Prévention des violences et harcèlement sexistes et sexuels dans la filière cinéma-audiovisuel

Prévention des violences et harcèlement sexistes et sexuels dans la filière cinéma-audiovisuel

05 juin 2024
Professionnels

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est mobilisé, depuis 2020, en faveur de la lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels dans la filière cinéma et audiovisuelle par une série d’actions. Cet article synthétise les actions menées dans le cadre de cette politique publique, et les avancées complémentaires de la filière.


Le CNC est pleinement mobilisé, depuis 2020, en faveur de la lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels (VHSS) dans la filière cinéma et audiovisuelle par une série d’actions.

Si le droit du travail ne relève pas du CNC, le Centre a pris des mesures complémentaires au droit du travail et aux conventions collectives, dans une perspective de renforcement des moyens pour assurer la santé et la sécurité au travail des salariés de la filière. Et cela en utilisant un outil à sa disposition, à savoir la conditionnalité de l’accès aux aides publiques.

Cette politique publique, menée sous l’égide du ministère de la Culture, est en voie de franchir une étape essentielle dans le cinéma pour toucher plus largement les équipes de tournage, comme annoncé le 1er décembre 2023 par le ministère. Plus généralement, elle est le fruit d’un travail en réseau avec les professionnels et les associations qui œuvrent sur ces sujets, les organisations professionnelles patronales et salariales engagées de longue date sur les sujets de sécurité et santé au travail, et des organismes, de protection sociale (Audiens) et de formation (AFDAS).

Première étape de la politique de prévention des VHSS

Comme dans tous les secteurs d’activité, les entreprises de la filière cinéma/audiovisuel sont tenues par le code du travail de prévenir ou de mettre fin aux VHSS : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner » (article L. 1153-5).

Pour renforcer encore le poids de cette obligation générale dans la filière du cinéma et de l’audiovisuel, le CNC applique les deux mesures fortes prises par le ministère de la Culture.

Le CNC a formé 5 000 producteurs (audiovisuel, cinéma, jeu vidéo) et 1 200 exploitants de salles. Soit 6 200 professionnels à l’été 2024.

 

Amplification de la prévention des VHSS sur les tournages de films

L’obligation imposée par le CNC de former les équipes de tournage dans leur ensemble a été annoncée le 1er décembre 2023.

Aujourd’hui, le chef d’entreprise (producteur, distributeur, exploitant de salles…), responsable d’assurer la santé et la sécurité des salariés, est le seul à être visé par l’obligation de formation mise en place par le CNC. Pour amplifier le mouvement, et grâce au soutien de l’AFDAS, l’échelon au niveau duquel il faut maintenant agir est celui des équipes de tournage, au moment où celui-ci démarre.

En ciblant l’équipe de tournage dans son ensemble, c’est-à-dire le réalisateur, les chefs de postes de l’équipe technique, les comédiens, le CNC et l'AFDAS vont décupler l’efficacité de cette action en touchant toutes les personnes directement concernées par les VHSS : à la fois les potentiels auteurs et les potentielles victimes.

La mise en œuvre de cette formation sera une nouvelle condition d’accès aux aides au cinéma du CNC : avant le tournage, les producteurs devront s’engager à la mettre en œuvre et si cet engagement n’est pas respecté, les aides pourront être retirées par la suite.

Le CNC et l’AFDAS ont finalisé la concertation au printemps 2024 avec les syndicats de producteurs et de salariés pour préciser le contenu et les modalités de déroulement de cette formation. La formation et la conditionnalité des aides au respect de cette formation vont pouvoir prendre effet pour tous les tournages qui débuteront à partir du 1er janvier 2025..

L’encadrement du travail des mineurs de moins de 16 ans

Pour rappel, l'emploi d'un enfant de moins de 16 ans dans le secteur du spectacle vivant et enregistré (cinéma/audiovisuel) dépend d’une procédure spécifique, mise en place dans le but de protéger les enfants. Le producteur est tenu de recueillir l’autorisation préalable du préfet qui statue après l’avis d’une commission, la « commission des enfants du spectacle ».

Cette commission, présidée par un juge pour enfants, et composée de représentants de différents ministères (Santé, Travail, Education nationale, Culture), vérifie que l’ensemble des intérêts matériels et moraux de l’enfant sont protégés.

Le CNC peut être amené à sanctionner, par un retrait des aides publiques, une production qui ne respecte pas le droit du travail en matière de protection des comédiens mineurs.

Pour encore mieux protéger les mineurs, et conformément à l’annonce faite par la ministre de la Culture au Sénat en mars 2024, le recours systématique à un « responsable enfant » pour encadrer les enfants sur les tournages devient une condition d’accès aux aides du CNC à l’été 2024.

