Régis Sauder
Parrainé par Pauline Guéna
« Obtenir cette aide au parcours d’auteur s’apparente de façon métaphorique pour moi à la traversée d’une frontière. Cette frontière sera l’objet de ma recherche, le motif autour duquel je reviens inlassablement car il est constitutif de mon histoire. Depuis que je fais des films, et sans doute très inconsciemment au début, au cœur de mes obsessions, il y a une frontière : qu’elle soit sociale, géographique ou symbolique. Les deux projets que je veux imaginer grâce à votre soutien explorent cette zone, ce laboratoire où se testent les valeurs des sociétés modernes, où sont auscultées les limites de la démocratie et de l’humanité. La frontière sera cette fois, très consciemment, un espace de recherche cinématographique. Il faudra la franchir pour passer du réel à la fiction, la traverser encore pour imaginer le trajet inverse. »
Maria Kourkouta
Marrainée par Pauline Guéna et Claire Doyon
« Faire remonter les traces : mon parcours, depuis mes premiers films expérimentaux, tourne entièrement autour de cette question, tout en cherchant à y apporter des formes différentes. Après plusieurs films expérimentaux et un long-métrage documentaire portant sur la question de notre regard sur les migrants dans le camp grec d’Idomeni, je m’apprête à donner une nouvelle forme cinématographique à la question des traces contemporaines du passé politique de la Grèce (particulièrement la période tragique, mais trop souvent oubliée, de la guerre civile des années 1940). Pour cela je pense « re-tourner », dans tous les sens du mot : arpenter les lieux fantomatiques de cette histoire muette ; explorer toute une « tradition cachée » de récits littéraires et de témoignages qui donneraient « voix » à cette histoire ; rencontrer les gens issus de celle-ci, les filmer dans leur quotidien et rendre sensible la façon dont ils portent, aujourd’hui encore, les traces physiques, psychiques et sociales de cette tragédie refoulée. »
Antoine Barraud
Parrainé par Emmanuel Gras
« L’obtention de la bourse va me permettre de développer le premier projet Bear and Little Girl, en regroupant, numérisant, sélectionnant les archives de Marta Hoskins, d'écrire avec elle les scènes de sa vie pour commencer à en élaborer la mise en scène, de commencer les premiers tournages chez elle pour la partie entretiens. Dans un deuxième temps j’utiliserai une autre partie de la bourse pour l’écriture de l’autre projet, Le lit de la rivière, une fiction cette fois, dont je voulais définir le canevas d’improvisation, écrire quelques dialogues, voire scènes mais laisser dans un état d’ouverture. J’en tournerai peut-être même une scène matrice comme je l’avais fait à l’époque sur un précédent film. Cette bourse permet, entre deux films, de prendre ce temps de développer des projets plus audacieux, moins dans les clous, une recherche on pourrait dire qui pour moi est vitale mais difficile à sanctuariser dans le rythme et l’urgence perpétuelle. Ils alimentent pourtant autant ma pratique que les projets plus conséquents, enrichissent ma réflexion sur la mise en scène et permettent de travailler avec une toute petite équipe. »
Anca Hirte
Marrainée par Virgil Vernier
« Je viens de fêter mes trente ans. Trente ans de réalisation de films documentaires.
Ce n’était pas ma destinée. Je viens de loin. Et j’ai vécu plusieurs vies.
Il est temps de commencer ma quatrième vie. L’aide au parcours d’auteur pourrait être le facteur déclencheur. L’obtenir m’offrirait du temps et de la liberté. Temps de recherche et liberté de création, denrées non achetables mais tellement dépendantes de l’argent.
Je veux retourner aux sources et sauter dans le vide en même temps. J’ai deux embryons filmiques qui poussent en moi : un long-métrage documentaire, hybride entre comédie et enquête politique, à cheval entre la Roumanie et la France, Ce bon vieux Ceaușescu ; un premier long-métrage de fiction, Aphrodite(s), axé sur le plaisir féminin.
