Jihane Chouaib
Parrainage collectif
« Née à Beyrouth, je suis une enfant de la guerre civile. Je fais partie des survivants, des exilés, des diasporiques. J'ai été élevée au Mexique, parmi les fantômes, immergée dans un réalisme magique vibrant, qui m'a persuadée de la coexistence du visible et de l'invisible. Puis je suis arrivée en France - le pays de ma langue - et c'est là que j'ai découvert le cinéma.
Lorsque j'explore les frontières du fantastique (Otto ou des confitures et Sous mon lit), le film érotique (Dru), la quête identitaire (Go Home) ou même le documentaire (Pays Rêvé), je crois en l'importance de la poésie. De la forme. De la fiction. Les histoires qu'on raconte et qu'on se raconte, comme salut, défense et contre-attaque face à la violence du monde.
Demandée dans l'urgence du retour de la guerre au Liban, l'Aide au Parcours d'Auteur me donne la liberté d'aller avec force et vélocité vers un film encore tâtonnant, obscur, mais ardemment nécessaire. Un documentaire de création qui explore les ravages de cette nouvelle guerre dans les cœurs et les imaginaires de la diaspora. Qui cherche à rendre compte de ce gouffre qui s'est ouvert au milieu de nos vies. Et qui tente de comprendre ce qui fait que dans le regard de l'Europe d'aujourd'hui, nous ne nous sentons plus tout à fait humains. »
Boubacar Sangaré
Parrainé par Boris Lojkine
« Dans la dernière séquence de mon documentaire Or de vie, je me mets en scène avec mes personnages pour illustrer la relation entre filmeur et filmé et partager une réflexion sur les alternatives possibles dans la vie. Ayant moi-même travaillé dans l'orpaillage, dans mon adolescence, je suis aujourd’hui réalisateur. Je leur témoigne de la possibilité de construction d’une vie autre.
L’aide au parcours d’auteur s’apparente au même type de passerelle témoignant de la possibilité d’un approfondissement de ma démarche créative avec de nouvelles recherches et explorations pour mes futures œuvres.
Mon parcours de réalisateur s'est construit sur diverses expériences, notamment la réalisation de reportages sur les droits humains en Afrique de l'Ouest. Ensuite des films documentaires style télévisuel sur des thématiques sociales et politiques comme les conditions de travail des veilleurs de nuit ou la chute du régime autoritaire de Blaise Compaoré au Burkina Faso. La maturité acquise dans l’appréhension du réel avec le documentaire télévisuel m’a conduit vers le cinéma avec cet intérêt toujours marqué pour les histoires des « petits gens ».
Je développe un cinéma qui mêle esthétisme et transgression des genres. Avec l'aide au parcours d'auteur, j’envisage une recherche et des interviews documentaires pour approfondir cette démarche narrative à travers deux projets : La Victime et Baba Sora, le playboy.
La victime est une fiction inspirée d’un fait divers qui s’est produit au Mali dans les années 1960. En une journée, la scène de crime d’un féminicide devient un théâtre populaire où le patriarcat se met en scène. Le réel fictionné est complété par une mise en scène documentaire dans l’optique de cette transgression des frontières entre fiction et documentaire.
Je pousse cette imbrication entre genres avec Baba Sora, le playboy. Dans cette enquête documentaire sur la vie du robin des bois africain, la figure du réalisateur est mise en scène pour que naisse un autre lien entre documentaire et fiction. »
Yann Gonzalez et Alain Garcia Vergara
Parrainés par Christophe Galati
« Comment transmettre la puissance charnelle et émotionnelle de nos morceaux préférés ?
Alain mixe dans des soirées ou pour des radios indépendantes.
Yann réalise des films dans lesquels certaines musiques – souvent découvertes par Alain – tiennent un rôle essentiel.
Nous collaborons sur des clips dont Alain assure la direction artistique et Yann la mise en scène.
Avec Memory Slot, nous souhaitons aller plus loin ; être plus fous, plus folles, plus radicaux.
