Fanny Sidney : « Mes rencontres de comédienne nourrissent ma vie de réalisatrice »

Fanny Sidney : « Mes rencontres de comédienne nourrissent ma vie de réalisatrice »

31 décembre 2019
Séries et TV
Fanny Sidney aux côtés de Camille Cottin et Samuel Theis dans Dix pour cent
Fanny Sidney aux côtés de Camille Cottin et Samuel Theis dans Dix pour cent Christophe Brachet - Mon Voisin Productions - FTV
On l’a découverte en ado dans Hard, et surtout dans Dix pour Cent, où elle interprète Camille, la fille cachée de l’agent Mathias Barneville. On connaît un peu moins la réalisatrice de courts métrages et de websérie. L’actrice réalisatrice fait le point sur ses deux passions et raconte comment ces deux métiers, loin de se concurrencer, s’enrichissent mutuellement.

Vous avez une double casquette puisque vous êtes non seulement actrice, mais aussi réalisatrice…

J’ai suivi la classe libre du cours Florent pendant 3 ans mais j’ai également fait la FEMIS en section réalisation. Du coup, si j’ai commencé par jouer à la télévision et au cinéma, j’ai aussi mis en scène, réalisé et écrit pas mal de petites choses dont une websérie pour Arte et quelques courts métrages.  D’ailleurs je travaille actuellement sur mon premier long et une seconde série… et évidemment le tournage de Dix pour cent !

Quelle envie est venue en premier : réalisation ou comédie ?

Je crois que les deux ont toujours été corrélées : petite, j'adorais embarquer la cousinade dans des spectacles qu'on jouait tous ensemble sur la place du village où on passait nos étés. Mais c'était moi qui tyrannisais tout le monde pour répéter ! Ado, j'ai commencé à répondre aux annonces de Casting Magazine avec des photomatons que je prenais au Champion en bas de chez moi. Cela m'a encouragée à passer un Bac Théâtre même s'il fallait que je fasse une heure de transport pour ça depuis ma banlieue vers Paris. J'ai rencontré un agent à cette époque et puis un jour, on m’a parlé de la FEMIS - je ne savais pas qu’il y avait des études pour devenir réalisatrice - et ça a commencé à trotter dans ma tête. Malheureusement, non seulement on ne rentre pas à la FEMIS juste après le Bac, mais j’ai surtout raté le concours d’entrée à Ciné Sup Nantes, la prépa aux grandes écoles de cinéma. En même temps que je présentais cette prépa, je préparais le concours d'entrée à la classe libre du cours Florent. Car depuis que j'avais un agent, j’avais participé à quelques tournages en tant que comédienne et je pensais que, quel que soit le poste, j'y apprendrais quelque chose sur la réalisation ou le jeu d'acteur. Pour la petite histoire : sur mon premier tournage professionnel, un film à petit budget réalisé par un vieil assistant de Robert Bresson, je me suis retrouvée à être à la fois actrice et scripte. C’était un signe !

Qu’est-ce que la réalisatrice que vous êtes a gagné à être également actrice ?

J'ai l'impression de comprendre intimement les acteurs, leurs affres, leurs évitements, leurs peurs, leurs désirs, leur lâcher prise...toute leur petite cuisine. Forcément, pour la direction, ça joue. Après, je pense que suis peut-être un peu plus exigeante avec mes acteurs que ce que j'attendrais d'un/e réalisateur/réalisatrice. Généralement je les connais bien et j’ai déjà joué avec eux alors je prends peu de pincettes. Je ne vais pas le cacher, sur mes tournages, je suis plus concentrée sur les acteurs que sur la technique. Du moins j'organise le dispositif pour que la technique soit au service du jeu. Je ne peux m’empêcher de me projeter dans mes comédiens, d'être admirative de leur virtuosité. Je n’y ai pas trop réfléchi, mais ça doit être l’une des raisons pour lesquelles je ne joue pas dans mes films... pour l'instant !

Et inversement, qu’est-ce que la réalisatrice apporte à l’actrice ?

Plein de petites choses, en fait. Comprendre la technique m’a appris par exemple qu’il faut faire confiance à l'histoire, au montage. D'une part, l'acteur n'est qu'un élément du processus narratif – en gros : on n’est pas tout seul à raconter l'histoire ! – d'autre part, sur un tournage, il y a plein de petits moments où la caméra glane des moments inattendus : des répétitions, des fins de plans, ou juste des idioties entre acteurs avant le clap et parfois ces moments se retrouvent dans le montage final. J'adore les accidents de textes par exemple ! Quand on comprend que ce qui nous échappe peut être intéressant, il ne s'agit plus de bien faire, mais de proposer des variations qui vont apporter des nuances à la scène une fois montée. L'imperfection est plus vivante que la performance.

Et qu’est-ce qui relie les deux casquettes ?

C’est peut-être un cliché de le dire, mais c’est le plaisir de raconter une histoire. Je crois que je ne lis plus et je n’écris plus les scénarios de la même façon, maintenant que j’ai une bonne expérience du jeu et une certaine de la réalisation. Je fais partie des scénaristes-réalisateurs qui préfèrent de loin écrire pour des acteurs en particulier. Je sais ce que j'ai envie de voir d’eux, avec quelle image d'eux-mêmes j'ai envie de jouer : révélation, nature où contre-emploi...

De la même manière, quand on me donne à lire un scénario, je vois peut-être plus vite ce qui semble moins organique, les choses qui me seront dures à jouer ou celles sur lesquelles il me faudra être attentive. Même si j'ai encore beaucoup de candeur ! Sur Dix pour Cent par exemple, j’ai eu des scènes où je devais écrire un texto. A priori, rien de compliqué : ce sont mes mains qui pianotent. On se dit qu’on va jouer ça facilement en écrivant juste son texto comme dans la vie. Eh bien non, car dans la vie, en fait, on n’écrit jamais son texte directement, le correcteur orthographique change toujours tout, il y a des hésitations… et pour la caméra c'est carrément illisible. Ça m'a pris 4 prises ! J'aurais peut-être du bosser mon pianotage ! Comme quoi...il n'y a pas de petits plans...Chaque détail compte pour le récit.

Ce n’est pas trop dur d’avoir deux casquettes, dans le milieu du cinéma français ?

Pour l’instant non, pas vraiment. Je ne vois que les avantages. Mes rencontres comme comédienne (réalisateurs, producteurs….) nourrissent ma vie de réalisatrice et inversement. Je fais beaucoup de rencontres professionnelles grâce à mon travail de comédienne et la notoriété que m’a apportée la télévision. Par exemple, une grande partie de l’équipe HMC (Habillage / maquillage / coiffure) qui travaille actuellement sur la série que je réalise, je l’ai rencontrée en jouant sur Dix pour Cent.

Et c’est pareil pour les scénarios que je reçois. Plus je réalise et écris moi-même des scénarios, plus ma lecture des scénarios des autres est précise. Même si on ne sait jamais au final ce que va donner un scénario, au moins je choisis celui que je veux jouer et pour des raisons précises. Je suis devenue plus exigeante, certainement. C’est peut-être pour cela que je ne joue pas autant que je le devrais. Mais comme j'aime autant mettre ma casquette à l'envers et écrire ou réaliser... je suis quand même bien occupée !