Les deux projets me demandent un travail important en amont de l’écriture et, surtout, le luxe de la réflexion libre de soucis matériels. Pour ce projet je suis parti de l'attitude qu'avait mon père face à la mort, très provocatrice, très bravache. Il se targuait de ne pas avoir peur, il disait qu'il mourrait où et quand il le déciderait. »
Dania Reymond-Boughenou
Marrainée par Virgil Vernier et Jean-Charles Mbotti Malolo
« Je m’intéresse ici à la figure du vampire pour questionner les aspects tabous de la conquête coloniale française en Algérie ainsi que ses répercussions jusqu’à aujourd’hui.
Cette créature mythique vient ici incarner une mémoire déniée, liée aux meurtres de masse, qui se perpétue à travers le temps de manière obscure et clandestine.
J’ai besoin d’une phase de recherche préparatoire qui serait concomitante à la réalisation d’un moyen-métrage mêlant des aspects documentaires et fictionnels avant d’entamer l’écriture du scénario de long métrage de fiction.
Dans le moyen-métrage une femme vampire au destin transgressif, témoignerait de sa condition maudite dont elle cherche à travers les âges à se libérer.
Le long métrage s’intéresserait à la fille née sous X de cette femme vampire. Confrontée à l’absence de récit sur son origine, une interrogation s’ouvre à elle : comment se construire dans un monde commun et désirable quand on est dépossédé de son histoire et que celle-ci est liée aux tabous et aux injustices de la société dans laquelle on doit vivre ? »
Emmanuel Parraud
Parrainé par Erwan Le Duc
« Quand on est d’une culture on n’est pas d’une autre et pourtant la mienne ne me suffit pas. Je poursuis le chemin amorcé depuis maintenant 20 ans à La Réunion, mon cinéma ouvert par la pensée d’Edouard Glissant à d’autres formes, d’autres modes de fabrication et de relations. Être soi-même sans se fermer à l’autre et consentir à l’autre, à tous les autres, sans renoncer à soi s’incarne cette fois dans deux nouveaux films de fiction documentés à la tonalité plus provocatrice. Ce chemin me fait remonter dans le temps, revenir dans TEMPS FORT à l’inquiétante étrangeté d'une branche de ma famille qui participe activement à la restructuration du capitalisme pendant la Collaboration… et descendre des villages des afro-descendants dans les Hauts de la Réunion, où se déroulaient mes 3 premiers long-métrages, vers la côte touristique, à ZOREIL LAND, représenter l’écosystème complexe des relations et les fictions du quotidien entre les envahisseurs zoreils, ces migrants venus de métropole, aimantés par la vie censée être plus douce sur cette île des tropiques et les natifs sans cesse repoussés plus avant dans les dents creuses du territoire, l’un ne pouvant pourtant pas se passer de l’autre pour sa survie. »
Katia Jarjoura
Marrainée par Marianne Tostivint et Virgil Vernier
« Je suis partie à la rencontre de mon pays d’origine, le Liban, et des terrains accidentés du Moyen-Orient, il y a plus de 20 ans. Munie d’une caméra, j'ai exploré et exposé la violence de la guerre, les fractures qu’elle laisse derrière, ses cicatrices indélébiles, à travers de nombreux reportages, documentaires et courts-métrages – montrant le combat des petites gens face à la Grande Histoire de leur pays. Depuis, il y a eu l’effondrement économique du Liban et du système bancaire (2019-2020) – au cours duquel j’ai perdu toutes mes économies durement accumulées au fil des années. Rage. Désespoir. Impuissance. À mon tour, je deviens un dommage collatéral du dysfonctionnement du monde. C’est alors que démarre la « saison » des braquages au Liban. Plusieurs client(e)s en colère décident de se faire justice eux-mêmes en braquant leur propre banque pour récupérer leur argent. Rapidement, je m'identifie à ces « hors-la-loi ». Je perçois leur cause comme des actes de détresse flamboyants, dignes des meilleurs films de gangsters, dans un Liban transformé en Far West. Ces incidents agissent comme un déclic – je décide de m’en inspirer pour écrire mon premier long métrage de fiction.
