurs mais aussi les acteurs de l’industrie (Sony, Kepler…) étaient friands de nouvelles perspectives et d’histoires qui sortent des sentiers battus. C’était un pari un peu osé mais je pense réussi.

Il s’agit de notre premier projet de cette envergure et notre premier jeu en 3D open-world. Nous l’avons abordé avec un peu de naïveté et beaucoup de passion. Nous avions tout à apprendre.

Quelles questions se pose-t-on quand il s’agit de représenter un territoire dans un jeu vidéo en monde ouvert ?

Nous avons voulu représenter la Nouvelle-Calédonie dans sa richesse et sa diversité : ses langues, ses cultures, ses traditions, ses légendes, sa faune et sa flore, mais aussi ses paysages et ses écosystèmes incroyablement variés. En se lançant dans ce projet, nous savions déjà que nous n’allions pas recréer fidèlement la Nouvelle-Calédonie. Pour des raisons techniques bien sûr, mais également parce que notre démarche était d’aller chercher « l’essence » du pays et de la distiller dans un environnement de jeu plus condensé et accessible. Des lieux emblématiques de l’île étaient évidents (Poule de Hienghène, Roche Percée…), mais nous avons aussi voulu représenter les paysages et biomes de l’archipel dans leur diversité (savanes sèches, forêts tropicales, plaines de terre rouge…). La Nouvelle-Calédonie aujourd’hui, ce n’est pas que de la nature sauvage : la présence de l’homme a aussi façonné les paysages et il était important pour nous que cela soit représenté dans le jeu, d’où la présence de villes et villages, d’usines…

Le gameplay lui-même est basé sur le folklore et les légendes de Nouvelle-Calédonie. Une évidence ?

Pas nécessairement. Nous nous sommes inspirés de certaines figures de l’imaginaire collectif et des légendes locales, mais nous avons voulu avant tout raconter une histoire unique et personnelle. L’enjeu était d’éviter de s’enfermer dans le carcan des mythes locaux qui aurait pu nous empêcher de raconter quelque chose d’universel. Notre histoire et notre gameplay intègrent des références locales, mais on s’est toujours laissé la liberté de faire le jeu que l’on voulait. Je pense que nous avons réussi à trouver le bon équilibre entre célébration de la culture locale et création originale.

 

Tchia est un jeu ambitieux. Quels défis de conception a-t-il posé ?

Il s’agit de notre premier projet de cette envergure et notre premier jeu en 3D open-world. Nous l’avons abordé avec un peu de naïveté et beaucoup de passion. Nous avions tout à apprendre. Après avoir défini son concept et prototypé une version démo, nous avons rapidement mesuré le potentiel du jeu. À partir de là, nous avons fait le choix d’un design riche, expansif et fourni. Un vrai défi pour l’équipe principalement composée de juniors sans expérience dans l’industrie du jeu vidéo. Nous avons énormément appris.

[Pour le gameplay], nous nous sommes inspirés de certaines figures de l’imaginaire collectif et des légendes locales, mais nous avons voulu avant tout raconter une histoire unique et personnelle.

Avez-vous recruté des talents venus de Nouvelle-Calédonie ?

Parmi la douzaine d’employés d’Awaceb, six sont calédoniens. C’est un noyau qu’il a été important de conserver pour Tchia, mais on souhaite aussi créer un studio multiculturel. C’est incroyablement bénéfique d’avoir des profils variés au sein du studio. Quelques projets de jeux vidéo calédoniens voient le jour, mais cela reste assez difficile pour les jeunes créateurs de se lancer. J’espère que Tchia va montrer que des perspectives sont possibles. Je suivrai avec beaucoup d’attention l’évolution du jeu vidéo calédonien dans les prochaines années, tout comme les projets venant du reste de l’Océanie, un territoire en pleine expansion dans le milieu.

Tchia a beaucoup été comparé à Zelda. Était-ce l’idée dès le départ, et voyez-vous les liens entre votre jeu et celui de Nintendo ?

[Shigeru] Miyamoto dit toujours que Zelda lui est venu de son enfance passée à explorer la nature japonaise et à découvrir les cavernes dans la campagne autour de chez lui. C’est exactement de là que vient Tchia : le jeu est une allégorie de notre enfance passée sur une île tropicale avec les joies de la découverte et de l’exploration. Je pense que ce bagage partagé donne à Tchia un ADN proche de la licence Zelda dans le ton et la philosophie de design. The Legend of Zelda : Breath of the Wild (BOTW) est sorti au moment où nous travaillions sur le prototype de Tchia, une référence pour nous car Nintendo a su s’emparer du genre open-world depuis ses prémices sur PlayStation 2. Nous avons grandi avec ces jeux, une source intarissable de références, et un repère pour voir ce qui pouvait fonctionner dans ce « nouveau » genre.

Tchia, disponible sur Steam, PS4 et PS5.

Le jeu a bénéficié du Fonds d’aide au jeu vidéo (FAJV)