Ce nouveau projet est une anthologie, ou, pour rester dans le domaine musical, une sorte de compilation filmique ; mieux encore, une mixtape érotique ! Dix films, dix fantasmes, dix morceaux. Et, au bout, un long métrage d’environ 1h10. Des morceaux courts ou longs (De 2 à 15mn) qui évoluent dans des genres qui nous touchent : pop, ambient, shoegaze, techno… Des morceaux d’artistes connus, mais pour la plupart à la périphérie, à l’instar des sexualités / identités que nous souhaitons mettre en scène.
Comme dans She Mirror, que nous avons co-réalisé en 2018 à partir d’images d’archives, il s’agira de subvertir l’imagerie érotique essentiellement hétéronormée avec laquelle nous avons grandi pour la ramener sur le terrain du queer, des identités troubles, de pratiques considérées comme déviantes, tout en en célébrant la poésie, la beauté, mais aussi les affects.
L'aide au Parcours d'Auteur nous offre un temps précieux pour développer Memory Slot. Le temps de terminer l’écriture de l’ensemble des chapitres du film. Le temps de contacter les auteur.ice.s de chaque musique et de gagner leur confiance. Le temps de convaincre des partenaires financiers probablement très éloignés de la sphère traditionnelle du cinéma. Le temps, enfin, de caster un maximum d’acteurices, en France bien sûr, mais aussi au Mexique, où nous souhaitons tourner au moins deux segments. »
Laurine Estrade
Marrainée par Céline Sallette
« Chacun de mes projets est une mise en mouvement : je pars de moi pour aller vers l’Autre. Cette mise en miroir, en « réflexion », a, à son commencement, une problématique personnelle tenace qui vient, par hasard ou synchronicité, rencontrer une personne ou un évènement du réel, ou je dirais plutôt : de la vie. Cette étincelle provoque mon envie de raconter et c’est ainsi que la forme se définit d’elle-même : film documentaire, documentaire sonore, série… J’ai circulé jusqu’ici dans cette pluralité de genres qui se complètent et se répondent.
Je suis à un moment charnière de mon parcours d’autrice depuis que je me suis mise à rêver des projets de fictions historiques. En particulier un long-métrage adapté d’un fait divers qui se déroule en 1700 dans la campagne ornaise pour lequel j’ai besoin de faire un travail de recherche conséquent. L’aide au Parcours d’auteur va me permettre de plonger encore plus en profondeur dans les archives, d’aller à la rencontre d’historien.ienne.s et de faire des expériences de terrain pour nourrir l’imaginaire de ce film. »
Jean-Baptiste Alazard
Parrainé par Gaël Lépingle et Boris Lojkine
« Ici, depuis certainement le XIIe siècle, un canal principal prend l'eau de la rivière en amont du village, et par un savant système de branches secondaires et de trappes, la dirige sur tout le territoire de la commune. Ce système d'irrigation permet à toutes les parcelles agricoles et aux potagers d'être arrosés. Pour contrer la sécheresse qui sévit depuis deux ans dans la région, les habitants envisagent une restauration de tout le réseau. C'est un projet qui relève un peu de l'épopée : les travaux se feront à la main, à flanc de montagne, dans les creux de la forêt. Ils s’étaleront sur plusieurs années, et l’aide de Parcours d’auteur m’aidera à vivre pendant une durée de tournage si longue. Pour les villageois et les villageoises, entreprendre un tel chantier, c'est s'inscrire dans les pas de celles et ceux qui ont bâti ces canaux il y a presque dix siècles, mais aussi dans la continuité de celles et ceux qui les ont entretenus jusqu'à aujourd'hui. Il s’agirait donc, avec Récoltes et semailles, d’enregistrer les gestes, les savoirs-faire et les rapports aux autres formes du vivant de la communauté humaine qui vit aujourd’hui dans ces montagnes, comme une prière en mémoire de celles qui sont passées et en promesse de celles qui sont à venir. »
Maher Abi Samra
Parrainage collectif