L’aide au parcours d’auteur va ainsi me permettre de me consacrer pleinement au développement de ce projet personnel : l’histoire d’une jeune femme à bout, qui décide de s’attaquer au symbole de l’État, les banques, pour sauver sa sœur malade. Contrairement à mes films précédents, je tiens à y incorporer davantage d’éléments dramaturgiques, en creusant l’originalité des personnages, le ton de la dérision et l’absurde des situations. Je vois ce film comme un drame social teinté de comédie noire, dans un Liban en crise, sans foi ni loi. Cette bourse me soutiendrait, entre autres, dans la poursuite de mes recherches de terrain et de mon immersion documentaire, esthétique et narrative, afin d’enrichir l’écriture du long-métrage. Ce qui m’intéresse dans cette histoire de braquage, ce n’est pas tant de coller à la réalité, que d’exposer les failles qu’elle révèle en chaque individu, et la manière dont elle reflète la société libanaise qui internalise et normalise de plus en plus la violence. Dans un État failli comme le Liban, où les assassins et les escrocs prospèrent en toute impunité, nombreux sont ceux qui estiment aujourd’hui que la justice ne s’obtient que par la force. Le pouvoir est en train de transformer d’honnêtes individus en criminels malgré eux. À travers ce récit contemporain, je souhaite saluer l’audace et le mérite de ces braqueurs ordinaires qui, tels des petits David, ont osé affronter le Goliath des banques. Et ce, avec le panache des héros de cinéma. Des héros tragiques, certes, mais des héros. Ce projet représente, en quelque sorte, ma revanche sur le rouleau compresseur de l’histoire. »
Blaise Harrison
Parrainé par Emmanuel Gras et Anne-Sophie Nanki
« Après plusieurs films, je me suis beaucoup questionné sur la manière de poursuivre, sur quoi raconter et comment, hésitant entre le documentaire et la fiction à la recherche d’une forme particulière. J’avais l’impression d’être arrivé au bout d’un chemin au cours duquel j’avais aimé filmer la France contemporaine et des territoires qui m’étaient souvent familiers, et sa jeunesse, toujours influencé ou nourri par mes propres expériences et souvenirs. En poursuivant dans cette voie, j’aurais l’impression de me répéter et de continuer à raconter la même chose. Je ressens aujourd’hui plus que jamais le besoin et l’envie d’aller voir ailleurs, de me tourner vers d’autres personnes, d’autres histoires et d’autres lieux.
L’Aide au parcours d’auteur du CNC va me permettre de poursuivre mes recherches et mon travail sur deux nouveaux projets documentaires qui me demandent chacun beaucoup de temps et qui me font quitter un temps les campagnes françaises et leurs adolescences :
Le premier est un travail au long cours à la rencontre des usagers de Crack du 19ème arrondissement, suivant saison après saison le travail et le parcours de l’Antenne mobile de l’association Gaïa dans les paysages périphériques du nord-est parisien.
Le second m’entraîne dans l’Ontario au Canada, dans les sous-sols du plus grand et ancien cratère de météorites du monde. Dans ces terres ancestrales des Anichinabés dont les descendants luttent pour perpétuer et défendre leur culture, des mineurs extraient la roche du plus important gisement de nickel au monde. Pendant ce temps à deux kilomètres sous la surface, dans les anciennes galeries d’une mine encore en activité, les astro-physiciens du SNOLAB sondent les particules ultrasensibles venues du fin fond de l’espace pour tenter de percer certains des plus grands mystères de l’univers. »
Dorothée Sebbagh
Marrainée par Marianne Tostivint et Pauline Guéna
« L’enjeu de mon travail d’auteure aujourd’hui est tourné vers une préoccupation majeure : la réappropriation du désir féminin. Françoise Frisson est une comédie mélancolique sur la puissance du déni et la résilience d’une femme de 50 ans qui, au contact d’Iris, une jeune fille à la vision du monde et des relations hommes-femmes profondément différente de la sienne, réalise qu’elle a été victime de viols 30 ans plus tôt… alors qu’elle croyait vivre sa première histoire d’amour.
