Comment est née cette série de podcasts ?
Jonathan Schupak : Il y avait déjà un groupe de travail « écologie » à la SRF, quand j’y suis arrivé il y a un an. J’y ai rencontré Antoine qui avait développé cette idée de podcast avec quelques personnes. Il nous paraissait urgent que les cinéastes s’emparent des questions d’écologie dans leur pratique, comme d’autres professions ont pu le faire. Construire ce podcast autour de plusieurs sujets nous a permis d’inviter les réalisateurs et réalisatrices à la discussion.
Antoine Barraud : Que ce soit à la régie, au catering, à la décoration ou à la production, beaucoup de corps de métier du cinéma sont déjà engagés dans une démarche éco-responsable ou, a minima, font preuve d’une volonté assez poussée. Les cinéastes nous paraissent moins impliqués dans cette démarche. Nous pouvons le comprendre parce qu’un tournage c’est tellement de contraintes que l’esprit n’est pas forcément disponible pour d’autres paramètres. Pourtant, c’est un sujet de plus en plus urgent et fondamental, surtout si nous voulons continuer à faire du cinéma.
A qui s’adresse cette série ?
AB : En première instance, aux gens qui font du cinéma parce que nous y parlons de façon un peu technique. Mais ça s’adresse également aux cinéphiles, et aux personnes qui réfléchissent à l’écologie dans la culture au sens large. C’est pour ça que nous avons fait le choix d’une série et non d’un seul volet. Ça nous permet de couvrir plusieurs sujets et de parler de cinémas différents. Nous avons échangé avec Thomas Cailley, réalisateur de Le Règne animal, un film à gros budget, mais aussi avec Pierre Creton, auteur de films plus modestes comme Un Prince. Le documentariste Dominique Marchais et le co-réalisateur de Linda veut du poulet ! Sébastien Laudenbach font également partie de nos invités. Cette diversité nous permet d’être riches et exhaustifs, alors je pense que ça peut intéresser tout le monde.
JS : Les questions d’écologie dans le cinéma sont au fond très concrètes. Il n’est pas nécessaire d’être un technicien avec 30 ans de carrière et des connaissances très précises pour trouver des solutions. Ces solutions, nous voulons les partager avec des personnes qui veulent intégrer des pratiques plus durables dans leur métier ou dans leur vie personnelle, qu’elles travaillent dans le cinéma ou non.
Pourquoi avoir choisi le format podcast ?
JS : D’abord, parce que c’est rapide à mettre en place. Et puis, c’est moins couteux écologiquement parlant. Nous pouvons installer quelques micros, sans besoin de beaucoup de matériel ni de nombreux déplacements. Nous n’avons alors qu’à écrire des questions pour que la conversation se lance.
AB : Il fallait aussi que le dispositif soit léger car nous travaillons en dehors de ce podcast. Nous sommes cinéastes, nous faisons ces podcasts bénévolement. Un format vidéo, par exemple, nous aurait pris beaucoup plus de temps. Par ailleurs, le format simple et accessible du podcast permet de dédramatiser les questions écologiques plus facilement.
JS : Nous voulions également le faire rapidement, pour répondre à une sensation d’urgence. Nous ne voulions pas en discuter trop longtemps, mais mettre le projet à exécution sans attendre, et avoir des épisodes à proposer le plus tôt possible.
Quels rôles peuvent avoir les cinéastes dans le développement d’une pratique plus écologique du cinéma ?
JS : Je pense que beaucoup de cinéastes craignent que la contrainte écologique restreigne leur liberté de création. Cette crainte est profonde et il est normal qu’elle soit présente. Mais il apparaît rapidement qu’une grande partie des mesures à mettre en place ne sont pas visibles à l’écran. Privilégier, sur un tournage, les déplacements à vélo plutôt qu’en voiture, ou les repas végétariens, sont des changements qui ne se remarquent pas dans un film. Ce sont pourtant des mesures capitales d’un point de vue écologique. Nous ne voulons condamner aucune forme de cinéma, mais encourager une réflexion collective sur le sujet. La première chose que peuvent les cinéastes, c’est se parler. Nous, les réalisateurs et réalisatrices, sommes au départ des projets. Si nous nous engageons à mettre en place une nouvelle façon de faire du cinéma, les productions et les techniciens nous suivront.
AB : Si le cinéaste est à l’origine de la démarche éco-responsable, ça légitimise cet enjeu, et tout le monde sur le tournage se sent plus à même de proposer des solutions. Cet engagement peut créer une émulation collective avec beaucoup de conséquences positives.