« L'aide au parcours d'auteur va me permettre d'élaborer un film sur la logique coloniale dans les prisons israéliennes et américaines au Proche-Orient. Il s’agira de créer un espace, dans lequel d’anciens détenus palestiniens, libanais, irakiens, nous confieront leurs manières de résister, par leur colère, leur refus, la puissance de leurs imaginaires. Tout autour d'eux, des images seront projetées : des chercheurs au service d’un État colonial définissent des méthodes efficaces pour détruire la résistance des détenus, des archives historiques donnent à voir différentes manifestations du système colonial dans le monde... En mêlant différents dispositifs, collage, photo-roman, archives, mises en scène, théâtre, j’espère construire une histoire des corps colonisés qui résistent et se libèrent, face à un pouvoir qui veut les anéantir. »
Louise Groult
Marrainée par Naïla Guiguet
« L’aide au parcours d’auteur va me permettre de prendre à bras le corps un projet autour duquel je tourne depuis longtemps, qui porte sur la naissance de la scène punk normande. Je me suis jusqu’ici attelée à l’écriture de personnages ados en proie à un malaise vécu en solitaire, et ce projet dessine un nouvel horizon narratif puisque je vais à la rencontre d’une jeunesse qui refuse son impuissance. On remet le quotidien et ses galères au centre, on tue les idoles et on brûle les héros. Je m’intéresse surtout à la jeunesse prolétaire, au punk comme renversement du stigmate, sous son angle politico-esthéthique. L’idée est d’écrire le début et la fin d’un groupe punk, sur une période de 1977 à début 80. Comment on devient punk en Normandie à une époque où il n’y a rien pour accueillir ce genre d’initiative ? Et plus largement, comment se crée une communauté ? (Si Londres a le Roxy’s, New York le CBGB, Paris les Bains douche, la Normandie a la MJC d’Hérouville Saint Clair, par exemple). C’est aussi une manière de revenir au territoire de mon enfance, en rendant compte de sa vitalité et sa complexité, et de son important historique rock. C’est également du pain béni pour la fan de teen movie que je suis - j’ai envie de quelque chose de poisseux, trash, drôle et triste ! L’aide au parcours d’auteur me donne l’espace nécessaire à la recherche et va me permettre d’aller à la rencontre d’acteur·ices de la scène, de chercheur·euses spécialistes du sujet. À ce stade, c’est un encouragement précieux pour la suite. »
Siegrid Alnoy
Parrainage collectif
« La bourse Parcours d’Auteur va me permettre de me consacrer à l’élaboration de deux projets au long cours, radicalement opposés dans leur économie, leur fabrication et leur forme, mais liés par cette mise en danger de l’exploration du territoire de l’intime, qui dans les deux cas s’avère politique.
Si l’un de ces deux projets est le fruit d’un désir mûrement éprouvé, l’autre s’est brutalement imposé par l’effraction d’un redoutable événement dans ma propre vie, ignorant que depuis la caverne de la blessure couvait la possibilité du cinéma… car cela vient contrarier tout ce que je m’étais jusqu’alors refusé dans mon travail : faire fond sur mon histoire personnelle et me construire moi-même comme un personnage de récit (sujet regardé et regardant). C’est ainsi que je peux affirmer que je ne serai que l’humble co-autrice de ce film dont le principal auteur est avant tout le réel, un réel qui, d’expériences en expériences, de découvertes en découvertes (historiques, scientifiques, juridiques, etc.), n’en finit pas de me surprendre, de me passionner comme de me révolter, et auquel j’ai choisi d’apporter une rime, ma rime libre, dans cette marge étroite que me permet ce métier de cinéaste… et cela bien au-delà de mon autobiographie.
Ces deux projets me réclament un investissement conséquent, intellectuel certes, mais aussi sensible, pour ne pas dire inflammable, des recherches et explorations d’archives, un premier voyage d’étude, des rencontres dites d’experts aux approches diverses, des témoignages, des tournages (pour certains conservatoires), des travaux photographiques, des périodes de montage des éléments enregistrés, etc., avant d’entrer dans un cadre de production plus établi.
L’aide au Parcours d’Auteur m’offre la liberté de sanctuariser ce moment de gestation que je me dois, pour l’un, et que je souhaite, pour l’autre, réaliser en toute autonomie, en m’achetant également un peu de matériel (image & son).