J’ai été frappée il y a quelques années par une phrase de la comédienne Sara Forestier au cœur du scandale déclenché par les témoignages sur le producteur américain Harvey Weinstein : "Le désir d’une femme est plus important que celui qu’elle suscite". C’est devenu une évidence alors que je ne me l’étais jamais formulé. Et c’est avec ce prisme que j’ai voulu, en traversant depuis les répliques successives du mouvement MeToo, raconter ce que peut être la sexualité et le désir féminin aujourd’hui. Là est la genèse de Françoise Frisson : filmer le désir d’une femme, dans tout ce qu’il peut avoir de singulier, de surprenant, libéré du regard dominant, celui des hommes mais surtout celui des représentations majoritaires. C’est devenu une obsession et une détermination absolue : c’est de cela que sera faite la chair de mes prochains films. Or je suis une cinéaste et une scénariste de comédie. C’est mon A.D.N, mon regard sur le monde, c’est ainsi que je le vois, que je le pense et que j’ai profondément envie de le représenter. Je crois, comme le dit Pierre Salvadori, que "la comédie est synonyme de vitalité". Comment allier dans une même expérience de cinéma le sujet des violences sexuelles [et plus précisément : du consentement, du trauma, du déni et du resurgissement de la mémoire] et la comédie ? Est-ce que cela est seulement possible ? Est-ce que c’est compatible ? Est-ce qu’on peut moralement faire rire avec ou autour de ce sujet ? C’est justement parce que je suis une cinéaste de comédie que je ne peux pas balayer ces interrogations d’un revers de manche. Je dois chercher, je dois travailler, je dois prendre à bras le corps ces questions.
L’aide au parcours d’auteur me permet un temps précieux de rencontres documentaires auprès de femmes – et d’hommes – qui ont fait l’expérience de l’amnésie traumatique. Comment la mémoire peut-elle nous cacher des choses ? Qu’est-ce qui fait que soudain, on se souvient ? J’ai besoin aussi de faire des rencontres documentaires avec des jeunes filles et garçons qui ont commencé leur vie amoureuse après MeToo. Je veux sortir des fantasmes parfois superficiels sur la liberté sexuelle aujourd’hui, la fluidité de genre, l’asexualité. La précision de mon regard va se façonner au fil des rencontres. Mon autre enjeu de recherche est plus formel, c’est un enjeu d’écriture à partir de toute cette matière, documentaire donc mais aussi fictionnelle. J’ai besoin de travailler la matière pour trouver une réponse formelle, la bonne réponse. Comment articuler le cœur du projet, son enjeu thématique, son propos, qui est assez dur, qui est bouleversant même, avec la comédie ? L’aide au parcours d’auteur me permet aujourd’hui un laboratoire de recherche sur un sujet certes mais aussi sur une articulation formelle, narrative, une articulation de cinéma. »
Nieto
Parrainé par Erwan Le Duc et Léa Mysius
« Je m’appelle Francisco Flores, philosophe né à Asuncion, au Paraguay, en 1910, et mort en 1979 à cause de mes pratiques formicophiles… un philosophe parmi tant d’autres somnambules, singes ivrognes, chérubins ostrogoths, chiens médiums, hikikomoris songe-creux… Un hikikomori thaumaturge ! - Voici la dernière recrue de mon armée de spectres fictifs. Et oui, après tout, quand la chance vous boude et vous écorche le visage, il ne vous reste plus qu’à saisir le gouvernail dans la carapace de votre tortue pour quitter ce bas monde…
Quelle idée paradoxale que celle de devoir s'enfermer pour se libérer ! Se créer un monde à soi pour ne pas avoir à subir celui des autres…
Je m'appelle Daiichi Mori. Je vis seul, enfermé dans ma chambre depuis 30 ans, affranchi de “vous” les autres, dans ma réserve inépuisable de chaos. Ici, rien ne rime, tout bégaie dans une avalanche de divinités tarées, au point de faire rougir même Caligula. Aucun être humain n’a encore franchi ce seuil (à part ma grand-mère) sans risquer de finir en poussière de neurones… Comme disait l’Autre : “Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.” Et pourtant, malgré tous mes avertissements, ce réalisateur nommé Nieto veut aujourd’hui me rencontrer et faire un film sur moi… »
Neary Hay
Marrainée par Léa Mysius, Anne-Sophie Nanki et Pauline Guéna
« À travers mes documentaires long-métrages ANGKAR et ESKAPE, j’ai levé le voile sur les silences de mes parents, survivants du régime Khmer Rouge, en inscrivant leur histoire dans la mémoire collective du Cambodge.