Dans le même mouvement d’obligation générale de prévention et de protection, et dans le cadre de la convention collective nationale de la production cinématographique, les partenaires sociaux ont signé le 17 mai 2024 à Cannes, à l’unanimité, deux avenants réaffirmant leurs engagements à lutter contre les VHSS, favorisant la protection des mineurs et fixant des recommandations en termes de casting et de coordination d’intimité. En ce qui concerne la protection des mineurs, déjà identifié dans les conventions collectives du cinéma et de l’audiovisuel, le poste de « responsable enfant » est depuis le 1er juin 2024 imposé dans un premier temps sur les tournages de films : il est ainsi prévu un recours systématique (et non plus une simple faculté) au responsable enfant pour tout mineur engagé sur un tournage. De plus, les missions et les qualifications du « responsable enfant » ont été précisées.

Une cellule d’écoute psychologique et juridique

Le ministère de la Culture et le CNC se sont associés à la mise en place, sur une initiative de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC), depuis juin 2020, d’une cellule d’écoute psychologique et juridique à destination des professionnels de la culture victimes de harcèlement et de violences sexistes et sexuelles. Elle est opérée par le groupe Audiens. Cette cellule d’écoute est complétée par une consultation médicale « emprise » au Pôle santé du 7 rue Bergère (Paris 9e).

Audiens diffuse également, depuis 2022, un kit de prévention des VHSS élaboré par les partenaires sociaux et le collectif 50/50.

Une clause assurantielle pour couvrir le risque de faits de Violence sexiste et sexuelle

En réponse au CNC, deux assureurs mutualistes, la MAIF et AREAS ont mis en place, depuis le 1er janvier 2021, une clause assurantielle pour couvrir les risques de faits de violence sexiste et sexuelle relatifs aux tournages. Cette clause, qui permet de couvrir jusqu’à 500 000€ de frais liés jusqu’à cinq jours d’arrêt de tournage, est déclenchée par un signalement par l’employeur auprès du procureur de la République. Cette clause n’a toutefois pas encore été utilisée.

Les conditions de mise en œuvre de cette couverture assurantielle font actuellement l'objet d'une analyse pour une meilleure adaptation à la réalité des situations rencontrées sur les tournages.

La coordination d’intimité, un nouveau métier dans les mains des partenaires sociaux

Le métier de coordination d‘intimité est apparu récemment sur les tournages, notamment anglo-saxons. En France, il est exercé par seulement quelques professionnelles – ce sont toutes des femmes et on en dénombre quatre en 2024 – qui ont toutes été formées à l’étranger.

Le recours aux coordinateurs d’intimité, demandé par certaines associations, est perçu comme un outil supplémentaire pour assurer la santé et la sécurité des acteurs pour le tournage des scènes d’intimité. Ce métier doit d’abord être reconnu par les partenaires sociaux. Il faut également pouvoir former plus de coordinateurs en France pour pouvoir le répandre.

Le CNC accompagne les partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance de ce métier. Il a ainsi participé à l’étude menée par la Commission paritaire nationale emploi et formation de l’audiovisuel (CPNEF audiovisuel) qui a abouti à la première publication d’une fiche métier « Coordination d’intimité » en décembre 2023 ainsi qu’à l’annonce du lancement de travaux d’ingénierie pour la création d’une formation certifiante en coordination d’intimité, à compter de 2025.

Dans le cadre de la convention collective nationale de la production cinématographique, les partenaires sociaux ont signé le 17 mai 2024 à Cannes, comme évoqué plus haut, deux avenants dont l’un fixe des préconisations pour l’organisation des castings et pour les tournages de scène d’intimité, et le recours au métier de coordination d’intimité.

* Le conditionnement du suivi de la formation sur la prévention des VHSS s’applique aussi aux entreprises des industries techniques et aux entreprises du jeu vidéo.

La formation pour prévenir et lutter contre les VHSS en chiffres

Concernant les producteurs de cinéma, audiovisuel, jeux vidéo et industries techniques :

  • 82  sessions entre le 6 octobre 2020 et le 2 juillet  2024 (Paris, Nantes, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Strasbourg, La Réunion, Martinique, La Guyane, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française) ;
     
  • 5 000 professionnels formés depuis octobre 2020 ;

Concernant les exploitants de salles de cinéma :

  • 24 sessions depuis le 5 mai 2022 (Quimper, Annemasse, Autun, Metz, Paris, Lyon, Marseille, Deauville, Pessac, Angoulême, Nantes, Rouen, Rennes, Lille, Muret, Tours) ;
     
  • 1 200 exploitants ont déjà suivi la formation.

Soit plus de 6 200 professionnels formés à ce jour.