Le premier projet, ou plutôt celui pour lequel je m’étais exclusivement réservée, est un projet de film ou de série, je l’ignore encore, autour de la figure aux mille visages d’Isabelle Eberhardt, cette exilée « Russe au désert », excessive et idéaliste, scandaleuse et mystique, première occidentale initiée soufie, première femme reporter de guerre, anticolonialiste au cœur de l’Algérie française, féministe et convertie à l’Islam, éblouissante écrivaine, qui n’a eu de cesse de troubler l’ordre social jusqu’à risquer sa vie dans cette invariable élaboration et élucidation d’elle-même, et dans cette quête profonde pour construire son identité hors des chemins de sa naissance, morte le 21 octobre 1904 à 27 ans, à Aïn-Sefra dans l’extrême sud algérien. Au regard de sa trépidante et tumultueuse vie extérieure et de sa mélancolique et fiévreuse vie intérieure, je dois, avant toute chose, prendre le temps de comprendre ce que je vise - à ce titre, j’ai déjà rencontré à plusieurs reprises Tiffany Tavernier, sa dernière biographe -, excaver les principaux enjeux biographiques, politiques et mystiques pour y faire naître les points d’accroche d’une dramaturgie, mais aussi et avant tout estimer le(s) meilleur(s) axe(s) qui coopère(nt) avec ma vie de cinéaste et de femme.
Le second projet, ou plutôt celui dont je n’ai choisi ni le thème, ni les motifs et encore moins le/les personnages mais qui cogne à ma porte, est une enquête sur l’histoire du viol, à la croisée du documentaire, de l’autofiction, du journal de bord, aussi bien littéraire qu’en images, du poème cinématographique, expérimental sans doute aussi dans son expressivité plastique, en somme un essai filmique, certes impulsé par un élément dramatique, autobiographique, mais qui vise un partage, pas uniquement d’expériences et d’affects d’ordre privé, – à ce titre les violences faites aux femmes et aux enfants sont aujourd’hui un sujet politique -, mais aussi, quand bien même j’ignore encore totalement l’équilibre entre intériorité et extériorité - un partage de connaissances que j’appelle « scientifiques » (c’est à dire historique, philosophique, juridique, neuroscientifique, etc.). L’enjeu de ce film, comme toute autofiction d’ailleurs, et que je vise comme polyphonique à travers ce foisonnement d’approches, se propose de regarder le monde droit dans les yeux, tout en se donnant soi-même comme l’objet de sa propre observation, comme sujet d’étude et de création, et qui sera comme une réponse, à l’hybridation formelle revendiquée, à : comment conquérir sa puissance depuis l’expérience extrême de l’impuissance, comment voyager à la proue de soi-même suite à une désertion de soi, au dégoût et au rejet de soi. »
Hakim Mao
Parrainé par Gaël Lépingle
« L’Aide au Parcours d’Auteur va accompagner mon passage des courts au long-métrage.
Si mes courts ont en commun le traitement de thématiques liées aux relations queers, cela se retrouvera aussi au cœur de mon projet Atlantic Mirage, premier long-métrage de fiction, thriller fantastique, avec une variation : celle d’inscrire une histoire profondément queer, sans en faire un sujet pour autant, ancré dans l’environnement qui m’a vu grandir, ainsi que mon désir de cinéma : la cité balnéaire d’Agadir, sur la côte atlantique marocaine.
Le défi de créer, dans cette ville, un contexte à la fois réaliste et fantastique des personnages queers qui portent haut leurs couleurs et ne rougissent pas de ce qu’ils sont sans en faire LE sujet du film. Et donc le défi également de trouver les bons comédiens pour incarner mes deux personnages principaux, au Maroc, capables et ayant envie d’incarner cette histoire dans ce qu’elle a de plus cru dans sa représentation des rapports nord-sud.