Aujourd’hui, je me trouve à un double-virage dans ma carrière : après avoir fait parler le passé, je veux interroger le présent en passant de la réalisation de documentaires à la fiction.
Mon projet long-métrage Frakas est un huis clos claustrophobique. Dans le cadre minimaliste d’une villa sur la Côte d’Azur, la nature calme contraste avec l’agitation intérieure de personnages qui expérimentent la frontière ténue entre l’humanité et la monstruosité.
Khmères est un projet de série qui suit trois jeunes femmes d’origine cambodgienne sur trois continents, chacune défiant les stéréotypes et les tabous imposés par leur communauté et par la société. Khmères est le cri de liberté et de rébellion de trois « moutons noirs » contre les normes établies.
À travers ces nouveaux projets, je choisis de donner la parole à la femme asiatique d’aujourd’hui, brisant les stéréotypes qui lui sont trop souvent associés, dans un univers cinématographique où elle est encore trop rare. »
Lo Thivolle
Parrainé par Claire Doyon et Emmanuel Gras
« Depuis 3 ans, je travaille en tant que AED (Anciennement Pion) dans un Lycée professionnel des quartiers Nord de Marseille. Je surveille les classes des métiers de la mode et du vêtement.
J'habite le quartier de La Belle de mai et je prends chaque jour le Bus 70 qui m'amène là-haut. De mon Lycée la vue sur l'horizon, la mer et Marseille est magnifique.
Depuis 1 ans, la ville a décidé de relier le centre-ville de Marseille (mon quartier) et les quartiers Nord, par une ligne de tramway. Un des plus grands projets d'urbanisation d'Europe s'attaque à Marseille, Euromed.
Le long de la ligne du Bus 70 je vois le chantier avancer, je vois l'apparition d'une cicatrice béante s'ouvrir. Je vois les anciennes petites maisons disparaître, s'effondrer, se faire squatter. Je vois les nouveaux immeubles, immenses, modernes, blancs, froids, s'installer.
Le tramway arrivera aux abords de mon Lycée, son terminus, en 2029.
Sur ces trajets d'aller-retour, mon regard et mes sens passent de ces couturières qui tissent, cousent et réparent, à cette ville qui petit à petit fait place à du neuf en laissant mourir l'ancien. Dans ce contraste je ressens à la fois de la joie et de la colère.
En septembre 2024 je commence à filmer la classe de seconde couture dans ce Lycée. Je désire les filmer jusqu’à leur année de terminal quand elles passeront le baccalauréat, les suivre en dehors du Lycée, et les filmer après leur bac. Filmer, mettre en scène leurs devenir jusqu’en 2029 qui sera l’âge adulte. Elles auront alors entre 22 et 24 ans.
Je filme les travaux qui avancent.
Je filme ces couturières qui grandissent.
Marseille de demain se dessine, pendant qu'elles se prépare à l'habiter.
Le tournage de ce film s'arrêtera en 2029.
Le soir je rentre au Polygone étoilé, ce lieu de vie et de cinéma dans le quartier à côté de chez moi. Je range mes rushs, je les classe, je les montre. J'invite les élèves ou les amies à regarder les images. Les images d'eux, d'elles dans notre belle salle de cinéma.
