Comment cette série créée par Clémence Azincourt a-t-elle vu le jour ?
Clémence est une très bonne amie. On se connaît depuis longtemps ! Elle m’a d’abord parlé de son projet pour que je lui apporte un regard extérieur. J’ai flashé dessus, alors elle m’a proposé de collaborer avec elle. Puis, on a formé un trio d’écriture avec Clément Marchand. Ce qui m’a plu dès le départ, c’est le fait qu’il existe peu de séries sur le sujet. Ce côté tabou en faisait un défi intéressant. Et puis Clémence est arrivée avec une manière tendre d’aborder cette histoire. Une vision humaine hyper sincère, qui m’a beaucoup touchée, sans rien de racoleur ou de voyeur. On est sur le fil entre humour et émotion. On est dans une histoire d’amour tout simplement.
À l’origine, il y a aussi cette statistique : 10 % des résidents de maison de retraite ont encore une sexualité…
C’est certainement plus d’ailleurs ! Mais ce n’est pas simple à quantifier. (Rires.) Je me souviens que la fondation Abbé Pierre a fait une campagne sur le sujet, dans le métro… mais personne n’ose vraiment en parler je crois, parce que ça gêne un peu tout le monde.
Pourquoi est-ce gênant de parler de la sexualité des personnes âgées ?
Déjà il y a le corps qui vieillit, qui change, on n’a pas forcément envie de le voir ou d’y penser ! Il y a une affaire de dégoût, tout simplement. Aussi parce qu’on n’est pas habitué : moins on voit les choses et plus on en a peur, plus on les cache, plus notre imagination prend le relais. Et puis il y a aussi cette idée qu’il n’y a plus de désir chez les vieux – et je dis « vieux » parce que je déteste le mot « sénior » : plus on s’approche de la mort, moins on a d’envie… En fait, non ! Tant qu’on est vivant, rien n’est joué et ça peut même, au contraire, donner un élan de liberté !
Au cinéma, on nous dit souvent que l’amour n’a pas d’âge… Mais que le désir n’a pas d’âge, c’est plus rare non ?
C’est vrai. Cette petite précision en dit long. Le désir, c’est l’idée de la libido, de l’excitation, de la sensualité. Ce n’est pas seulement se tenir la main dans un beau moment romantique. Nous, on voulait parler de sexualité et avoir de vraies informations sur le sujet. Donc on a fait appel à une consultante, une ancienne directrice d’EHPAD qui nous a fourni des témoignages incroyables, presque intimidants, de personnes âgées qui redécouvraient le plaisir et les joies de la sexualité. Cela étant, ce n’est pas le cas de tous, évidemment. On ne dit pas que dans la vieillesse, tout le monde s’amuse. Dans la série, on a d’ailleurs une résidente qui confie qu’il faut « accepter son corps qui décrépit, sinon ça ne marche pas ». C’est quelque chose qu’on a vraiment lu dans un témoignage. Si on lâche cette idée qu’on est devenu vieux, alors là, ça peut être génial !
Comment avez-vous pensé la mise en scène de la passion entre vos deux héros, Jacques et Rose ?
Ce n’est pas facile à imaginer, clairement. La première étape fut de réussir à capter l’alchimie. Les deux comédiens – Féodor Atkine et Sylvie Granotier – étaient la clé. Il fallait qu’ils aient la classe, qu’ils ne soient pas caricaturaux. Une fois le casting terminé, j’ai cherché le bon dosage. Je ne voulais pas être dans la provocation, parce que je suis quelqu’un d’assez pudique. Il fallait filmer ces corps dans des scènes d’amour, mais sans en abuser, ni en faire quelque chose de gratuit ou de cru. Et surtout, au final, je voulais que leur histoire soit romanesque. Qu’on n’ait jamais un regard moqueur sur eux, jamais voyeur, et même qu’on soit impressionné. Bref, qu’ils soient deux grands héros romantiques !
En tant que réalisatrice, comment avez-vous vécu ces séquences et ce rapport au corps qui vieillit ?
Les acteurs étaient bien dans leurs corps. Je ne me suis donc pas trop posé de questions. On aurait filmé des corps jeunes, ça m’aurait fait le même effet. Je dirais que ça ouvre une autre perspective sur la vieillesse. Ça donne du baume au cœur et l’idée qu’on peut toujours se réinventer, qu’il faut garder son esprit de curiosité, si l’on a toute sa tête bien entendu. Je crois que les gens qui étaient avec moi sur ce tournage ont tous un peu moins peur de vieillir après avoir filmé cette histoire.
Comment avez-vous dirigé Féodor Atkine et Sylvie Granotier, deux acteurs septuagénaires, durant ces séquences romantiques et sensuelles ?
Déjà, ce sont de grands professionnels très expérimentés… Et puis ça leur a plu qu’on leur demande de tourner cette série. Ce n’est pas un sujet qu’on leur propose tous les jours, alors ils ont pris le projet à bras-le-corps. On a beaucoup parlé en amont pour être bien raccord. On savait où on allait. Et ils m’ont fait confiance et ne se sont pas posé trop de questions. Il fallait y aller sans tourner autour du pot, pour ne pas refaire les scènes 100 fois. Ils demandaient d’ailleurs à ce qu’on y aille franchement, sans édulcorer. Et comme ils sont très à l’aise avec leurs corps, ça a collé.
Septième Ciel a aussi pour cadre une maison de retraite, souvent perçue comme un mouroir. Avez-vous cherché à changer cette vision du lieu ?
C’est un peu l’arène de la série, mais ce n’est pas le sujet. On a mis en scène une histoire d’amour, empêchée par le lieu où elle se déroule. Un endroit dans lequel il y a plein de monde, où l’on est infantilisé. C’était un microcosme idéal, mais on ne voulait pas une résidence avec des murs blancs tristes, trop réalistes. On ne dit pas que tout est super à l’EHPAD. On n’a pas cherché à édulcorer. On raconte aussi la fatigue des soignants en arrière-plan, et comment les choses dérapent facilement…
L’idée derrière cette série est-elle de faire changer les mentalités sur la vieillesse ?
On n’a pas créé une série à message. Mais le fait que cette histoire ait du sens nous a portés. C’est un sujet qui n’est pas très attractif de prime abord, mais dont il faut parler.
À titre personnel, Septième Ciel est votre première réalisation sur une série. Qu’allez-vous garder de cette expérience ?
J’ai déjà envie d’y retourner. Je suis scénariste. Mais dans ma tête, je me définis d’abord comme réalisatrice. Même si je passe plus de temps à écrire finalement… C’était génial d’être en immersion avec les personnages pendant plusieurs semaines. Et puis ce prix au Festival de la Fiction de La Rochelle a validé cette expérience.
Septième Ciel – 10 épisodes de 26 minutes
Création : Clémence Azincourt
Scénario : Clémence Azincourt, Alice Vial et Clément Marchand
Réalisation : Alice Vial
Avec Féodor Atkine, Sylvie Granotier, Irène Jacob…
Production : Next Episode
Sur OCS à partir du 19 janvier
Soutiens du CNC : Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle (FAIA), Fonds de soutien audiovisuel (FSA)