Cela nécessitera du temps, en plus de l’écriture et du développement, que l’aide va me permettre de prendre, mais cette perspective est très stimulante, et à voir la vitalité du jeune cinéma marocain, j’ai peu de doutes qu’une génération de comédien.ne.s n’attend que de se révéler et j’ai hâte de la rencontrer ! »
Joe Rohanne
Parrainé par Lého Galibert-Laîné et Sébastien Laudenbach
« Après deux fictions, de facture classique, et un documentaire de création, je souhaite imaginer et réaliser une histoire qui réponde à mon désir d’explorer d’autres manières de faire du cinéma, en écho à l’endroit intime où je me situe aujourd’hui. Féral est ainsi pour moi un film d’un nouveau genre, et de mon genre nouveau. Surtout, il est une envie puissante d’aborder des thèmes qui me sont essentiels, nécessaires, et qui m’engagent intimement et politiquement. L’un d’entre eux me touche profondément : la transidentité – et au-delà, les manières queer d’être et d’habiter le monde, hors des normes, dans les marges.
Féral sera donc une queertopie, une science-fiction queer, ma réponse par l’imaginaire au désespoir, à la résignation, au désemparement nés de notre situation planétaire actuelle. J’ai envie d’écrire une histoire qui expose des affinités et des corporalités nouvelles, où la sensibilité et l'hybridité sont des pouvoirs, et où le rêve est un outil de transformation du réel. Féral est l’histoire d’une alliance entre les formes de vie du monde qui luttent contre ce qui les détruit. Le rêve y jouera un rôle primordial et l’existence d’influences réciproques entre le rêve et le réel sera un ressort narratif et créatif clef.
Féral sera donc mon histoire de rêve-olte, si j’ose. Un « et si... » qui prend la forme d’un film, un « ce pourrait être autrement ». Et si le rêve, l’imaginaire, l’inconscient, devenaient un espace politique, un outil de lutte, de résistance, de subversion ? Et si une alliance, un destin partagé des formes de vie terrestre était possible ? Voici, pour le résumer tel que je le peux actuellement, deux des grandes questions qui animent Féral. »
Théo LE DU / Cosmo
Parrainé par Christophe Galati
« Immergé dans l'industrie et la communauté française du jeu vidéo depuis plus de dix ans, je sens qu'aujourd'hui je suis à deux doigts de “rage quit” ce milieu.
Toujours plus complexe, coûteux et chronophage, le jeu vidéo est devenu, en quelques dizaines d'années la première industrie culturelle mondiale. Alors pourquoi quitter une industrie qui semble si prospère ? Le projet RAGE QUIT se distingue des récits habituels des success stories pour mettre en lumière l'impact réel de cette industrie sur les travailleuses et travailleurs du jeu vidéo. Derrière l'image glamour de ces “métiers passion”, se cache une exploitation systématique qui pousse les individus à bout. Désaligné·e·s de leurs valeurs, harcelé·e·s, épuisé·e·s par les pressions des studios de productions et des investisseurs, ils et elles se lassent de n'être vues que comme des ressources interchangeables, toujours plus précarisées.
“Comment faire autrement ?” À travers des portraits et récits croisés, RAGE QUIT vise à documenter ces parcours, questionner notre rapport au travail et ainsi explorer les alternatives possibles et futurs désirables pour notre industrie et notre communauté. »
Mihai Grecu
Parrainé par Lého Galibert-Laîné
« L’aide au parcours d’auteur va me permettre de me consacrer pleinement au développement de mon prochain projet, Le Nouveau Bucarest, qui est un documentaire expérimental, actuellement en phase de recherche. Inspiré de la figure mystérieuse de Julius Popper, explorateur roumain du 19ᵉ siècle, à la fois célébré comme ingénieur de génie et critiqué pour son rôle dans le génocide des peuples autochtones de Patagonie, le film interroge les thèmes du colonialisme et du génocide dans un contexte contemporain.
Ce projet puise dans mes souvenirs d’enfance sous la dictature communiste, marquée par la découverte de la Terre de Feu à travers une série télévisée d’aventures emblématique en Roumanie, appelée "Toate panzele sus". Plus tard, j’ai appris que cette région mythique et les récits qui m’avaient fasciné étaient liés à Popper, une figure méconnue de l'histoire roumaine.
À travers ce docu-fiction, je souhaite explorer comment l’intelligence artificielle et les outils numériques redéfinissent la mémoire collective et permettent de revisiter des événements historiques. Ce projet prolonge mon travail artistique en mêlant réflexion sur l’Histoire, recherche ethnographique et innovation visuelle.