La bourse Parcours d'auteurs va me permette d'arpenter ces territoires, ces quartiers Nord sans me retrouver bloqué vis à vis d'une nécessité économique. Ainsi je reviens à un geste de cinéma artisanal, quotidien, journalier. Je documente chaque jour le territoire ou je suis, les gens que je croise, les amies qui l'habitent et ces élèves qui grandissent. Et je crois fort que le réel me dira quelque chose de tous cela, me montera où aller et sera tendre avec moi. »
Audrey Jean-Baptiste
Marrainée par Anne-Sophie Nanki, Léa Mysius et Jean-Charles Mbotti Malolo
« Le jour de la mort de la Reine Élisabeth II, j’apprends que mon arrière-grand-mère paternelle, Adélaïde, a vécu trois ans à Buckingham Palace durant son enfance. Elle ne serait pas la seule. À la fin du 19è siècle, d’autres enfants issus tout comme elle de la Caraïbe auraient été prélevés de leur foyer par la Reine Victoria, pour passer plusieurs années au Palais. Adélaïde serait revenue chez elle des étoiles pleins les yeux, cultivant toute sa vie un amour inconditionnel pour la famille royale. Quel était le but de cette manœuvre ? Instiller l’amour pour éradiquer tout sentiment de haine à l’égard de l’oppresseur ? Reprogrammer le cerveau de mon aïeule pour que la clameur de la révolte ne puisse jamais lui parvenir ? En reconstruisant la mémoire de ma famille, j’explore ce rapport de domination si complexe entre colonisateurs et colonisés.
À la croisée de l’intime et du politique, « Buckingham » sera composé de plusieurs types d’images. L’animation : pour reconstituer l’histoire de mon arrière-grand-mère. Les images d’archives : pour incarner de manière sensorielle la présence coloniale anglaise dans les Caraïbes. Des prises de vue réelles au sein de ma famille, pour la partie du film qui se passe au temps présent. C’est en effet depuis ici et maintenant que j’interroge ce passé. Pour le moment, je manque d’éléments pour avancer et il me faut ainsi explorer la matière pour trouver la forme juste. Cette bourse va me permettre de mener ce travail de recherche ainsi qu’un repérage conséquent entre la France, Londres et enfin Sainte-Lucie, en allant à la rencontre de ma famille, d’historiens et d’artistes. »
Julie Bertuccelli
Marrainée par Marianne Tostivint
« L’aide du Parcours d’Auteur va me permettre de développer sur le long terme quatre projets (deux documentaires, un long-métrage de fiction, et une collection documentaire). Ils exigent un investissement conséquent, de longs repérages, des recherches et exploration d’archives, une écriture minutieuse, les bases d’un scénario, et des tournages conservatoires avant même de rentrer en production :Ovnie rêveuse avec l’autrice autiste Babouillec, dans le prolongement de mon documentaire Dernières nouvelles du Cosmos, alors qu’elle s’apprête à monter sur scène pour la première fois, avec en parallèle l’exploration de ses extraordinaires facultés mentales, au gré de ses rencontres avec d’éminents scientifiques ; Un Village à partir du fonds exceptionnel de la photographe Madeleine de Sinéty qui, tout au long de la décennie 70, a dépeint par l’intime la vie quotidienne d’un petit village paysan en Bretagne ; A perte de vue, long-métrage de fiction sur une mère qui, sur le point de perdre la vue, entreprend un long voyage vers une île menacée par la montée des océans, avec son fils en passe de devenir adulte ; Collection de collectionneurs et collectionneuses, galerie de portraits documentaires de personnages singuliers et originaux, à travers leurs obsessions, névroses et passions d’accumuler, qui raconte leur vie et parle de notre époque et de notre peur du vide. »
Camille Duvelleroy
Marrainée par Marianne Tostivint
« La première chose qui me vient, c'est le bien que cela m'a fait de rédiger ce dossier. Ce n'est pas si souvent que je prends le temps de réfléchir aux différents projets que j'ai menés. Je suis toujours prise dans un flux, dans une nécessité d'avancer sur la prochaine idée, le prochain scénario. Là, ça a fait break. Déjà, rien que pour ça je recommande de tenter l'aide. Ça fait du bien !
