Plusieurs scénarios étudiés
« La 5e édition du Arte Concert Festival était programmée à la Gaîté Lyrique – lieu qui accueille habituellement le festival – depuis le départ. Avec Arte, nous nous sommes rapidement dit qu’il fallait prévoir plusieurs scénarios car l’incertitude était trop forte avec la situation sanitaire. Tous les tourneurs, patrons de salles de spectacles et artistes en France le savent d’ailleurs mieux que nous. Nous avons donc rapidement décidé de construire le festival pour qu’il puisse se dérouler quoi qu’il arrive. Un confinement strict avec interdiction totale de travailler et la fermeture de la Gaîté Lyrique, comme en mars, était la seule chose qui aurait pu empêcher l’événement d’avoir lieu. Dès qu’on a su que les tournages étaient autorisés et que La Gaité Lyrique pouvait maintenir une activité à huis clos, il n’y avait pas de souci si les protocoles sanitaires étaient respectés : gestes barrières, masques, nombre de personnes limité dans les pièces… Nous avons travaillé dans des conditions sanitaires très strictes. »
Une émotion particulière
« L’équipe du festival comportait moins de monde cette année que les éditions précédentes, notamment au niveau de la communication, et nous avons fait attention à la répartition pour que les distanciations soient respectées. Il y avait ainsi un roulement pour le catering [pour la prise des repas, NDLR], un nombre limité de personnes dans les loges alors que ces dernières accueillent habituellement des invités d’artistes… Nous avons eu peur que l’absence de fête et de contact humain engendre une 5e édition austère avec peu d’humanité. Mais nous avons finalement vécu un festival très fort humainement. Les artistes avaient envie de jouer malgré les conditions et le manque de public. Nous avions aussi envie de faire ce festival tout comme Arte qui, en tant que diffuseur, soutient beaucoup les artistes depuis le début de la pandémie. »
Un triple dispositif
« Certains concerts ont été tournés à l’étranger (aux Etats-Unis et en Angleterre) en amont par des équipes avec lesquelles nous collaborons régulièrement. La moitié des concerts qui ont eu lieu à la Gaîté Lyrique étaient en direct et le reste a été enregistré un peu avant mais dans les conditions du direct. Nous sommes restés dans l’ADN de La Blogothèque et nous ne voulions pas découper le concert en différentes prises pour ne pas perdre l’énergie du live. Jouer sans public est déjà difficile, il ne fallait donc pas enlever aux artistes la dynamique de rentrer dans un show. Un concert se construit et il faut le faire progresser : les trois derniers morceaux sont d’ailleurs généralement moins compliqués que les trois premiers. Nous avons pris des claques artistiques cette année grâce aux artistes qui étaient tous des bêtes de scène. Prudence, dont c’était le premier live sous ce nom [c’est le premier projet solo d’Olivia Merilahti de The Dø, NDLR], a joué en en direct face à une salle quasi vide – nous étions 6 en plus des cadreurs car seuls ceux ayant un rôle concret pour le tournage étaient autorisés dans la pièce – et elle nous a impressionnés. Tous les artistes ont mis la barre très haut sur leurs performances et il faut les remercier. »
Un important travail de scénographie
« Il y a eu un gros travail sur la création de la scénographie, avec cette scène centrale dans la grande salle dont nous rêvions depuis quelques années et qui ressemble davantage à un plateau de télévision, ce qui rend moins visible l’absence de public. Nous avons par ailleurs fait appel à Pierre Claude, un light designer réputé qui a notamment travaillé sur la dernière tournée du groupe Phoenix ainsi que pour les Strokes et Gesaffelstein. A la production, nous avons tous travaillé pour que la création lumière occupe l’espace, avec ces lasers Astera posés au sol. Lorsque le deuxième confinement a été mis en place, nous avons d’ailleurs rajouté de la création lumière dans la grande salle et le foyer de La Gaîté Lyrique pour remplacer le public qui ne pouvait plus être présent. Nous avons par exemple installé des chandeliers. Outre la lumière, nous avons également beaucoup travaillé la cinématographie des concerts qui ont été construits pour être filmés. Sans public, il était possible de mettre les caméras n’importe où, ce qui est impossible habituellement. Nous avons ainsi pu avoir une caméra suivant Sébastien Tellier de la grande salle au couloir de lasers avant de finir dans le foyer lors d’un morceau tourné en plan-séquence, tandis que Prudence a pu commencer son concert sur la terrasse avant de finir dans le foyer. Ça fait partie des rares avantages de ne pas accueillir des spectateurs ».
Des idées pour la suite
« Chaque année, nous essayons de faire un festival différent avec Arte. Au départ, nous ne tournions pas dans le foyer, puis nous avons mis une petite scène centrale dans la grande salle pour des artistes qui n’étaient pas des têtes d’affiche. Nous avons aussi réalisé un concert en déambulation dans toute La Gaîté Lyrique. Mais nous aurons du mal à revenir en arrière au niveau de la scène centrale qui a marqué tout le monde. Je pense également que nous reviendrons, l’année prochaine, à la déambulation, chose que nous n’avons pu prévoir cette année car le public devait rester assis sans se déplacer pour des raisons sanitaires. Passer du son très enveloppant de la grande salle à celui plus intimiste du foyer avant de finir avec un son plus proche, qui a fini en murmures sur la terrasse lors du concert de Sébastien Tellier, est quelque chose que nous avons envie d’expérimenter davantage ».