L’aide au parcours d’auteur est cruciale pour concrétiser cette vision. Elle me donnera les moyens de renforcer la recherche, d’expérimenter avec des technologies de pointe et de porter ce projet à un niveau artistique élevé. Le Nouveau Bucarest représente une étape clé dans mon parcours, ouvrant des perspectives nouvelles à la croisée du documentaire et de l’expérimentation numérique. »
Iris Chassaigne et Aaron Cohen Yanay
Parrainés par Lého Galibert-Laîné
« Après avoir écrit deux court-métrages ensemble, nous entamons l’écriture de notre premier long-métrage, Le mystère joyeux et triste de tout ce qui arrive et part. Pour celui-ci, l’ambition première est formelle : faire un film en deux parties distinctes, séparées par une rupture temporelle. La première partie sera le récit d’une journée d’un jeune homme trans français en 2024 et la seconde suivrait plusieurs personnages le temps d’une nuit dans les cabarets queer de Berlin en 1924. Par l’aspect discontinu du film, et l'absence de lien narratif entre les deux temps, nous souhaitons suggérer et explorer d’autres liens, impalpables, que nous même n’arrivons pas tout à fait à saisir et qui sont au cœur de notre travail. Parmi eux, les liens entre les cycles de progrès sociaux et de répression subséquente.
Avant de pouvoir nous consacrer à proprement parler au scénario, la deuxième partie du film nous demande un temps de recherche d’archives et de documentation sur le milieu queer des années 20 à Berlin. Nous voulons nous inspirer de vrais récits de vies pour en raconter d’autres, imaginaires et fragmentaires. L’Aide au parcours d’auteurs nous permettera de mener à bien ce processus au long cours - fait d’aller-retours entre le travail de recherche et l’écriture, entre la première et la deuxième partie, le passé et le présent. »
Lydie Turco
Marrainée par Sébastien Laudenbach
« Mon cinquième film sera un point de bascule, d'autant plus symbolique qu'il parle de mes racines et comme toute mue qui touche à l'essence de ce qu'on est, il sera la chrysalide, point de départ vers de nouveaux horizons. Car si je pratique l'hybridation dans mes projets photographiques, jusqu'ici ce n'était pas le cas dans mon travail filmique.
"Ton arrière-grand-père, Luis, était républicain espagnol. Il a fait la guerre d'Espagne."
Il y a une quinzaine d'années, je trouve enfin le courage d'interroger mon arrière-grand-mère, Teresa, sur cette histoire familiale un peu taboue, dont je ne connais rien. Je suis alors la seule de la famille à qui elle livre le récit complet de l'exil. J'ai posé un petit camescope familial sur le rebord de la table de la cuisine, et je filme notre conversation pendant qu'elle épluche les pommes de terre, s'arrêtant par moments pour essuyer ses larmes. Je filme l'histoire avec un petit et un grand "H", car les deux sont intriquées, irrémédiablement ficelées ensemble.
J'ai besoin alors de prendre le temps de comprendre. Je finis par créer un projet photographique avec des prises de vues argentiques à la chambre photographique. Mais cela ne suffit pas, j'ai besoin d'expérimenter le chemin, de l'inscrire en moi. Face à une histoire en partie effacée, tronquée, déchirée, niée, je ressens le besoin de matière, de surfaces, de couches, d'épaisseur. Quelque chose d'organique, de palpable, qui construit, colmate, comble. Je pense alors à une forme plus expérimentale de documentaire mêlant photographies argentiques, peinture, animation, et même pellicule cinéma. Je pense travail sonore, récits (de mon arrière-grand-mère mais aussi de descendants de réfugiés espagnols), je pense chemin de l'exil, nécessité d'éprouver. J'ai envie de créer une matière hybride pour reconstruire une mémoire fragile, matière que je dois tester, fabriquer, malaxer et découvrir afin de pouvoir ensuite entrer en écriture. Un travail nécessaire fait de collaborations, formations et expérimentations, qui demande un investissement en temps et argent. C'est ce qui m'a amené à demander l'aide au parcours d'auteurs. »
Fabianny Deschamps
Marrainée par Sébastien Laudenbach
« “La culture de l’autre est impénétrable” dit Édouard Glissant et je crois que c’est précisément cet impalpable, ce mirage éreintant et fascinant que l’on tente d’approcher en tant qu’auteur et qui me fait persister à aller vers l’autre, l’ailleurs et tenter de le raconter. C’est une quête incessante de désir contrarié et rencontré.