Pour la suite, cette aide m'aide à franchir une marche que je n'osais pas gravir, celle d'une autre écriture, un format long. Je vais entamer un long travail de recherche, d'exploration d'archives, d'interviews documentaire. C'est la première fois. C'est une vraie rupture dans mon parcours. Recevoir le soutien de mes paires est une chance merveilleuse et pleine d'encouragements. »
Réza Serkanian
Parrainé par Claire Doyon et Virgil Vernier
« Coincé en Iran pendant deux ans pour réaliser mon premier long-métrage, Noces éphémères, j’ai dû jongler avec la censure qui surveillait chaque étape du projet. Pour préserver l'intégrité de mon film, je présentais aux responsables des extraits expurgés, évitant ainsi de révéler la version complète. Malgré la pression constante, j'ai tenu grâce à l'humour, qui m'a permis de traverser ce labyrinthe kafkaïen de méfiance et de manipulations. L’oppression et l'hypocrisie qui règnent sur la réalisation cinématographique m'ont conduit à une réflexion profonde sur le sens du cinéma et le rapport du cinéaste à son œuvre. Une réflexion universelle sur la liberté de création qui dépasse le contexte iranien.
Durant cette période, j'ai vécu de l'intérieur l'absurdité des situations imposées aux cinéastes iraniens et observé leur lutte face aux obstacles qu'ils rencontrent tout au long de la réalisation de leurs films. Au-delà de cette expérience personnelle, je pense à mes camarades iraniens qui ont subi le pire : des descentes de police à leur domicile, des incarcérations, et des interrogations par des personnes qui n'ont rien à voir avec la culture, dont le seul but est de briser les artistes.
Cette expérience, à la fois douloureuse et merveilleuse, de la réalisation d'un film qui semblait impossible au départ, m'inspire désormais l’écriture du scénario de mon prochain long-métrage. Je souhaite ainsi raconter, avec humour et autodérision, une dimension touchante et humaniste de cette lutte, aussi fragile soit-elle. »
Claire Burger
Marrainée par Emmanuel Gras
« Ce projet que j’intitule pour l'instant Sentimentale, fait le portrait d'une DJ de Techno Gabber : DJ PARFAIT (alias Naïla Guiguet).
Je l’envisage comme une recherche, un moyen métrage à la croisée des genres, tourné à l’IPhone dans le monde entier. Entre fiction et documentaire, il est aussi pensé comme une comédie musicale techno, sur des musiques originales composées par Rebeka Warrior.
Avec ce film, j'espère renouveler ma pratique, me ressourcer. Je veux retrouver quelque chose de ma créativité et de ma productivité d'avant, en renouant avec des formes plus singulières, plus expérimentales, plus libres et plus collaboratives.
Je suis heureuse de retrouver une façon de tourner, de monter, de capter le réel qui ne s’insère pas immédiatement dans un processus industriel et commercial. Surtout, je sens que la collaboration avec d'autres artistes sur un projet libre et hors format me nourrit considérablement.
Je n'ai pas pour l’instant le désir d'institutionnaliser ce projet, j'aimerais qu'il reste libre, indépendant. Je ne sais pas encore vers quoi il peut aboutir. Une idée de long ? Un moyen métrage pour internet ou pour des festivals expérimentaux ? Je veux réaliser ce portrait car je suis convaincue que cela me permettra de me ressourcer et de me déplacer artistiquement. Ce film nourrit déjà mon imaginaire et renouvelle mes ambitions formelles, mais il me prend aussi déjà beaucoup de temps et d’énergie.
L’aide au parcours d’auteur me permettra de m’équiper avec un matériel plus adapté pour les tournages, de financer les nombreux voyages nécessaires pour suivre DJ PARFAIT, et de monter avec sérénité pendant quelques mois - j’ai envie de prendre le temps de triturer cette matière. »