Culottées a commencé par un blog hébergé sur le site du Monde en 2016. Pénélope Bagieu y racontait en 8 planches de bande dessinée le parcours de femmes du monde entier qui ont bravé des interdits et fait de leur destin quelque chose d’exceptionnel. Après avoir été publiés par Gallimard en 2 tomes, ces portraits voient aujourd’hui le jour sous la forme d’un programme court d’animation (30 épisodes de 3 minutes 30), porté par la voix de Cécile de France, dont le lancement a lieu à une date hautement symbolique, le 8 mars.
Quelle a été la première étape dans l’adaptation de la bande dessinée en série d’animation ?
Le plus difficile, c’est de trouver le concept. Il fallait faire un travail de mise en perspective et d’écriture par rapport au matériau bande dessinée. Une fois que les scénaristes ont trouvé une structure commune à toutes les histoires, nous l’avons testée sur plusieurs épisodes. Ça nous a permis de valider la série et de lancer la production.
Pouvez-vous nous détailler cette structure ?
Les échanges avec Pénélope Bagieu ont permis de bien cerner les axes scénaristiques. L’idée est qu’on débute toujours par un médaillon avec le personnage. Ensuite, on poursuit avec la caractérisation de la « culottée » à l’enfance ou à l’adolescence, car, la plupart du temps, le drame personnel ou la situation géopolitique qui concerne l’héroïne arrivent très tôt dans sa vie. Souvent, on retrouve une problématique qui grossit pour atteindre un point de non-retour où la culottée va exprimer qu’il y a quelque chose dans sa vie qui l’empêche soit d’avancer, soit de s’épanouir en raison de sa condition de femme ou parce qu’elle a des ambitions qu’on lui interdit de vivre. On a appelé ça le moment de la révélation où la culottée verbalise son besoin, son envie, son blocage. On enchaîne sur une séquence musicale avec un montage un peu rapide — c’est le moment d’empowerment – où on voit l’héroïne créer quelque chose ou accomplir un exploit. Puis on attaque la seconde partie de l’épisode où souvent la problématique personnelle devient plus universelle. Par exemple, Leymah Gbowee, travailleuse sociale au Libéria et prix Nobel de la Paix en 2011, s’est enfuie de chez elle, où elle subissait des violences conjugales, puis s’est mise à aider d’autres femmes. Enfin, on a une conclusion, quand la culottée a « gravi sa montagne », qu’on a appelée le mantra. C’est une sorte de devise adressée directement au spectateur, un encouragement à s’affirmer.
La passerelle entre la bande dessinée et la série animée est-elle facile ?
C’est le piège, de le penser. Au début de notre travail, les toutes premières versions étaient très proches de la BD, mais rapidement on s’est rendu compte que cela ne fonctionnait pas. Il y a eu plus d’une dizaine de versions de story-boards. Les deux formats ont des rythmes différents. Quand on lit une BD, on a la voix dans la tête, on imagine le personnage bouger. Dès que cela est mis en perspective et animé, l’ensemble devient complètement différent visuellement. Par exemple, lorsqu’on voit un personnage à l’écran, on a envie qu’il parle. Du coup, il a fallu augmenter les dialogues et réduire la voix off.
Comment se déroule l’adaptation graphique ?
On est restés le plus fidèle possible aux dessins de Pénélope, à son humour cartoon, mais on a dû résoudre des problématiques techniques : comment unifier un graphisme ? Comment faire en sorte qu’il soit adaptable dans le logiciel que nous utilisons ? Le trait de dessin est une des choses les plus dures à adapter en animation. Il faut rationaliser le travail de graphisme d’un auteur, car son dessin évolue au cours de la BD. On a dû simplifier aussi pour que les animateurs qui ont tous un dessin différent aient la même référence.
Est-ce que les huit planches par personnage de la bande dessinée suffisaient à nourrir le scénario des différents épisodes ?
En fait, on avait plus de matière que pas assez. Il y avait une richesse d’écriture et on a regretté de ne pas toujours pouvoir la garder. Nos épisodes durent 3 minutes 30 – le temps d’une chanson —, ça va très vite. Et il fallait rester concentrés sur l’axe. Néanmoins, nous avons travaillé avec des documentaristes afin de recontextualiser ce que Pénélope Bagieu racontait. Cela nous permettait de nous nourrir de l’histoire et de comprendre les moments-clés de la vie d’un personnage, mais aussi de visualiser sa ville, les lieux qu’elle a fréquentés. Par exemple, dans l’aventure de Peggy Guggenheim, on a pu dézoomer pour voir à quoi ressemblait le musée, la ville de Venise. Nous avons ainsi pu créer des repères pour les décorateurs et les dessinateurs.
Quel statut a la mini-série dans l’aventure des Culottées ?
BD et série se complètent et se répondent. Nous, nous voyons la série comme un pont vers la BD qui, elle-même, est un pont vers une documentation plus riche que les lecteurs peuvent trouver. On est sur un nouveau médium qui va amener un nouveau public vers la BD.
De quoi êtes-vous la plus fière ?
Déjà, de travailler sur cette série, car j’étais fan de la BD. C’est très important de faire ce genre de série en ce moment à la télévision, sur le service public, à une heure de grande écoute. Cette série sur des femmes, produite par des femmes, apporte un message capital sur l’émancipation et dénonce beaucoup de problématiques encore très contemporaines (le sexisme, les violences conjugales…). Pour autant, le public auquel nous nous adressons est mixte, car la grande leçon de ces Culottées c’est d’oser être soi. Et cela concerne tout le monde.
Culottées est diffusée à partir du 8 mars, sur France 5, et a reçu l’aide au pilote, l’aide à la préparation, l’aide sélective à la production et l’aide à la création visuelle ou sonore (CVS) du CNC.