Depuis des années, je rêve d’emmener ma pratique sous la ligne d’horizon, celui du niveau de la mer afin de raconter la vie d’un bestiaire étrange et méconnu, maillon essentiel de notre écosystème aujourd’hui malade et menacé, qu’est le corail.
Le film, Humaine ou les métamorphoses sera un conte pélagique à l’opposé de La petite sirène d’Andersen ou d’autres ondines mythiques, un film naturaliste dont la narration sera chantée qui va demander une longue et insolite phase de recherche, mêlant prise de vue sous-marine et animation. L’aide au parcours d’auteur va me permettre de créer cet espace d’expérimentation sur un temps court, absolument nécessaire pour connaitre l’étendue des récits dramatiques et graphiques que le film peut offrir poursuivant ainsi mon travail d’hybridation des genres entre fiction et documentaire, dispositif plastique et récit. »
Jean-Luc Perreard
Parrainé par Alain Ughetto et Céline Sallette
« Être somnambule depuis l’enfance, c'est être habitué à incarner le héros de récits comiques racontés par d'autres. Des histoires qui semblent fasciner tout le monde, mais dont on n'a aucun souvenir. Le récit est souvent suivi d'une série de questions passionnées auxquelles on tente de répondre, avec le peu d'informations dont on dispose : « mais pourquoi tu faisais ça ? » « Tu t'es déjà fait mal ? » « Tu ne te souviens vraiment de rien ? » « Tu as déjà frappé quelqu'un ? » « T’as vraiment fait l’amour en dormant ? » La réponse est souvent la même : je ne sais pas…
Faire un film sur ce sujet intime est mon obsession depuis plus de quinze ans, mais ce projet est comme une le sommet d'une montagne que j'aurais essayé de gravir par toutes les voies possibles, sans succès. Pourtant je le vois, il est toujours là, il faut juste que je trouve un passage jusqu'en haut !
Il y a quelques moi j’ai commencé à filmer un jeune chercheur qui étudie cette pathologie, qui se sert de ces somnambules pour explorer le domaine du rêve. L’objet final ne sera certainement pas un documentaire classique, plutôt une recherche pour m’aider à trouver la bonne voie pour gravir ma montagne. Une recherche qui demande du temps et se finance difficilement… Et c’est là que cette bourse tombe à pic.
Il y a un moment, dans la vie d'un réalisateur, où on a l'impression que le temps file, que les projets personnels qui occupaient tout notre temps autrefois sont constamment remis à plus tard, tandis que les commandes occupent la plus grande partie de notre travail. Cette aide me paraît merveilleusement conçue pour arrêter le temps quelques mois et me permettre de replacer ces projets personnels au premier plan pour enfin les faire aboutir.
