Qui a eu l’idée de Variations ?
Sourdoreille a été créée en 2011 et s’appuie d’abord sur un média puis sur une société de production. Nous sommes une vingtaine d’associés (journalistes, réalisateurs, techniciens audiovisuels…) et l’idée de Variations est venue de l’un entre nous, le réalisateur Nathan Benisty. En 2013, il m’a proposé de créer des rencontres musicales, avec d’un côté des producteurs électro et de l’autre un instrumentiste qui s’attaquent ensemble à un répertoire qui n’est pas le leur mais qui a marqué l’histoire de la musique. C’était ambitieux et nous n’avions pas les moyens, à l’époque, de convaincre seuls les diffuseurs. Nous sommes donc allés voir La Compagnie des Indes, une autre société de production, qui nous a aidés à monter et défendre ce projet qui a ensuite séduit France Télévisions en 2016.
Comment s’organise la production entre Sourdoreille, La Compagnie des Indes et Culturebox ?
Variations est né chez nous mais a grandi grâce à France Télévisions qui nous a fait confiance. Nous leur proposons des idées et nous discutons ensemble pour définir les pistes à ouvrir ou pas. Nous essayons chaque année de nous attaquer à des répertoires musicaux qui nous semblent intéressants, nous balayons donc un spectre musical très large, de la musique minimaliste au baroque en passant par des choses plus contemporaines. Sourdoreille garde la direction artistique : je me charge avec Nathan de la programmation et France Télévisions valide ou pas.
Comment choisissez-vous les duos et le répertoire à reprendre ?
Je suis passionné de musique électronique et Nathan a une importante culture musicale sur les instruments. Nous essayons donc de composer les duos en fonction de ce qu’on connaît sur l’artiste, pour tenter de trouver un duo qui peut fonctionner. Ce qui nous importe avant tout est de proposer des collaborations qui n’ont jamais été faites et d’avoir une programmation internationale avec malgré tout de grands noms français.
Pour la quatrième saison diffusée à l’automne dernier, Robert Hood et Fémi Kuti ont interprété du James Brown. C’est la première fois que la soul est mise à l’honneur. Pourquoi ?
Les années précédentes, nous tentions de croiser le jazz et la techno qui est originaire de Detroit, avec des artistes de cette ville tels que Jeff Mills, Kenny Larkin ou encore Carl Craig. Pour le duo Robert Hood/Fémi Kuti, nous voulions nous ouvrir encore davantage avec la soul. Nous restons malgré tout dans une époque musicale proche du jazz.
Est-ce une manière de décloisonner des styles musicaux qui ne se croisent pas toujours ?
C’était effectivement notre objectif. Nous voulons surprendre et sortir les artistes de leur zone de confort pour qu’ils aillent explorer autre chose. Rone a par exemple joué avec la Maîtrise de Radio France qui chantait du Benjamin Britten. C’était un vrai décalage pour lui. Nous essayons chaque année de faire évoluer le projet. Cette année, nous allons par exemple explorer la musique punk, ce que nous n’avions jamais fait jusqu’à présent.
Etait-ce difficile de convaincre les artistes au départ ?
Nous avons dû les rassurer. Nous leur avons quand même dit qu’ils allaient jouer avec un artiste qu’ils ne connaissaient pas et sur un répertoire qui leur était inconnu ou qu’ils n’avaient jamais interprété. Et tout ça devant des caméras. C’est un gros challenge. Il y a déjà eu 19 duos, et certains ont même décidé de poursuivre l’aventure. C’est le cas de la productrice Chloé et de la percussionniste Vassilena Serafimova qui ont fait une cinquantaine de concerts ensemble et qui vont sortir un disque. Maud Geffray, qui était en duo avec la harpiste Lavinia Meijer, a également sorti un disque avec elle. C’est notre plus belle récompense.
Comment les artistes préparent-ils leur performance ?
Nous mettons un studio à disposition et tout dépend de leur agenda et de leur approche. Certains préparent pendant des semaines, d’autres n’arrivent au studio que 48h avant le concert en se disant : « Bon, qu’est-ce qu’on fait ? ». Les producteurs de Detroit ont une capacité d’improvisation assez impressionnante. Carl Kraig ou encore Kenny Larkin n’ont commencé à travailler que 48h avant d’être sur scène, et ça a marché.
Variations était au départ diffusé sur le web. Mais depuis la saison 3, le projet est aussi visible sur France 2. Qu’a changé pour vous la diffusion à l’antenne ?
Ça a donné ses lettres de noblesse au projet. Nous avons pu attirer de plus gros artistes comme Rone, Carl Craig ou encore Anoushka Shankar. En termes d’organisation, nous abordons les choses de la même manière qu’avant. Le projet évolue de toute façon tous les ans avec un nouveau lieu et une nouvelle scénographie.
En 2019, vous avez tourné au siège de Paris Aéroport – Aéroport Charles-de-Gaulle (du groupe ADP). Pourquoi ?
Nous avons tourné les trois premières années dans des salles de spectacle : le Cabaret sauvage, la Cigale puis la salle Wagram. En 2019, nous avons eu un appel du pied d’ADP qui est un partenaire régulier de notre société pour des tournages. Nous avons pu bénéficier d’un lieu assez inédit, ce qui nous permettait d’imaginer une configuration différente des salles de spectacle. Il y avait aussi un apport financier qui nous permettait de continuer à grandir.
Qu’est-il prévu pour la 5e saison ?
Nous devons tourner le 11 septembre prochain au Théâtre du Châtelet. C’est une vraie chance d’être dans ce qui est l’un des plus beaux théâtres de Paris. Les artistes seront dans la salle et non pas sur scène. Avec Variations, nous voulons les placer au cœur du public pour qu’il y ait une plus grande proximité avec les spectateurs. C’est une manière aussi de casser ce côté « artistes en hauteur sur scène ». Nous aimons avoir des fonds de plan avec du public et pas juste un fond noir.
Est-ce difficile de mettre en place un dispositif comme celui-ci dans une telle salle ?
Non, il faut juste recouvrir les sièges, ce que beaucoup de salles font déjà. Le plus compliqué cette année est le contexte. Nous nous posons beaucoup de questions sur la tenue de l’événement en septembre car la période est vraiment difficile pour le spectacle vivant. Nous ne sommes pas sûrs non plus de pouvoir accueillir les 1 500 spectateurs prévus au départ. C’est difficile de se projeter. Nous regardons donc comment évoluent les choses et nous réfléchissons à différentes alternatives.