Membre de l’équipe de production, le story-boarder intervient avant le tournage. Sa mission : partir du scénario pour le « traduire » en dessins et croquis montrant l’angle de la caméra, les déplacements des personnages dans le cadre ou encore l’ambiance générale du plan. Ce story-board, sorte de bande-dessinée précisant la mise en scène, servira ensuite de base pour la réalisation. « Dans le meilleur des cas, il y a un temps pour l’écriture, un pour développer les décors et un pour le story-board. Mais on se retrouve parfois avec des scénarios dans lesquels il y a de nouveaux décors à imaginer et qui vont être redessinés derrière, des personnages qui n’ont pas encore été conçus : toutes les étapes de la préproduction se font en même temps, ce qui peut poser problème. Certains producteurs retardent le plus possible le moment de se lancer en production, et il faut donc tout faire en même temps lorsque le feu vert est donné », explique Sébastien Vovau.
Si les vignettes dessinées par le story-boarder étaient à l’époque accompagnées d’« action notes », des indications écrites sur le déroulé de la scène, ce n’est plus systématique aujourd’hui grâce au progrès technologique. « On en faisait lorsqu’on travaillait sur papier et qu’on ne dessinait que quelques vignettes par plan. Aujourd’hui, je n’en fais plus beaucoup car tout est dessiné. Pour Runes, qui a des épisodes de 22 minutes, il y a environ 420 plans car la série est rythmée. D’autres, à la narration plus posée, nécessitent 370 plans.».
L’apparition et l’évolution des logiciels dédiés au story-board ont considérablement transformé ce métier en permettant de pousser encore plus loin le dessin, de créer « pratiquement des petits films d’animation » très détaillés. « On travaille de plus en plus sur des séries en 3D et de nombreux studios développent des logiciels qui permettent de faire des pré-modélisations basse définition des décors, ce qui nous permet de placer nos caméras directement dans ce dernier et d’avoir une plus grande précision dans les placements », confirme-t-il en précisant malgré tout que cette technologie n’est pas toujours simple d’utilisation pour les story-boarders qui ne sont pas des techniciens 3D. Parmi les logiciels utilisés par ces professionnels du dessin figure le Canadien Toon Boom Storyboard Pro. « On l’utilise depuis une dizaine d’années. Ceux qui aiment avoir la main sur le montage, le son ou l’animation considèrent qu’il a enrichi notre métier. Pour d’autres, il l’a compliqué car plus c’est facile et rapide, plus on nous demande de choses », analyse-t-il.
Sébastien Vovau raconte ainsi que certaines productions leur demandent « d’aller jusqu’à l’animatique, c’est-à-dire de monter le story-board pour en faire la structure finale ». Une tâche dévolue à l’origine aux monteurs. Evoquant un transfert de compétences de plus en plus important, il met en lumière le fait que son métier « grignote petit à petit toutes les étapes de la production ». « Quand j’ai commencé, les monteurs avaient par exemple une semaine pour faire un 7 minutes, puis c’est passé à 3 jours, 2 et enfin une seule journée. Les story-boarders font souvent le prémontage désormais », regrette-t-il. Ces nouvelles attributions obligent les dessinateurs en charge du story-board à avoir des compétences supplémentaires « proches de celles de la mise en scène ». Elles ont également eu un impact sur le temps de réalisation du story-board. « Les délais étaient courts quand j’ai commencé : j’ai par exemple réalisé un 7 minutes en 8 jours. C’est passé à 10 jours puis 13 à partir du moment où le métier s’est complexifié. Certains dessinateurs ne voulaient pas faire ce travail à cause des nouvelles compétences demandées, les producteurs ont donc aménagé les conditions de travail, augmenté les salaires et le temps octroyé pour faire le story-board ».
Un travail main dans la main avec le réalisateur
Avant le story-board, Sébastien Vovau a officié comme animateur. « Dans l’animation, on s’occupe d’un plan et d’un personnage qu’on essaie de faire vivre dans une scène. J’aime la globalité du story-board : on voit l’étendue de la narration, on s’occupe de tout un projet », sourit-il en évoquant son métier qui lui offre une certaine liberté. Il peut par exemple, en accord avec le réalisateur, apporter des modifications au scénario initial. « Des changements peuvent s’opérer au moment de la mise en scène car le scénariste n’a pas forcément les décors ou la taille des personnages en tête. Si j’ai des idées, je vais voir le réalisateur pour valider avec lui avant de les dessiner. Certains scénarios sont trop longs et comportent par exemple 30 pages pour un projet de 22 minutes. En accord avec le réalisateur, il faut trouver où faire des coupes pour tenir dans le temps imparti ».
Le budget alloué au projet est également à prendre en compte pour « éviter les mauvaises surprises à l’étape de production » qui intervient parfois longtemps après celle du story-board. « J’ai déjà officié comme chef story-board. Il faut travailler main dans la main avec la production pour voir combien va coûter la séquence car une fois en story-board, il faut la réaliser. Dans ces cas-là, j’essaie de réunir les chefs des départements techniques pour leur montrer l’animatique avant la fin de l’étape story-board pour faire d’éventuelles retouches ». Certaines séquences comme des scènes de foule peuvent aussi poser problème financièrement parlant. Sébastien Vovau, qui a récemment rencontré ce cas de figure, a donc consulté la production pour connaître le nombre maximum de personnages pouvant apparaître dans son plan. « En général, on ne peut pas aller au-delà de 7 personnages et parfois même 3 seulement. Il faut trouver des angles de caméra pour donner l’impression de foule, tout en sachant qu’il y aura le sound design derrière ».
Côté salaires, la rémunération dépend des productions et de la géographie : un projet cinéma sera mieux rémunéré qu’une série d’animation, et le story-boarder ne touchera pas la même chose en province qu’à Paris. La rémunération, qui oscille de 180 euros à 240 euros par jour, varie également selon les sociétés de production et l’ancienneté. Point notable : les story-boarders sont rémunérés selon une forme de forfait. « Il y a un accord avec les producteurs : il faut réaliser le story-board en un certain nombre de jours. Si on dépasse, les jours en plus ne sont pas payés. On se retrouve souvent tiraillés entre le producteur qui n’attend pas une qualité extraordinaire et le réalisateur qui veut quelque chose de poussé. Mais nous bénéficions souvent d’aide pour finir dans les temps. Sur Runes par exemple, la seconde assistante réalisatrice aide le story-boarder lorsqu’il risque d’être en dépassement. Elle signera quelques plans pour le soulager ». Enfin, plusieurs formations existent pour faire ce métier, parmi lesquelles le diplôme national des métiers d'art et du design (mention animation). Sébastien Vovau, qui se destinait au départ à la bande dessinée, a lui étudié aux Gobelins ainsi qu’à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art.