À côté de cette aide financière, ce qui me touche dans cette bourse, c’est ce groupe de réalisateurs et d’auteurs qui se sont penchés avec bienveillance sur mon projet et m’encourage à persévérer. Impossible de baisser les bras maintenant… »
Léa Fehner
Marrainée par Naïla Guiguet et Céline Sallette
« Arpenter l’intervalle, avoir comme moteur la friction entre le réel et la fiction, ces mantras ont toujours été au cœur de mes travaux passés. Et pourtant, jusqu’à mon dernier film de fiction, « Sages-femmes », je n’avais jamais réellement découvert le documentaire. Déçue par les images d’accouchements vues habituellement dans les films, je suis partie pour ce film en tournage documentaire avec la complicité d’une poignée de familles. Un soir, seule d’astreinte, je me suis retrouvée 24h aux côtés d’une famille pour filmer la naissance de leur fille. Cette nuit-là, c’est comme si la colonne vertébrale fictionnelle de mon travail s’était brisée en deux. En filmant cette naissance, en filmant leur amour, en filmant le premier regard de cette enfant, j’ai réalisé que rien ne m’avait plus mise en alerte éthiquement que ce moment passé à leurs côtés. Trop loin on reste extérieur, trop près on se brûle, disait Depardon. Aujourd’hui, forte de cette expérience, je décide de me « brûler » et de plonger dans plusieurs projets documentaires. Je sens que cet engagement nouveau, cette expérience physique de l’inattendu est aujourd’hui nécessaire à mon écriture future. Sharmila, Isabelle, Thaïs, ce sont les trois projets éponymes qui aujourd’hui me mettent à nouveau en mouvement :
Dans le cabinet de sage-femme libérale de Sharmila, on dépose les mots et les maux. Par la confiance qui nous lie, par la confiance qu’elle ne cesse de tisser avec ses patientes, j’apprivoise l’idée de poser ma caméra dans ce lieu sensible, à fleur de peau comme à fleur d’âme. Refusant de s’imperméabiliser aux autres, Sharmila se bat contre l’idée qu’une soignante est neutre et érige sa sensibilité comme pare-feu paradoxal à son épuisement. Avec elle, c’est cette posture que je veux interroger, dans ce lieu où une porte est ouverte sur les secrets du corps des femmes.
Avec Thaïs, « déserteuse » de ses études d’ingénieure pour faire partie de la solution plutôt que du problème, c’est le journal bavard de son activisme à la météo houleuse que j’accompagne. Proche du burnout militant après un passage à la frontière biélorusse, elle cherche aujourd’hui à prendre soin de celleux qui luttent. Réparer le monde reste au cœur de ce qu’elle poursuit et le film l’accompagnera dans ses tentatives nouvelles.
Isabelle quant à elle est une femme-feu de mon enfance. Frida Kahlo du cap d’Agde, elle a élevé seule ses deux enfants alors qu’elle était en fauteuil roulant. Punk handicapée indigne aux milles amants, elle volait dans les magasins, mentait comme une arracheuse de dents, draguant férocement jusqu’aux mecs de ses meilleures amies. Refusant toute pitié et compassion, elle s’est battue pour une indépendance qui reposait autant sur son tempérament de feu que sur l’aide que sa fille adolescente lui apportait au quotidien. Point de documentaire cette fois-ci mais l’écriture d’un mélodrame sur le fil d’équilibre entre réel et fiction, faisant le portrait féroce d’une insoumise à son destin de merde.
L’aide au Parcours d’auteur m’aidera avec Isabelle à prendre le temps des nombreuses rencontres avec ses proches, tout comme celui des précautions, des tentatives qu’on abandonne quand la fiction peut blesser les vivants. Pour Thaïs et Sharmila, l’aide au Parcours d’auteur me permettra d’acheter une caméra et de commencer sereinement ces projets en faisant avancer mes questionnements de concert avec le geste produit. »
Vadim Dumesh
Parrainé par Boris Lojkine
« Ma pratique documentaire s'articule autour de la co-création, un processus collaboratif et transparent dans lequel les "sujets" du film participent activement à l’élaboration de leurs propres représentations. Cette démarche façonne un nouveau regard qui n'est pas celui de l’auteur.rice seul.e, mais – avec l'aide des nouvelles technologies – un regard porté par le sujet sur lui-même et sur son monde, à la fois inclusif, situé, personnel et singulier.
Ce processus exige une temporalité particulière, fondée sur une cohabitation à long terme au sein même des communautés où l'écriture se déploie dans la durée. Après huit ans passés à redéfinir mon rôle d’auteur de documentaire par le biais de la co-création et à réaliser un premier long métrage, LA BASE, je continue aujourd’hui à explorer les paradoxes de la créativité et de l'écriture collective.
Ainsi, alors que mes films précédents ont été réalisés au sein de petites communautés très soudées – dans des microcosmes de travailleur·se·s, auprès d'hommes et de femmes de la classe populaire, aujourd'hui je fais face au défi de renouveler mes recherches et mon approche cinématographique pour saisir le destin d'un pays tout entier en proie à une guerre dévastatrice. »