Quel a été votre travail sur la série Blue Eye Samurai ?
O.L : Blue Spirit studio s’est occupé d’une partie de la préproduction et de toute la production animation, du layout [composition de l’image, ndlr] jusqu’à la livraison des plans finaux préparés pour une passe d’étalonnage à Los Angeles. Blue Eye Samurai déploie une esthétique 2D inspirée en partie de l’animation japonaise à la fois dans le design des personnages et dans l’acting. Notre studio a développé une technique 3D spécifique qui permet de garder un rendu 2D plus esthétique. Nous avons produit d’autres séries dans ce style avec succès, notamment Les Mystérieuses Cités d’or, qui ont bénéficié du même processus. Ou encore, certains épisodes de What If ...?, la série Marvel. Mais nous avons la volonté d’aller encore plus loin dans la qualité de nos rendus. C’est pour cela que Netflix nous a contactés et nous a fait confiance pour Blue Eye Samurai.
Comment avez-vous travaillé avec la plateforme américaine ?
Les équipes de Netflix ont développé la série. De notre côté, nous avons accompagné et exécuté leur vision. Nous avons réalisé un important travail d’animation, avec des études poussées sur les mouvements des samouraïs, la manipulation des armes, la gestuelle technique du combattant, mais aussi des détails comme la manière dont se déforment les kimonos durant un combat ! Des équipes américaines sont venues à Angoulême avec des sabres et des kimonos pour faire une démonstration auprès des animateurs. Cela donne une production assez unique, qui a su toucher sa cible : un public d’adultes avec une culture graphique nourrie d’animation japonaise.
Quelle reconnaissance apportent les récompenses prestigieuses comme les Annie Awards ?
Il y a un côté rêve américain. D’autant qu’au-delà du studio, les individus aussi sont nommés : les animateurs, les responsables des effets spéciaux… Être nommé aux Annie Awards, c’est être sur le toit du monde. Ces prix donnent une dimension internationale au studio, à nos équipes, et cela permet de montrer que notre travail a contribué au succès de Blue Eye Samurai. Blue Spirit poursuit sa trajectoire initiée depuis quelques années en développant ce style entre 2D et 3D qui devient de plus en plus sophistiqué. Cette reconnaissance aux Annie Awards signe l’aboutissement de vingt ans de travail.
Comment se déroulent les processus de production chez Blue Spirit ?
La direction du studio et une partie de la préproduction se trouvent à Paris. L’essentiel du travail d’animation, de modélisation, de texture, se fait lui à Angoulême. C’est là que nous avons réalisé une part importante de Blue Eye Samurai, avec l’aide de notre studio à Montréal. Le cœur du réacteur industriel se situe à Angoulême. Il y a un savoir-faire incroyable sur place, avec notre « pipeline » 3D [la chaîne de production des images, ndlr] capable de faire un rendu 2D. Je crois que c’est un vrai relais de croissance pour l’industrie de l’animation : une animation qui sort des « carcans de la jeunesse » pour se tourner vers un public d’adulte ou de jeunes adultes. Les récents succès d’Arcane ou de Blue Eye Samurai prouvent que c’est une direction payante pour le futur de l’animation. D’un point de vue technique et artistique, s’ouvrir à un public plus âgé nous permet aussi de développer des styles très différents. Les séries d’animation jeunesse sont très formatées, très cadrées. Un public plus adulte nous permet d’oser.
Blue Spirit fête ses 20 ans cette année. Quelle est la place du studio aujourd’hui dans l’animation française ?
Blue Spirit est l’un des leaders de l’animation en France, dans la fabrication de séries notamment. Nous travaillons pour le marché français depuis plus de deux décennies, avec des projets comme Gigantosaurus pour Cyber Group Studios, Oum le dauphin blanc, avec Media Valley, ou encore Jean-Michel Super Caribou pour Autour de Minuit. Cette activité de production locale est très forte chez nous. Avec What if ...? pour Disney, Gremlins pour HBO ou Blue Eye Samurai pour Netflix, le studio prend une dimension internationale. Notre savoir-faire est reconnu en Amérique du Nord et au Canada. En ce sens, notre studio à Montréal est très important. C’est pourquoi nous avons d’ailleurs décidé de le renforcer.
Qu’en est-il de vos collaborations avec le cinéma ?
Nous avons six longs métrages en développement, dont un qui a été présenté aux « pitchs MIFA » du festival d’Annecy cette année : La Balade de Yaya. Il s’agit d’un film en 2D, adapté d’un ouvrage chinois et réalisé par Hefang Wei, une réalisatrice franco-chinoise. Et nous nous dirigeons de plus en plus vers des projets de films d’animation en 3D à destination du grand public.
Où en êtes-vous dans la production de la saison 2 de Blue Eye Samurai, commandée par Netflix ?
Le travail va débuter cet été. Nous avons déjà recruté les équipes. La fabrication sera plus équilibrée entre notre studio d’Angoulême et notre studio de Montréal. Nous prévoyons environ vingt-quatre mois pour concevoir et fabriquer cette deuxième saison.
La série Blue Eye Samurai a bénéficié du Crédit d’impôt international du CNC (C2i)