Pourquoi avoir choisi d’adapter Poupoupidou (2011) en série ?
G. H-M : Initialement, l’idée de Poupoupidou était de faire une série. Mais à l’époque, on en produisait moins. Or, je suis quelqu’un de bavard, de foisonnant. Plus baroque que synthétique. Le format sériel me convient bien. Il me permet d’aller plus loin, de digresser, de m’attarder sur des détails. Et puis j’adore les cliffhangers. J’adore quand ça déborde du cadre télévisuel, à la Lost, que ça se retrouve sur les forums, que chacun y va de sa théorie… La série devient un objet ludique, presque un « escape game » géant.
A-t-il été facile de convaincre l’équipe de revenir ?
Quand j’ai parlé à Jean-Paul Rouve et Guillaume Gouix de transposer l’enquête de Poupoupidou en série, ils ont tout de suite été partants comme le reste de l’équipe et certains petits rôles. J’ai été cherché de nombreux seconds rôles du film de l’époque, tel que le journaliste de France 3, que l’on retrouve dans la série douze ans plus tard. J’avais gardé les coordonnées de tout le monde. David Lynch est retourné à Twin Peaks, vingt-cinq ans après, Lars von Trier a revisité son Hôpital… Je crois que lorsqu’on est auteur de fiction, on vit dans sa fiction. De la même manière qu’on aime retourner dans des endroits où l’on a grandi. Quand je retourne à Mouthe (Franche-Comté), j’ai l’impression de rentrer chez moi !
Comment éviter de s’enfermer dans une seule histoire, de tourner en rond ?
J’ai toujours aimé creuser plutôt que courir. Quand on court, on reste à la surface. Quand on creuse, on descend, et c’est là qu’on trouve des choses. Ainsi, la série va plus loin que le film. Dans cette même philosophie, j’aime beaucoup le théâtre où les metteurs en scène reprennent des pièces. Combien y a-t-il eu de versions d’Hamlet ? À chaque fois qu’on voit l’œuvre de Shakespeare adaptée par quelqu’un d’autre, incarnée par d’autres comédiens, on voit quelque chose de différent, alors que c’est la même pièce. C’est passionnant de découvrir de nouveaux aspects en refaisant une œuvre. J’aimerais, parfois, que certains films soient refaits ! Que donnerait La Mort aux trousses (d’Alfred Hitchcock) par Tim Burton ? Que donnerait Amadeus (de Milos Forman) par Pedro Almodóvar ? Et Seven (de David Fincher) par moi ? (Rires.) Parce que Seven a inspiré Polar Park. Il y a des scènes entières de la série, et notamment cette approche du thriller et du serial killer, que j’ai pensées à partir de Seven.
Justement, comment avez-vous travaillé le scénario et le ton de cette adaptation sérielle ?
Beaucoup de choses sont différentes entre le film et la série. D’abord, Poupoupidou était centré sur l’assassinat d’une femme, Candice Lecœur. Dans Polar Park, on parle d’un tueur en série. On y affronte davantage le premier degré du thriller. En revanche, la série comme le film mettent en avant les personnages et leurs émotions davantage que le mystère du tueur. Dans tous les polars, c’est avant tout une histoire d’amour, de sentiments, qui régit l’intrigue. Ensuite, concernant le ton, Poupoupidou était plus mélancolique que Polar Park. À l’époque, d’ailleurs, je m’étais fait un peu surprendre par cet aspect. L’humour avait dû s’effacer davantage. La mélancolie du personnage principal laissait peu de place au burlesque. Cette fois, le processus d’écriture a été différent. Le ton est volontairement cocasse et saugrenu. L’humour a conduit la narration, même si le récit a souvent été recadré pour conserver un certain premier degré. Parce que c’est un polar. Parce qu’il y a des morts. Et donc des drames. Si je devais donner un modèle, je dirais Jacques Tati. Il détestait le gag. Il n’y en a presque jamais dans ses films. Tout se joue dans une forme de décalage. C’est un peu poétique. Je peux citer aussi Buster Keaton, qui donnait dans le burlesque. J’irais même jusqu’à dire que Jean-Paul Rouve est dans cette veine. Il pourrait jouer du muet. Il est tout le temps sur un fil. Il est détaché, presque comme un Columbo qui n’a l’air de rien.
David Rousseau (Jean-Paul Rouve) pourrait être un personnage de série policière au long cours…
Mais oui ! Et d’ailleurs, à un moment donné, TF1 a montré un certain intérêt pour le projet. Le format aurait peut-être été différent, sans doute avec des unitaires… Mais la chaîne avait vu le potentiel du duo, de ces Sherlock et Watson que forment David Rousseau et le gendarme Louvetot (Guillaume Gouix). Moi-même, j’ai été surpris de voir à quel point le tandem de Poupoupidou était phénoménal. C’est pour cette raison que j’ai eu envie d’y revenir. J’ai réalisé que je ne l’avais pas assez exploité à l’époque. Un duo que tout oppose, qui ressemble à celui de La Chèvre (1981), où Depardieu finit par croire. Croire en la malchance de Pierre Richard. La même dynamique se crée dans Polar Park, quand le gendarme finit par suivre David Rousseau, écrivain noyé dans ses fictions, avec ses idées cinglées et qui se fit toujours à son intuition.
Comment envisagez-vous la suite ?
Quand je réfléchis à ce que je veux faire après Polar Park, ce qui me vient tout de suite, c’est cette envie de retrouver mes deux personnages et leurs acteurs. C’est passionnant, cette idée de pouvoir les mettre dans des situations différentes, dans des aventures différentes. J’ai envie de montrer le temps qui passe et comment ils grandissent.
polar park
Polar Park – saison 1 en 6 épisodes
Créée, écrite et réalisée par Gérald Hustache-Mathieu
Avec Jean-Paul Rouve, Guillaume Gouix, Pierre Lottin…
Produite par Arte France et 2.4.7 Max
Disponible sur la plateforme arte.tv et à l’antenne le 2 novembre
Soutiens du CNC : Aide à la préparation (sélectif), Aide à production (sélectif)